Que faut-il en comprendre ?
1) Des données brutes trop belles pour être vraies
Newton, Mendel et Dalton : des résultats « trop bons » afin de rendre des théories plus convaincantes
Dans les temps de la physique moderne, Isaac Newton, qui formula les lois de la gravitation dans son « Principia » en 1786, semble avoir succombé à la tentation de manipuler ultérieurement un facteur correctif pour rendre le pouvoir prédictif de sa théorie encore plus convaincant face à ses opposants en Allemagne comme Leibniz. Usant de son arme rhétorique, Newton réussit à convaincre les plus sceptiques de la justesse de sa théorie. La manipulation ne fut découverte que 250 ans plus tard (Westfall , 1973).
John Dalton, chimiste du XIXè siècle, qui découvrit les lois de la chimie combinatoire et prouva l’existence de différents types d’atomes, publia d’élégants résultats qu’aucun chimiste de nos jours n’a réussi à reproduire. Il semblerait en fait que Dalton ait sélectionné les données publiées, en choisissant celles qui appuyaient sa théorie (Partington, 1960). Enfin, Grégoire Mendel, moine autrichien qui fonda la génétique, publia des articles sur son travail sur les pois où les statistiques sont trop bonnes pour être vraies. Ce type de fraude est qualifié de « cooking » par Charles Babbage, inventeur de la machine à calculer, et qui publia en 1830 un traité « Reflections on the Decline of Science in England » sur les différentes catégories de fraudes déjà bien répandues au XIXè siècle. Malheureusement, ce type de fraude persiste au XXè siècle avec l’exemple du physicien Robert Millikan, prix Nobel en 1923 pour avoir été le premier à mesurer la charge de l’électron, qui fit une sélection de ses données pour rendre ses résultats expérimentaux plus convaincants (Franklin, 1981).
2)Des données brutes biens cachées dans un tiroir.
Newton lui-même, à l'aube de la démarche scientifique, est marqué par la fraude, ou tout au moins par la dissimulation de certains détails de ses expériences. En 1666 en effet, Newton découvrit le phénomène des couleurs, la dispersion de la lumière blanche par un prisme. En isolant les rayons réfractés et en les faisant passer à travers un second prisme, il ne retrouvait que des images identiques de même couleur, réfractées selon le même angle. Il en conclut : "La lumière est un mélange hétérogène de rayons différemment réfrangibles" [3].
Mais pendant 10 ans une violente polémique l'opposa à différents pères jésuites, en particulier au père Anthony Lucas du collège anglais de Liège. Cette controverse située sur le plan expérimental avait, au second degré, des conséquences théologiques en relation avec l'eucharistie, ce que Descartes [4] avait bien compris : "Je ne peux dit-il, publier la Dioptrique sans fournir [une nouvelle théorie de la lumière] et par conséquent étant obligé d'y expliquer comment la blancheur du pain demeure au Saint Sacrement [lorsqu'il devient le corps du Christ]". Mais Newton ne s'étendra jamais sur de telles considérations.
A la demande express de Newton, le père Lucas refit ses expériences. Mais à chaque fois il remarqua qu'au-delà du second prisme le faisceau bleu était encore dispersé et formait une image mêlée de rouge. Le faisceau jaune-vert se dispersait encore plus. En guide de réponse, Newton refusa toujours de s'expliquer sur les conditions de cette expérience, répondant simplement que "la lumière réfractée ne change pas de couleur [au-delà du second prisme]", dessin du tracé optique à l'appui. Finalement, lassé par des confrontations futiles, Newton [5] devait écrire à Lucas en 1678 : "le but de l'expérience n'est pas de décider si les rayons diversement colorés sont diversement réfrangibles, mais seulement si certains rayons sont plus réfrangibles que d'autres".
Malheureusement son expérience sera également infirmée par Edme Mariotte en 1679 dont la réputation était aussi grande en France que celle de Newton en Angleterre.
Après avoir analysé les manuscrits que nous légua Newton, les historiens découvrirent qu'implicitement, dans des notes datées de 1670 et publiées dans l'Optique [6] en 1704, Newton expliquait comment remédier aux images parasites : soit utiliser un diaphragme pour réduire le diamètre apparent du disque solaire, soit placer une lentille de longue distance focale devant le premier prisme afin de concentrer la lumière pour éviter le recouvrement des couleurs sur l'image secondaire. L'expérience refaite par Désaguliers en 1714 confirma la solution de Newton.
On peut en conclure que lorsqu'il fit pour la première fois son "expérience cruciale", Newton ne disposait pas encore de matériel de très bonne qualité et ne maîtrisait pas encore toutes les conditions de l'expérience (obscurité, prisme pur, lentille convergente, etc). Il dut bientôt s'apercevoir que le recouvrement des images monochromatiques parasitait les images secondaires. En améliorant son dispositif il finit par obtenir le résultat qu'il cherchait.
Etant persuadé que les couleurs monochromatiques devaient être pures et connaissant le moyen d'y parvenir, il est probable que Newton n'en dit mot à personne et garda son secret jusqu'à ce que les questions de Lucas et l'expérience de Mariotte mirent en doute sa compétence et surtout le point d'encrage de sa théorie de la lumière.
Aujourd'hui les historiens des sciences dissimulent cette fraude sous l'argument souvent évoqué de la méthode scientifique, dont le principal instigateur serait le principal accusé. Or Newton reconnaissait volontiers que les sens, tel la vue pouvaient le tromper, jusqu'à se provoquer des hallucinations en appuyant sur une tige de métal placée derrière son globe oculaire…
En remarquant que les images parasites étaient un effet secondaire, Newton agit en véritable scientifique : il ne tenait compte que des données observées par ses instruments, seules valeurs objectives auxquelles il pouvait appliquer ses formules mathématiques et en déduire certaines lois. Il lui était plus facile de soustraire le rayonnement indésirable par une formule que d'essayer de le supprimer par un artifice expérimental. S'écartant résolument des dogmes et des hallucinations mystiques, Newton fut, malgré cette fraude, le digne fondateur de la méthode scientifique moderne.
Si les scientifiques s'insurgent contre l'existence même de la fraude, ils s'imaginent souvent qu'une expérience "bricolée" est de suite découverte par ses paires, les mécanismes de contrôle internes isolant rapidement les imposteurs. Loin s'en faut. La science est faite par des hommes et des femmes dont les mentalités sont nourris d'a priori, de préjugés et de concepts irrationnels. Si leur connaissance est correctement encadrée par la logique, leur savoir sera objectif et la science s'exprimera à travers des résultats authentiques et confirmés.

