Ces professeurs:
Ils n`ont aucun amour de leur métier, règle générale ; au nom d`un surcroît de travail, surcroît auquel ils ont bien dû penser en choisissant leur métier, ils revendiquent, toujours et encore, des augmentations de salaire.
Combien de ces frustrés patentés n`ai je pas rencontré au cours de ma vie, comme cette femme, qui bien que gagnant au-delà de 40 000 $ par année à l`école secondaire, possédait le visage le plus renfrogné et l`humeur la plus maussade que j`ai jamais vu. Cette femme m`a assommé durant une heure entière sous une avalanche de récriminations au sujet de ses conditions de travail avant que je puisse, sous prétexte d`avoir quelque chose d`extrêmement urgent à faire, arrêter le vomissement de fiel qui commençait à noircir la fin de ma journée. À l`entendre, cette femme était enfermée à longueur d`année dans un camp de concentration nazi…
Comment ne pas être révolté face aux revendications ( hormis celle légitime du salaire égal homme-femme) des professeurs, qui souvent, ne se gênent pas pour empoisonner la vie de leurs élèves, non pas par leur grève (les victimes sont charmées de l`absence de leurs tortionnaires), mais à longueur d`année, hormis les deux longs mois de vacances, où les professeurs sont quasiment payés tarif horaire sans travailler. Comment ne pas s`indigner devant les mensonges éhontés de ces professeurs qui prétendent tous faire plus que 40 heures de travail, par semaine, lorsqu`on sait qu`un professeur qui obtient un poste dans un cégep ou une université, a le même horaire qu`un étudiant ; il peut donner de un à quatre cours par semaine, chaque cours durant trois heures !
À travail égal, salaire égal. OK. En dehors de ça, pourquoi avoir choisi ce métier lorsque tu sais qu`après les heures de cours tu dois corriger les épreuves? Et encore, les examens, ce n`est pas tous les jours!
Est-ce un travail si pénible que de transmettre la connaissance? À en croire les visages fermés, les expressions renfrognées et les préjugés auxquels les élèves doivent faire face dans les établissements d`enseignement (comme une réputation surfaite d`irresponsabilité…), oui.
Ca vous tutoie sans gêne, ça ne vous respecte même pas, et ça demande d`être vouvoyé !
Dans ces conditions, comment s`étonner, l`élève en étant réduit à n`être plus que le réceptacle figé et immobile de la Connaissance professorale, comme un corps mort dépourvu d`esprit, que la nouvelle génération ne fasse preuve d`aucune créativité, en étant réduite, si elle ne veut pas encourir les foudres du professeur, à répéter plutôt qu`à créer?
Je parle ici au nom de cette masse silencieuse qui pourrait fort bien penser par elle-même, si ce n`était la tyrannie de ceux qui se croient des dispensateurs de « vérité »… de l`enseignement sans âme en vérité. Tu contredis le professeur ? << Veux-tu donner le cours à ma place?!? >>
Y sont tellement sans cœur que ce sont les premiers à faire pression au primaire auprès des parents pour que leurs élèves prennent du ritalin.
Y sont tellement dépossédés d`eux-mêmes qu`ils sont même pas capables de s`apercevoir que l`école est devenue le milieu de vie le plus dépersonnalisant qui soit. Si ce n`était une préparation extrêmement hâtive à l`impersonnalité du marché du travail, qui exige de plus en plus un travailleur soumis et sans attache, pourquoi donc y a t-il va et viens incessant entre les élèves et leurs multiples professeurs, qui ne leur permettent plus d`établir un contact personnel avec ces derniers, et de moins en moins avec leurs camarades, comme ça se faisait naguère?
Dans un contexte socio-économique comme le nôtre, où quelques individus seulement s`arrogent la quasi-totalité des ressources, il est important pour les pouvoirs économiques de faire en sorte que peu d`individus prennent goût à l`acquisition de nouvelles connaissances. Ceux qui nous dirigent n`ont pas intérêt à ce que se développe l`esprit critique dans la population, ni que celle-ci n'acquière des qualifications qui leur semble inutile dans ce qu`ils appellent la « croissance économique ». Ils ont tout intérêt par contre à promouvoir des "modèles" intégratifs vides mais bien visibles tels que les sportifs (promotion de la dévotion à l'équipe, goût du sacrifice, absence d'interrogation sur les motifs et l'utilité de l'entreprise ...) ou encore l`accès à des postes d`enseignement à des individus dominateurs et égoïstes. La situation actuelle de l'enseignement dans les écoles publiques ( 40 % de taux d`abandon dans les écoles secondaires) les satisfait donc parfaitement car elle répond à ces objectifs.
Vous me direz que s`en prendre aux professeurs ne règle rien : il ne seraient que des « pions » au sein d`un « système » dont ils ont perdu le contrôle. Pourtant, lorsqu`il s`agit de revendiquer des augmentations de salaire, il n`hésitent pas à s`adonner à un odieux chantage qui s`apparente fort bien par analogie à un braquage de banque, par la grève, question de jouer sur les cordes sensibles du public qui place l`importance de l`éducation scolaire pour ses enfants au premier plan. Et ce n`est pas tout : les professeurs, étudiants éternels, ont des rythmes biologiques adaptés aux saisons du cycle scolaire, tellement ils se sont incrustés dans le système scolaire. Le système scolaire est un doux cocon où les professeurs échappent à la dureté des conditions environnementales qui règnent sur le marché privé de l`emploi. L`été, ils sombrent dans une léthargie qui leur rappelle leurs études. Ils font alors de la <<recherche >> : bars, clubs, plage, tout est bon pour trouver l`âme sœur. On a juste à les voir se faire bronzer le pneu michelin sur leur bateau pour se convaincre que ce sont des êtres éprouvés par la vie. J`avais d`ailleurs un professeur au collège, un peu plus fendant que les autres, qui passait son temps à se vanter qu`il faisait 80 000$/année et qui nous vantait les mérites de sa nouvelle acquisition : un beau catamaran…(photo à l`appui).
Les résistances se font vives si on demande à un professeur de travailler l`été ; travailler l`été équivaut pour lui(toujours un tantinet marxiste) à devenir un « homme – machine » que l`on projette sur le marché du travail comme une marchandise. Le sourire et la << performance >> de la « stupide » caissière qui travaille dans un Mc Donald lui est aliénation; son attitude avec sa clientèle à lui (les pauvres étudiants)sera donc en parfaite contradiction avec ce qu`il imagine être l`aliénation du prolétaire soumis aux diktats du capitalisme : mauvaise humeur, « revendicationnite » aiguë et paresse seront de mise.Les professeurs sont en quelque sorte les sous-produits nocifs du système de consommation capitaliste, en ce sens qu`ils ne cherchent qu`à lui résister, ce qui a des conséquences néfastes sur les capacités de compréhension des élèves intimidés, et parfois humiliés. Des élèves intimidés par un professeur le seront aussi par la matière qu`il enseigne, et des élèves humiliés ne voudront plus rien savoir de l`école. Beaucoup de témoignages laissent croire qu`un élève ayant eu de bons rapports avec un professeur, voudra volontiers embrasser la même carrière que celui-ci.
À partir d`aujourd`hui, je tutoie mes professeurs.
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