Cinq heures du matin : le téléphone du cellulaire du chauffeur de l`agence d`escortes pour qui je travaille sonne : c`est un << call >> pour moi.Aussitôt, je sort de l`engourdissement qui me prend lorsque je manque de sommeil et que je dois passer une nuit ennuyante dans une van en compagnie de deux autres escortes qui fument la cigarette et dont l`une, maigre comme une anorexique, parle sans pouvoir s`arrêter, tellement elle est en manque de coke.Le chauffeur m`avertis que je ne serais pas seule à me rendre à ce << call >>:une escorte, travaillant pour une autre agence, à été aussi demandée par le même client, parce ce que ce client est en compagnie de son ami.Le chauffeur émet une opinion sur la motivation à s`appeller des prostituées de ces deux clients : << ils ont passé la nuit à payer des consommations à des filles, pis les filles sont parties chez elles, sans eux.Les gars ne voulaient pas paraître "nieseux" ;c`est pourquoi ils se résignent, à la fin de la nuit, à "commander" des filles >>. Le seul << hic >>, qui éveille ma vigilance, c`est que le chauffeur rajoute : << le "call" est dans un bar, les clients vont l`ouvrir pour t`y faire entrer, toi et l`autre call-girl.>> Cahin-caha, nous nous y rendons.Le "bar", en réalité une discothèque, est situé sur la rue St-Laurent à MontréaL, dans un coin mal-famé.Dans le coin, paraît-il, on fait des <<party de coke >>, << à la tonne >>.Le quartier est sordide,malpropre, la discothèque ne m`apparaît pas invitante: la lumière des néons que laissent passer les vitres de ses fenêtres teintées est sinistre. Le car où nous sommes s`arrête.Notre chauffeur descend.Il va cogner à la porte blindée de la discothèque.Il m`explique qu`il veut faire sortir les deux clients sur le trottoir pour qu`ils nous voient.Les deux clients sortent : il s`agit visiblement de cubains, camés jusqu`au oreilles. Je ne veux pas aller là - dedans.Je dis alors au chauffeur que je << connais ces types >>, et que je ne veux pas les "faire".En effet, l`idée de me retrouver, serait-ce avec une autre escorte, dans cet endroit isolé, où même les hurlements, une fois la lourde porte de l`établissement refermée, passent pour la "sono" distordue de certains groupes punks ou rock, ne m`enchante guère. Surtout à cet heure où << il n`y a pas un chat dans les rues >>.Mon "immoralité" sexuelle me dispense cependant de cesser de faire preuve de prudence, surtout que je ne me considère pas comme un parasite de la << société >>, en dépit de mes comportements délictueux. L`escorte qui est à mes côtés dans le car dit alors : << moi je fais pas le call, si J..., n`y va pas avec moi >>.Le chauffeur insiste pour que j`y aille.Je lui répond qu`il n`as qu`à faire venir sur place une troisième hotesse, qui prendra ma place.Justement, cette hotesse,N...., est disponible.Le chauffeur insiste, mais voyant ma détermination à ne pas y aller, se résigne à appeller la troisième hotesse pour lui demander de faire le call à ma plaçe. Il me dit, fort étrangement, que N....,à refusé elle aussi d`y aller en invoquant le même prétexte que moi ( << connaît le gars >>)!Il réitère sa demande. Je n`en peut plus.Quelque chose "cloche", on semble vouloir absolument que j`entre dans cette maudite discothèque.Je demande au chauffeur de me ramener chez moi.Le car se met en route, et quelques rues plus loin, tjrs sur St-Laurent, je descend.Je préfère me mettre à la recherche d`une station de métro.Je marche, et soudainement, comme dans un mauvais polar ou dans un film série B, j`apercois une camionnette verte s`avançant doucement vers moi.Je remarque quelque chose d`inabituel : vue de devant, une des portes arrières de la camionnette est ouverte.Lorsque la camionnette arrive à ma hauteur, je " fige" intérieurement ; j`ai le temps d`entrevoir, accroupi sur le bord de la porte ouverte, à l`arrière de la camionnette, un type qui tient, pointé sur moi, une gazette roulée autour de quelque chose d`allongé.J`accélère et bondit derrière un poteau, pour faire écran à une rafale de balles possible. Aussitôt la camionnettte disparue, je quitte la maigre protection que m`offrais le poteau, et me dirige à grand pas, pour ne pas dire en courant, vers le métro Mont-Royal. Tout d`un coup, comme surgissant d`un cauchemard, la camionnette, dont l`un des portes arrières est toujours entrouverte, me barre la route.Je me précipite derrière une voiture.L`homme, toujours accroupi sur le bord de cette porte, tient cette fois-ci, la gazette dépliée et à angle droit, bien visible.La camionnette verte disparaît à nouveau. Lorsque j`arrive au métro mont-royal, j`hésite à m`y engouffrer.Il est clair pour moi maintenant qu`on a tenté de m`intimider, faute de pouvoir, peut-être, "me faire manger la volée de ma vie" à l`intérieur de la discothèque.Je dis bien peut-être, mais j`ai l`impression tout de même d`avoir échappé à quelque chose de grave, cette nuit...