"En particulier, en quels termes Crookes a-t-il rapporté l'affaire?"
Vous semblez ne pas être au courant du fait qu'une discussion récente ayant pour sujet le spiritisme et William Crookes a eu lieu sur ce même forum.
L'article ayant probablement échappé à la vigilance de M. Francis Gatti, il paraît opportun de publier à nouveau les références URL relatives à ce sujet.
À propos de William Crookes donc, il convient d'être prudent.
Voici 2 adresses URL "instructives" sur Crookes et ses rapports avec le spiritisme.
Il est possible que le 1er lien ne fonctionne pas. Veuillez dans ce cas utilisez le 2ème.
La 2ème adresse n'est qu'une version "Cache" de la 1ère.
http://www.sdv.fr/pages/adamantine/florencecook.htm
Mais au cas où elle ne fonctionnerait pas...
Voici 2 passages assez révélateurs sur William Crookes
[...
...
des savants
En réalité, la fortune de Crookes est moins belle qu'on ne le croit.
Si les Flammarion, les Richet, s'extasient, si, presque un siècle plus tard, Robert Tocquet peut écrire encore que - Florence Cook exceptée - "les travaux métapsychiques de Crookes, c'est du granit" (les Mystères du surnaturel, 1963), l'historien sera porté peut-être à plus de sévérité.
Nous avons signalé ailleurs le vice fondamental de la méthode expérimentale de Crookes. Réduite à son principe, elle est une bigoterie du dynamomètre. Elle vise à demander au médium de truquer le dynamomètre au lieu de truquer le guéridon et de l'usage du
dynamomètre prétend tirer la valeur des observations.
De plus, les protocoles des séances Home ne sont pas à l'abri de la critique. En particulier, pour ce qui touche les plus beaux phénomènes, lévitation de Home, déplacement d'objets, etc. le manque de témoins est flagrant. Mais en les décrivant, Crookes écrit déjà en apôtre de la cause, et jette son renom dans la balance. Le morceau de résistance de ses travaux, ce sont les compte rendus du Quarterly Journal of Science, ce sont les enregistrements du dynamomètre, plus peut-être le miracle d'un accordéon qui joue "tout seul", et dont le dispositif est triomphalement décrit comme excluant la fraude.
Précisément, sur ces points, la caution scientifique du grand physicien n'est peut-être pas aussi inattaquable qu'on a voulu le dire et ses travaux n'ont pas été accueillis avec l'unanime enthousiasme qu'on suppose souvent.
Les expériences Home paraissent (les métapsychistes l'ont oublié) dans le périodique dont Crookes lui-même est le rédacteur en chef. Il aimerait beaucoup que ses articles deviennent des communications officielles à la Royal Society, dont il est membre, mais sur ce point, il échoue totalement. Qui plus est, à force d'insister, il est égratigné par ses savants collègues dont le ton prouve qu'ils ne prennent pas l'affaire très au sérieux et qui, las de son insistance, finiront par prendre la mouche.
On a l'impression même que, pour ses pairs, Crookes fait figure d'intrus. Crookes met tant de soin à rappeler qu'il est, depuis 1863, Fellow de la Royal Society pour la découverte du Thallium, qu'il se voit répondre par un W. B. Carpenter excédé qu'il est plutôt un technicien qu'un "vrai" savant (et de fait, nous sommes dans cette époque où tout est à découvrir, où le chercheur, armé de ses nouveaux jouets, a l'univers entier pour terrain de jeu). Carpenter va, semble-t-il, jusqu'à colporter le ragot d'après lequel le titre a été accordé à Crookes après beaucoup d'hésitations.
