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Re: Kraepelin -- Khayman
Posté par Kraepelin , Aug 21,2002,10:28 Index  Forum

Khayman: "Si on définit "réalité" comme étant "caractère de ce qui a une existence réelle, de ce qui existe comme chose (et non seulement comme idée, illusion, apparence), alors comment voulez-vous que j'aie accès à cette réalité ?"

Kraepelin: Ici et dans vos textes antérieurs, vous semblez affirmer que, notre accès à la réalité est imparfait et que pour cette raison nous devons renoncer à nos prétentions sur l'interprétation du réel. Je crois que vous faite une erreur de raisonnement secondaire. L'appréhension "parfaite" d'une chose n'est pas un facteur d'exclusion de son appréhension relative. Par exemple, mon beau-frère est un pianiste. Lorsqu'il joue "Jeu d'eau de Ravel", son interprétation de la pièce n'est pas parfaite et l'écoute que j'en fait n'est pas parfaite non plus. La médiation de nos systèmes nerveux provoque des interférences. Pourtant, je reconnais la pièce de Ravel. Si mon fils écoute la même pièce et de demande si c'est une chanson de Céline Dion, e suis en mesure de lui dire qu'il se "trompe".

Khayman: "Je pense (naïvement ?) que l'accès que j'ai à l'environnement qui m'entoure est l'interprétation que fait mon système nerveux d'un signal électrique. À partir du moment où le mot "interprétation" est utilisé, peut-on parler de quelque chose de brut, d'intègre, d'absolu, de réel ?"

Kraepelin: Vous voilà encore à vous prendre les pieds dans le concept d'absolu. Bien sur que non! Il est certain de la médiation des sens et du système nerveux des repères culturel et de tout ce qui intervient dans le processus de perception altère votre appréciation de la réalité brute. Un botaniste, un poète et un enfant de 5 ans ne voient pas tous de la même façon le jardin dans lequel ils se promènent. Cela ne les empêche pas d'avoir tous des approximations juste de la réalité en rapport avec leurs besoins propres et d'avoir un lieu commun intersubjectif qui les conduise à savoir qu'il parle tous de la même chose. Par contre, si un schizophrène vient dire que les arbres du jardin lui parlent "pour vrai", l'enfant le poète et le botaniste comprendrons tous que quelque chose ne marche pas dans la tête de ce pauvre malade.


Khayman: "L'arbre qui tombe dans une forêt déserte fait-il du bruit ? Le paradigme scientifique nous dit que oui car l'onde sonore sera propagée dans le milieu. Mais c'est un paradigme..."

Kraepelin: Deux choses. Premièrement, la réalité "est" et n'a pas besoin que je sois là pour le constater. C'est un choix philosophique. On peut en faire d'autres, mais ils conduisent à des impasses.

Deuxièmement, je crois que vous comprenez mal le concept de paradigme chez Kuhn. Khun ne s'intéresse pas beaucoup à l'adéquation entre la théorie et le réel, mais il ne doute pas que le réel interpelle les théories. Il affirme même que ce sont les contradictions entre les donnés expérimentales et les paradigmes qui provoquent les crises propres aux révolutions scientifiques. Kuhn s'intéresse plus à comprendre comme s'installe et se résolvent culturellement ces crises.