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Re:Rexiv:Inné contre acquis ?


Re: Rex:Inné contre acquis ? -- Jean-Francois
Posted by Stéphane , Dec 15,2000,10:37 Index  Forum


Tu as parfaitement raison. Ce qui fait un crime d'un acte quelconque c'est l'existence d'une masse critique d'individus ayant le pouvoir de le faire inscrire ou de le maintenir au code criminel. "Crime" c'est pas un fait ou une chose c'est un acte social de définition et d'interprétation.

Y a pas que Gatti qui peut donner des «leçons»:

De nos jours, on adopte de plus en plus un mode jugé plus «objectif» de déterminer la gravité des actes: le dommage fait à autrui, vu comme plus moderne que les vieux principes moraux. En s'y penchant une minute, pourtant, cette notion de «dommage», bien que différente en substance et produisant des effets (crimes) différents, n'est pas moins arbitraire ni culturellement déterminée que «la morale» au sens traditionnel. De plus, il se pourrait bien que le principe de dommage soit inacceptable, ou du moins incompatible avec notre optique pénale actuelle, puisque le même acte peut causer des dommages différents à différentes personnes. C'est donc la victime qui déterminerait la peine (incidemment, l'historique des mouvements de victimes est parfaitement synchronisée avec l'apparition et la propagation du modèle du «dommage»).

Durkheim (début du siècle) posa donc cette question: qu'est-ce qui fait, justement, qu'une masse critique de gens décident tout à coup d'inventer un crime? Pour expliquer ça il dut inventer la «conscience collective» (dont les «états forts» seraient «violés» par l'acte en question), concept qui malheureusement ne résiste pas à la vérification empirique. Mais même si ce bon vieux Émile avait eu raison, il faut bien remarquer que dans cette perspective «crime» n'est pas une chose non plus mais bien une décision prise par un nombre d'individus et sujette à amendement futur--même si on est toujours certain d'avoir définitivement raison au moment de la prendre.

Pour l'instant, il y a moyen de violer le principe traditionnel de moralité sans violer celui de dommage à autrui (fumer un joint) et vice-versa (polluer) et de se retrouver criminel dans les deux cas. Pour la personne moyenne, qui ne consulte pas le code criminel avant d'agir, la notion de «crime» au sens légal est donc floue. Je précise *au sens légal*, parce qu'au sens disons, «émotif», évidement tout le monde a sa petite idée indiscutablement parfaite et objective sur ce qui *devrait* constituer un crime--tiens ça me rappelle quelqu'un, ça...