Pour clarifier la situation il a alors essayé de décrire ses archétypes de l’inconscient collectif non comme des représentations précises, mais plutôt comme des cadres vides, qui prévoient un emplacement pour une certaines représentations. Ces dernières ne sont pas données et dépendent de la culture : par exemple il existe un cadre pour une représentation du père (autorité temporelle et spirituelle), un autre pour un monstre primordial associé au chaos originel (qui prendra souvent l’apparence d’un dragon), un autre pour un héros invincible, etc., mais à chaque fois la manière dont le cadre est occupé par une image précise est acquis : seuls les cadres sont innés. Au départ c’était sensé rendre compte de la structure invariante de nombre de mythologies, de rêves et de contes.
D’autre part, il ne défendait pas l’idée selon laquelle l’inconscient collectif recelait une quelconque vérité éternelle, et c’est surtout ici que l’on voit combien sa théorie est finalement éloignée des idées ésotériques qui lui ressemblent. Il pensait simplement que :
- Ces archétypes devaient nécessairement s’incarner dans des représentations le plus souvent d’allure religieuse, et que si on refusait ce processus cela pouvait mener à des problèmes psychologiques individuels ou même à des problème sociaux si le refus du religieux (ou du spirituel) devenait collectif.
- Ces archétypes étaient des symboles utiles pour régler certaines crises existentielles, donc peu importe s’ils correspondaient à des vérités spirituelles ou non puisque ils correspondaient à des vérités psychologiques qui avaient une certaine efficacité dans la cure psychanalytique.
Ceci dit la manière dont Jung présente l’inconscient collectif varie beaucoup selon les livres. Dans sa dernière période, notamment avec ses travaux sur l’alchimie, il semble développer une conception bien plus mystique, peu compatible avec ses explications plus ou moins rationnelles.
Et quoi qu’il en soit, il est vrai que l’inconscient collectif reste un principe explicatif sans grande valeur : non seulement il est très louche car mal défini et insaisissable, mais en plus il est inutile car les similitudes de structures et de symboles entre les mythologies peuvent trouver des explications nettement plus simples et plus performantes.
Gaël.
P.S. Quant aux lapsus de ce bon Dr Freud, il a été prouvé depuis quelques temps déjà que ceux-ci étaient en fait rarement des «lapsus révélateurs», et plus souvent dûs au hasard qu’à un quelconque inconscient, qu’il soit collectif ou individuel. D’ailleurs je ne me souviens plus de la référence des travaux qui sont arrivés à ce résultat, il me semble que ce sont des chercheurs en sciences cognitives et que ça date d’une vingtaine d’années tout au plus, mais j’ai un trou... quelqu’un connaît la référence ?