Il y a un très bon livre qui traite largement de ces sujet, des liens qu’il peut y avoir entre le type de rationalité qui est à l’oeuvre dans le mythe par rapport à la rationalité scientifique, c’est “A tort et à raison, intercritique de la science et du mythe” de Henri Atlan, en point/sciences. Vu les questions qui t’intéressent, je suppose que tu l’as déjà lu, mais si ce n’est pas le cas je suis certain que tu l’apprécierais beaucoup.
Bref, tes deux catégories sont certainement essentielles, mais je ne suis pas sûr que le gri-gri y ait sa part : celui-ci participe surtout de la superstition, et cette dernière peut accompagner presque aussi bien la foi (en une surnature indicible) que la croyance (en une surnature mesurable et contrôlable, en dépit de l’absence de toute preuve). Il faut peut-être considérer que la superstition est avant tout une sorte de réflexe presque incontrôlable : beaucoup de gens qui disent ne pas être superstitieux sont quand même gênés de devoir passer sous une échelle.
Quand au rapport de tout ceci avec l’intelligence, je ne le vois pas clairement. On peut tout de même essayer de comprendre le rôle qu’elle peut jouer dans les diverses approches :
- Dans la superstition, l’intelligence pourrait consister dans la capacité à surmonter le “réflexe superstitieux” par des argument rationnels, quelle que soit la rationalité en cause. Mais cela pourrait aussi être ton premier type d’intelligence, le bricolage, dont la rationalité propre tendrait souvent à confirmer la superstition... Je ne sais quoi en penser.
- Dans la croyance, le problème est assez semblable, puisque celle-ci entretient un rapport certain avec le “bricolage”. Il s’agit d’une petite cuisine rationalisante mélangeant science et systèmes mythiques.
- Dans la foi, c’est tout aussi flou. Comme la croyance, la foi est une attitude, une prise de position que rien ne permet de soutenir. Seulement celui qui a la foi se rend compte de cette absence de base. Peut-être dans cette humilité particulière de la foi peut-on voir une certaine prudence intellectuelle que l’on pourrait assimiler à de l’intelligence ?
Avec cette dernière notion de prudence intellectuelle (que l’on pourrait associer à la capacité à se remettre en cause), nous sommes face à une donnée que je crois très importante dans l’intelligence et qui, me semble-t’il, n’est absolument pas prise en compte dans les tests de QI - puisque ceux-ci nous donnent des problèmes auxquels nous savons qu’il y a une solution et une seule, auxquels il faut répondre le plus rapidement possible. On ne trouve pas dans ces tests les problèmes qui sont les plus fréquents dans la vie réelle : ceux qui n’ont pas de solution car ce sont de faux problèmes, et ceux qui ont plusieurs solutions. Or pour ces deux types de problèmes, c’est probablement la prudence intellectuelle et la capacité de remise en question qui comptent le plus.
Cette aptitude est aussi celle qui semble manquer chez les croyants, puisque ils passent leur temps à monter des théories très complexes et très “rationnelles” sur de fausses questions.
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