La phrase clef de ton message est "je re-réponds qu'on n'a pas tous ce luxe" (je ne me souvenais pas que tu l'aies déjà dis). Oui, en fait tout cela est une question de luxe. Mon attitude n'est possible que parce que je peux me la permettre, parce que je n'ai pas de soucis matériels, pas d'intérêt pour la politique, aucune éthique, et que je suis un salaud de base. C'est sans doute pour cela que l'existence d'autres salauds (ceux qui profitent de la crédulité du monde pour s'en mettre plein les poche) ne me dérange pas, et a plutôt tendance à m'amuser - suffisamment pour que je désire qu'ils soient plus nombreux.
Je fais de la "philosophie de salon", selon toi. C'est vrai, mais au fond la philosophie est toujours un luxe. Je ne suis pas sûr qu'elle ait apporté beaucoup aux hommes. Elle ne sert pas à grand chose d'autre qu'aux discussions de salon : les scientifiques la rejettent de plus en plus, les politiciens se refusent à l'appliquer (les rares fois où ils le font c'est catastrophique), etc. Il n'y a guère qu'aux artistes qu'elle sert encore.
Sans y croire, je suis attaché à l'ésotérisme et au surnaturel pour la liberté qu'ils laissent d'imginer autre chose, en dehors de la science - ce n'est finalement que par leur incompatibilité avec la science qu'ils me plaisent. Et aussi par leur étrangeté. Il y a certes des choses très étranges dans la science (les arthropodes du cambrien, la théorie des cordes, les paradoxes de la logique, les trous noirs...), mais rien qui puisse approcher les délires de l'ésotérisme. Et une certaine beauté se dégage de cette étrangeté, beauté que je tiens pour la plus haute des valeurs. Je ne défend le surnaturel que parce que je n'aimerais pas vivre dans un monde où personne ne croirait à ces absurdités : ce serait un monde moins beau, moins amusant et moins diversifié. Je tiens beaucoup à la diversité, c'est l'une des principales sources de la beauté.
Tu es criminologue, Jean-François est biologiste. Je suis plasticien (artiste peintre / sculpteur, c'est à dire spécialiste de la mystification intellectuelle), et rentier - pas vraiment riche, mais assez pour rester oisif. Et même si les discours postmodernes m'ont rendu fou depuis longtemps (je savais à peine parler que mes parents me traînaient déjà dans toutes les expos pour m'expliquer l'art conceptuel) je reste attaché avant tout à l'esthétique, qui est la seule mesure de toute chose. Je vise donc uniquement à cette "profondeur dans la superficialité" que vantait Oscar Wilde, et mes principaux heros sont les empereurs décadents de Rome. Ceci expliquant tout le reste... Jean-François l'avait compris depuis un moment, mais tu avais l'air de continuer à penser que j'étais quelqu'un de sérieux. Qu'il soit clair que ce n'est pas le cas. Ca m'a amusé un moment, mais ça devient vite lourd - on a été l'un et l'autre très lourd dans ce dernier débat.
G.
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