Après Stéphane et Jean-François, c'est ton tour. J'ai le bras mort. Mais je vais essayer de ne pas botcher la djobbe. Merci de ta compréhension.
ANDRÉ: Il me semble que tu t'embourbes de plus en plus dans des considérations théoriques qui ne s'appuient pas sur les faits constatés.
DENIS: Ah? Je pensais que c'était toi. Merci de me détromper. :-)
ANDRÉ: Tu défends la thèse selon laquelle l'exploitation des richesses et de la main-d'oeuvre des pays pauvres par les pays industrialisés entraînerait automatiquement (c'est-à-dire, sans qu'on ait besoin de faire quelque chose de spécial en ce sens), à long terme, une amélioration de la situation des habitants de ces pays.
DENIS: Ton mot "exploitation" biaise un peu ton argument. J'aimerais mieux que tu parles de "mise en valeur" des richesses et "développement" de la main-d'oeuvre plutôt qu'exploitation de l'un et de l'autre. Avec ces termes plus positifs, je maintiens mon hypothèse d'amélioration à long terme. J'ajoute aussi que cette amélioration est conditionnelle à la jugulation de l'explosion démographique et qu'elle se fera plus rapidement si on intervient dans l'affaire par des normes internationales raisonnables. La scolarisation et la pollution sont aussi à tenir en compte. Le problème global n'est pas petit. La vie a toujours été un combat et n'est pas près de cesser de l'être.
ANDRÉ: ...les chefs d'entreprise qui affirment que plus on leur laissera la liberté d'aller dans ce sens là, plus les habitants en bénificieront.
DENIS: Si l'alternative est la misère et la famine, ils ont certainement raison. Ou on développe, ou on développe pas. On ne transforme pas du jour au lendemain le Mozambique ou l'Afghanistan en Connecticut. Ils manquent de tout.
ANDRÉ: Je ne suis ni économiste, ni historien, ni sociologue, ni politicologue; mais je constate que l'Europe, en premier lieu, a vécu une révolution industrielle, puis technologique qui ont amélioré le sort des populations.
Quelle fut la cause de ce phénomène?
Je pense que ce fut d'abord l'essor de la connaissance, de l'instruction et de l'éducation. Il s'en est suivi une révolution industrielle et technologique qui ont augmenté le niveau de richesses collectives. Puis une révolution politique pour forcer un meilleur partage de ces richesses. Donc, l'instruction doit précéder l'essor industriel et technologique, puis politique.
DENIS: Ton résumé historique est excellent. Et ta conclusion tombe pile.
ANDRÉ: Est-ce que les impérialistes politiques ou économiques tels que les compagnies multinationales qui s'installent dans les pays pauvres sont vraiment intéressés à ce que les populations qu'ils exploitent s'instruisent et représentent une menace pour la bonne marche de leurs petites affaires?
DENIS: De quelle menace parles-tu? Une menace idéologique? Une ébullition socialiste? Une confiscation subite de leurs investissements? Les multinationales ont certainement horreur de ça. Je pense que c'est à l'origine du contentieux USA-Cuba, en simplifiant. Mais je pense que, toutes autres choses étant égales, les multinationales préfèrent une main d'oeuvre éduquée à une main d'oeuvre analphabète (sauf pour les exploitations agricoles ou minières de base où on n'a besoin que de bras). Pour les manufactures de technologie supérieure, l'éducation est un gros +. Dans la course au développement, la Thaïlande a une bonne longueur d'avance sur le Mali.
Est-ce que je résume bien ta position en l'énonçant sous la forme: "Toutes les compagnies multinationales qui font affaire dans le tiers-monde devraient immédiatement fermer boutique"?
ANDRÉ: Tu parles de la responsabilité des pays pauvres dans leur malheur, comme la surpopulation, le manque de démocratie, l'analphabétisme, etc... Crois-tu vraiment que nos multinationales apporteraient une solution à ces problèmes? N'en seraient-elles pas une des causes?
DENIS: Une CAUSE de la surpopulation? du manque de démocratie? de l'analphabétisme? Pousses mais pousses égal. Pourquoi pas des sécheresses et des tremblements de terre? Les investisseurs étrangers (qui y vont, j'en conviens, beaucoup plus pour le profit que par altruisme désintéressé) ne sont quand même pas responsable de tous les malheurs du tiers monde. Reste un peu au juste milieu. ;-)
ANDRÉ: Il est quand même curieux que le premier pays non européen ou non dominé par des ressortissants européens qui a vécu la révolution industrielle fut le Japon au XIXe siècle (avant même le Canada); pourtant c'était un pays non démocratique, sans ressources naturelles et, selon nos normes, surpeuplé.
DENIS: Oui. Les Japonais forment un peuple admirablement capable de s'organiser. Je leur tire mon chapeau. Il faudrait inculquer un peu de mentalité pratique japonaise chez les islamistes braqués sur la théologie.
ANDRÉ: On dirait que partout où l'impérialisme a sévi ou sévit encore, le sort des populations ne s'améliore pas. Des pays comme l'Inde ou la Corée du sud n'ont vu une classe moyenne instruite se développer qu'après leur libération de la domination étrangère.
DENIS: La Corée du Sud et l'Inde ne sont pas du tout dans la même fourchette socio-économique. Le développement actuel de la Corée du Sud (c'est encore plus vrai pour Taiwan) est équivalent à plusieurs pays européens, comme le Portugal ou la Grèce. Singapour est plus riche que le Canada ou la France. L'Inde, dans sa globalité, se compare plutôt au Kenya ou à Haïti.. Mais, étant donné leur milliard d'habitant, l'élite indienne est de très fort calibre.
ANDRÉ: Attention à ta reine!
DENIS: Ma reine, c'est l'effort magnifique que font les Américains en Afghanistan pour contrer tes amis d'Al Qaida. ;-)
Elle ne me paraît pas du tout hors jeu.
Cordialités,
Denis
P.S. Je ne suis pas du tout joueur d'échecs, Dans toute ma vie, j'ai certainement joué moins que 100 parties (dont la moitié avant d'avoir 12 ans). Je suis plutôt joueur de go, mais beaucoup moins actif qu'il y a 15 ans.
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