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Re:Re:Re:3 citations pour une relance


Re: Re:Re:3 citations pour une relance -- decroix rené
Postée par Gaël , Jul 25,1999,06:39 Index  Forum

Le problème soulevé par Ch. Bertrand me parait amener une question double : celle de la manière dont un esprit scientifique mais “croyant” peut aborder la foi, et celle dont un croyant peut s’accommoder de la science. Je pense que ces deux types de personnages peuvent être mis en rapport avec les deux catégories que tu définis ainsi : “Peut-être que dans cet ensemble nous pourrions distinguer deux catégories : d’une part ceux qui pensent qu’il existe un réel d’un tout autre ordre que les descriptions de la nature qu’ils donnent avec leur science, mais qu’il est impossible de dire quoi que ce soit de cet autre niveau de réalité, et d’autre part ceux qui croient pouvoir en dire quelque chose”.
On peut retrouver dans tous les domaines du paranormal, à travers les divisions qui les touchent, tes deux catégories, car généralement celle-ci s’opposent avec beaucoup de force :
- En astrologie, des courants qui s’attachent à la tradition, qui refusent d’inclure neptune, pluton et uranus, et qui se justifient généralement plutôt par un principe des correspondances ou par la synchronicité plutôt que par des influences physiques; face à d’autres courants qui se veulent plus scientifiques, qui calculent le thème en tenant compte de la précession des équinoxes (astrologie sidéraliste) ou qui inventent des théories complexes pour expliquer les interactions physiques entre les astres et les hommes (astrologie conditionnaliste).
- Dans les médecines douces, des courants qui cherchent à tout prix une justification scientifique, et d’autre qui refusent tout rapport de ce type en préférant faire appel à des énergies mystérieuses et inobservables.
- En ésotérisme, des courants traditionalistes (tu connais sans doute R.Guénon), très critiques par rapport à toutes les approches scientifiques et de manière générale par rapport à toute idée qui a moins de deux siècles; face à des approches scientifiques du paranormal qui n’ont plus rien d’ésotérique et qui considèrent que l’ésotérisme des siècles passés n’était qu’une connaissance grossière et une mauvaise interprétation de phénomènes désormais accessibles à la science (c’est la parapsychologie).

Il y a un très bon livre qui traite largement de ces sujet, des liens qu’il peut y avoir entre le type de rationalité qui est à l’oeuvre dans le mythe par rapport à la rationalité scientifique, c’est “A tort et à raison, intercritique de la science et du mythe” de Henri Atlan, en point/sciences. Vu les questions qui t’intéressent, je suppose que tu l’as déjà lu, mais si ce n’est pas le cas je suis certain que tu l’apprécierais beaucoup.

Bref, tes deux catégories sont certainement essentielles, mais je ne suis pas sûr que le gri-gri y ait sa part : celui-ci participe surtout de la superstition, et cette dernière peut accompagner presque aussi bien la foi (en une surnature indicible) que la croyance (en une surnature mesurable et contrôlable, en dépit de l’absence de toute preuve). Il faut peut-être considérer que la superstition est avant tout une sorte de réflexe presque incontrôlable : beaucoup de gens qui disent ne pas être superstitieux sont quand même gênés de devoir passer sous une échelle.

Quand au rapport de tout ceci avec l’intelligence, je ne le vois pas clairement. On peut tout de même essayer de comprendre le rôle qu’elle peut jouer dans les diverses approches :
- Dans la superstition, l’intelligence pourrait consister dans la capacité à surmonter le “réflexe superstitieux” par des argument rationnels, quelle que soit la rationalité en cause. Mais cela pourrait aussi être ton premier type d’intelligence, le bricolage, dont la rationalité propre tendrait souvent à confirmer la superstition... Je ne sais quoi en penser.
- Dans la croyance, le problème est assez semblable, puisque celle-ci entretient un rapport certain avec le “bricolage”. Il s’agit d’une petite cuisine rationalisante mélangeant science et systèmes mythiques.
- Dans la foi, c’est tout aussi flou. Comme la croyance, la foi est une attitude, une prise de position que rien ne permet de soutenir. Seulement celui qui a la foi se rend compte de cette absence de base. Peut-être dans cette humilité particulière de la foi peut-on voir une certaine prudence intellectuelle que l’on pourrait assimiler à de l’intelligence ?

Avec cette dernière notion de prudence intellectuelle (que l’on pourrait associer à la capacité à se remettre en cause), nous sommes face à une donnée que je crois très importante dans l’intelligence et qui, me semble-t’il, n’est absolument pas prise en compte dans les tests de QI - puisque ceux-ci nous donnent des problèmes auxquels nous savons qu’il y a une solution et une seule, auxquels il faut répondre le plus rapidement possible. On ne trouve pas dans ces tests les problèmes qui sont les plus fréquents dans la vie réelle : ceux qui n’ont pas de solution car ce sont de faux problèmes, et ceux qui ont plusieurs solutions. Or pour ces deux types de problèmes, c’est probablement la prudence intellectuelle et la capacité de remise en question qui comptent le plus.
Cette aptitude est aussi celle qui semble manquer chez les croyants, puisque ils passent leur temps à monter des théories très complexes et très “rationnelles” sur de fausses questions.


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