La lecture du petit volume des Recherches sur les Phénomènes du Spiritualisme, sous titré: Nouvelles expériences sur la Force Psychique (Paris éditions de la BPS 1923), traduit des Researches, est fort instructive quant au caractère de notre physicien. Elle montre en Crookes un type assez mal embouché, prompt à se mettre en avant, prompt aussi à en découdre, prompt à régler son compte à son adversaire.
la fraude Home
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Mais l'essentiel, le voici: le mémoire de Crooke sur Home a été repoussé par la commission de la Royal Society. Dans une lettre diplomatique (19 juin) le professeur Stokes, l'un des secrétaires de la commission, assure que la Royal Society ne peut écarter à priori l'existence d'une force jusqu'ici non soupçonnée, mais qu'avant de l'admettre il lui faut l'examen le plus rigoureux et le plus scrupuleux des preuves alléguées. Le professeur Stokes fait des objections constructives sur le protocole expérimental d'enregistrement des mouvements "psychiques" de Home, et conclut benoîtement par: "Que désirez-vous qu'on fasse de vos mémoires?"
Sur quoi la chose dégénère en affrontement personnel entre Crookes et Stokes.
En réalité, les savants sont très mal convaincus par l'appareil à mesurer les forces physiques de Crookes, persuadés au contraire que les mouvements qui s'enregistrent sont des mouvements du médium, transmis par le dispositif. Pire: aucun ne se donne le soin de refaire l'expérience, ne fût-ce que pour chercher où gît le lièvre. Le dispositif de Crookes, si impressionnant pour le profane, pour un physicien visiblement ne pèse pas lourd.
Face aux charitables remarques de ses confrères, Crookes déplace le point d'appui de sa planche, obtient les mêmes résultats, et se lance dans de nouveaux assauts. Au plus fort de la polémique, il se voit attaqué aussi par des amis, c'est à dire des gens qui croient effectivement dans une force psychique (cf. sa réponse à l'article de la Quarterly Review d'octobre 1871).
Quant à l'intéressante correspondance avec le professeur Carpenter, à quoi nous faisions allusion plus haut, elle explique peut-être que d'autres savants jugent plus prudent ne pas s'occuper de l'énervé.
Que retirer de tout cela? On est loin certes de la pieuse légende de l'ouvrage scientifique inattaquable. L'examen de Home par Crookes est un exercice de style de savant. Crookes pinaille, argumente, prend des précautions (jamais celles qu'il faudrait, objectera-t-on). En fait il se comporte comme un chercheur qui truque un tantinet ses statistiques pour les faire mieux coller aux résultats.
Le livre de Crookes (ou plutôt la collection de ses articles) paraît un curieux mélange de polémique personnelle et de physique expérimentale, avec schémas, graphes, courbes sur papier noirci, etc., le tout entrecoupé d'allusions bruyantes à ses autres travaux
(découverte du Thallium, photographie de la lune, travaux d'optique) avec, pour finir, des sortes d'aveux d'une étonnante candeur. Crookes confesse ainsi qu'il dépose ses mémoires à la Royal Society non pour qu'ils soient acceptés (!), mais pour prendre date, de façon à ne pas perdre la possibilité d'une découverte. A croire que Crookes sait bien au fond qu'il n'a rien démontré du tout, mais se ménage la primeur d'une découverte ultérieure, que son intuition lui fait croire probable, prenant, en quelque sorte, un brevet sur le merveilleux scientifique.
Au total, le livre de Crookes fleure nettement ce qu'avec Martin Gardner nous appellerons la pseudo-science. Outre la physique approximative, il y a un ton qui ne trompe pas, qu'on retrouvera dans les ouvrages de De Rochas, de von Schrenck-Notzing ou du Dr. Geley. Tout cela donne l'impression involontaire et fâcheuse que le savant Crookes, ayant réussi si bien à présenter ses célèbres mémoires sur la mesure de l'intensité de la lumière, a décidé, dans un accès d'enthousiasme, de faire accepter aussi la découverte des pouvoirs psychiques sur la matière, dont il serait, lui Crookes, le découvreur.
Oserons-nous l'écrire? Tout cela donne l'impression d'un savant maladroit, qui a fomenté son petit complot de laboratoire, a publié des résultats pour son compte, a ameuté le public, puis s'est avisé de forcer la main aux autorités scientifiques. Et qui a lamentablement échoué.
Voilà les expériences admirables, voilà le modèle de probité scientifique, voilà Crookes, en un mot.
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