Re:Qui dit vrai sur la guerre dans les Balkans?
Re: Qui dit vrai sur la guerre dans les Balkans? -- Richard
Le problème évidemment, comme tu le mentionne, c'est que l'information filtre très lentement. Peu de journalistes sur le terrain, réluctance des forces armées à décrire leur progrès, etc. Par contre, certaines choses sont certaines
1) Les milices et la police serbes utilisent leur tactiques éprouvées de vidage de la place. Ils l'ont fait en Croatie, en Bosnie, et encore une fois ici. Tuent-ils des milliers de gens, comme l'OTAN semble prétendre (par exemple, en montrant des photos aériennes de fosses communes), on le saura un jour; évidemment ils s'en défendent, mais ils s'en défendaient en Bosnie aussi. Faut-il croire les réfugiés dans leur rapport de leur expériences? Eh bien, en général (et j'ai travaillé avec des victimes) les récits de ce type sont totalement crédibles, certainement plus que les balivernes de Belgrade.
2) L'OTAN ne fait pas "sauter la place"; jusqu'à maintenant, le dommage est surtout structural. Le fait que la TV serbe saute sur des accidents comme celui du pont sur lequel il y avait toujours un train semble démontrer qu'ils n'ont rien de mieux sur quoi propagander.
3) Le plan de Milosevic est sans aucun doute d'installer les milliers de réfugiés serbes chassés de Croatie et de Bosnie au Kosovo.
4) Attention avec les Russes. Ils jouent à la politique autant que l'OTAN, sinon plus. Le positionnement politique au Kosovo est d'importance capitale en politique intérieure russe; ça va probablement décider de la concurrence Eltsine/Tchernomyrdine. L'autre problème russe c'est que la crise en Chechnie n'est pas finie... Il faut alors dénoncer vivement toute intervention "morale"; quand on crache en l'air...
5) L'UCK est en effet une organisation criminelle; mais attention, c'est là le sort de toute organisation "underground": devenir criminelle pour survivre -- ça ne veut pas dire que leurs revendications de départ étaient illégitimes. Il est clair que les politiciens serbes tentent de retirer toute légitimité au séparatisme albanais en usant de cet état de fait. Milosevic tente de renverser la balance du pouvoir au Kosovo depuis 1989, c'est comme ça qu'il a réussi à se faire "élire" au parlement yougoslave.
6) Milosevic a démontré à maintes reprises que pour lui, "négocier", c'est "faire patienter pendant qu'on nettoie le terrain". Je ne dis pas que faire sauter la cabane présidentielle est la solution, mais pour l'instant je n'en vois pas beaucoup d'autres.Pour ce qui est du point de vue sceptique, il est clair que l'information qui nous provient des deux côtés est trop manipulée pour être avalée directement. L'expérience des journalistes sur le terrain a été désastreuse pour l'image de l'armée au Viet-Nam et il est peu probable que ce niveau de liberté se reproduise. Par contre, ceci ne veut pas dire que les faits sont à jamais scellés, ce qui en général fait plus peur aux républiques qu'aux dictatures, et donc pour l'instant je fais davantage confiance à l'OTAN qu'à Milosevic.
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