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Re:Re:Re:Re5:Grosse question


Re: Re:Re:Re3:Grosse question -- Jésus
Posted by Stéphane , Aug 14,2001,09:11 Index  Forum


1) «On peut affirmer que a=b parce que les expériences individuelles sont mémorisées sous forme de connections chimiques.»

Heureux de vous l'entendre dire, ça va être important pour la suite (mais j'imagine que vous excluez arbitrairement l'«âme» des fonctions électro-chimiques du cerveau). Enfin, le problème reste entier: vous suggérez de faire une copie d'un système qui change constamment.

2) Votre hypothèse était parfaitement acceptable (en tant qu'expérience mentale), là n'est pas le problème. Votre nouvelle hypothèse, par contre, ne fonctionne pas du tout: se «faire cloner» est à peu près équivalent à avoir des enfants. Ça ne touche en rien au problème de l'individualité (du moins, pas de la façon que vous le posez), et ça n'a jamais rendu immortel. Restons-en donc à la première image de la «copie» d'une personne.

Tiens, je vous donne un exemple moins farfelu: d'ici 20 ans il sera sans doute possible de copier votre conscience dans un ordinateur -- et ensuite d'en faire autant de copies que bon (ou mal) vous semble. Ignorons le côté éthique pour l'instant, ce n'est pas ce qui nous intéresse (par ex, la copie aura-t-elle des droits?). Cette copie sera un «instantané» de votre conscience au moment de la copie. Dès la fin du processus elle évolue déjà en parallèle, ce n'est donc plus une copie conforme (sans compter que l'évolution dans une machine serait probablement différente, mais oublions-ça aussi pour les besoins de l'expérience). Le plus important c'est la chose suivante: la copie n'est en contact de façon privilégiée avec l'original à aucun moment autre que durant le processus. C'est donc une entité distincte.

Pour répondre à votre question, «Dans quel clone sera-t-elle prolongée?», eh bien, c'est très facile: dans aucun! Votre mort, c'est la fin de votre conscience, point (mais même si vous croyez qu'il y a une vie après la mort, ça ne change rien à cet argument). Il n'y a pas de raison de supposer que votre conscience pourrait se transférer spontanément et remplacer celle déjà existente du clone, double ou jumeau (et c'est bien tant mieux pour lui, non? De plus, imaginez qu'il meure avant vous...).

3) «Si tu crois qu'on peut être double ou triple ou même plus, moi je préfère croire à l'existence de l'âme unique. Ça me semble beaucoup plus sensé.»

Vous vous méprenez sur la nature de mon argumentation. Au contraire, ce que j'ai dit c'est que même si vous faisiez 100 copies ces copies évolueraient vraisemblablement en isolation (à moins de postuler une télépathie quelconque) et donc votre individualité est sauve. À la fois, je ne voudrais pas laisser l'impression que je défends une espèce d'individualité radicale, comme on la conçoit souvent (d'où la survie du concept d'âme). Notre société surévalue énormément l'individualité et l'«authenticité» de la personne--qu'on exprime, paradoxalement, par la consommation de produits industriels normalisés. En fait, si on disposait de moyens de communication parfaits, on s'apercevrait probablement que la plupart des gens pensent les mêmes choses au même moment (ou à peu près). Donc en fait, des «vous-mêmes» il y en a *déjà* un peu partout--sauf dans les détails qui sont incopiables parce que changeants.

Dire que vous avez une âme unique c'est comme affirmer que vous êtes le seul à posséder un shmortuf. On ne sait pas trop ce qu'est un shmortuf, on ne sait pas si tout le monde en a, comment les comparer, d'où ils viennent, ni quelle est leur fonction exacte. C'est une affirmation non seulement invérifiable, mais pas vraiment utile. J'irais plus loin: comme l'âme est un concept abstrait auquel on n'attache jamais de caractéristiques propres, elle semble davantage un point commun entre les personnes qu'une caractéristique permettant de les distinguer.



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