"En primeur, un extrait du Syndrome du berger"
http://www.forum.umontreal.ca/numeros/1997-1998/Forum98-4-6/article01.html
Le marché de la conviction
"Que notre société préfère les convictions aux évaluations rigoureuses n'est pas une révélation. Les anthropologues ont décrit depuis des années comment toute société repose sur un ordre symbolique fondamental. Freud montrait déjà, au début de ce siècle, que l'histoire que nous nous racontons de nos vies est la plupart du temps un roman issu de notre imagination. Les trafiquants de dogme ou les marchands de conviction ont saisi depuis longtemps que ce besoin de croire jusqu'à l'excès, à la folie, est une dimension intrinsèque de la nature humaine. Ils se présentent donc sous les dehors racoleurs de promoteurs de nouvelles ferveurs inoffensives. Ce n'est que peu à peu, à mesure que l'on se prend aux rets de leur emprise, que l'on constate le narcissisme antisocial qui anime quelques-uns d'entre eux.
"L'argument invoqué dans ce souk aux certitudes est, ne l'oublions pas, la ferveur ou l'engouement. De sorte qu'on nous vend, sans raison autre que d'en tirer profit, des mantras abrégés et des renaissances abruptes, des retours aux sources et du cri primal surgelé, des plongées dans l'inconscient et des séminaires charismatiques censés nous faire comprendre en un tournemain l'essentiel de notre univers [...].
"La dépendance dogmatique est un danger réel, quelle que soit la doctrine partagée. Il est peut-être plus urgent qu'on ne le croit de restaurer les cours de philosophie dans le système d'éducation; ou d'introduire une sensibilisation aux exigences de la pensée rigoureuse dans la formation de futurs citoyens" (p. 38-41).
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