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Pourquoi le créationnisme est pseudo-scientifique, une troisième


Re: Re:Bis repetita placent -- Julien
Posté par Platecarpus , Sep 10,2002,17:31 Index  Forum

>L’existence d’un créateur est mon *hypothèse* pour expliquer les origines.

C'est une hypothèse, en effet. Le problème qui se pose dès le départ, c'est que cette hypothèse est infalsifiable - donc qu'elle est, définitivement, en-dehors du champ de la science.
Mais fermons les yeux sur l'épistémologie (bien que celle-ci suffise à elle seule à démolir le créationnisme) et faisons comme si de rien n'était.

D'un point de vue évolutionniste, l'existence d'intermédiaires passés entre les formes de vie actuelle est l'hypothèse proposée pour expliquer les origines (pas les origines du monde, évidemment - seule une théorie aussi simpliste que le créationnisme peut prétendre expliquer à la fois les origines de l'homme, de la biodiversité, du monde et de l'Univers). Celle-ci est parfaitement réfutable - et tout à fait prouvée.
Dans la plupart des cas, il suffit de regarder les fossiles pour trouver des formes intermédiaires à foison. Scientifiquement, logiquement parlant, il est inconcevable qu'un registre fossile produit en une seule fois par un Déluge universel mime l'évolution de manière aussi parfaite (et je ne parle pas des datations radioactives). Malheureusement, certains événements évolutifs n'ont pas pu être enregistrés par les fossiles - notamment dans le cas de l'apparition de la vie (bien que celle-ci ne relève pas de la théorie de l'évolution stricto sensu).

En ce cas, que faire ? La théorie prédit l'existence de stades intermédiaires passés. Le problème, c'est que ce passé nous est inaccessible. Comment soumettre l'idée au test scientifique ?
La réponse est évidente : il faut regarder dans le présent. Le monde actuel fournit-il des stades intermédiaires plausibles ? Peut-on en fabriquer, en démontrer la plausibilité théorique, en trouver d'éventuels vestiges dans les organismes actuels ? Un faisceau de preuves présentes concordantes peut parfois être aussi convaincant que les objets du passé au sens strict que sont les fossiles.

La question est donc : est-il possible qu'il existe une cellule dont le fonctionnement serait plus simple que celui d'une cellule contemporaine ? Il est tout à fait possible d'y répondre d'un point de vue scientifique. Et la réponse est : oui. Un être vivant dont le métabolisme et l'hérédité seraient entièrement basés sur l'ARN et une seule enzyme pourrait survivre et, en évoluant, donner naissance aux êtres vivants actuels.
C'est là qu'interviennent les fameuses expériences sur les ARN auto-réplicateurs : on place un brin d'ARN (toujours avec la susdite enzyme, la réplicase) dans un tube à essais, et on observe les événements qui se déroulent. L'ARN, comme on s'y attendait, se duplique à toute vitesse. Il se duplique, donc il mute. Il mute et se duplique, donc il est soumis à la sélection naturelle. Il mute, se duplique et est soumis à la sélection - donc il évolue.
On voit très vite apparaître des variantes du brin d'ARN originel qu'on a placé dans le tube à essais. Elles finissent d'ailleurs par envahir la population. Si l'on prélève une goutte de la première solution et qu'on la place dans un second tube à essais, on voit le brin d'ARN "évolué" continuer à se dupliquer - et à se transformer. En fait, l'évolution du brin d'ARN placé au départ vers des formes plus efficaces (et éventuellement plus complexe) n'a d'autre terme que la fin de l'expérience.
Les outils théoriques que nous possédons permettent d'extrapoler les résultats obtenus à l'échelle des milliards d'années : un brin d'ARN "nu" pourrait-il finir par donner une cellule telle qu'on la connaît aujourd'hui ? Y a-t-il une impossibilité de principe, ou bien tout conduit-il à penser que oui, des structures semblables aux cellules actuelles pourraient finir par émerger ? Là encore, la seconde solution est la bonne.

>Elle n’est donc pas prouvée, c’est une hypothèse. Vous pouvez la considérer « imaginaire » si vous voulez au même titre que l’évolution est imaginaire. En fait, je n’ai pas vu la création des procaryotes ni des eucaryotes et je n’ai pas vu leur évolution non plus. Les deux sont des hypothèses. Maintenant, pour voir quelle hypothèse est la plus appuyée par les faits observés, il faut éviter d’inventer ce qui n’existe pas tels des organismes vivants avec un code génétique à ARN ou des intermédiaires procaryotes/eucaryotes.

Avant d'"éviter d'inventer ce qui n'existe pas", il faudrait encore vérifier si l'hypothèse peut être soumise au test expérimental. Pour le créationnisme, la réponse est définitivement : non. Autrement dit, l'examen des faits observés ne pouvant en aucun cas réfuter le créationnisme, celui-ci peut être évacué illico presto du champ de la science.

Par ailleurs, vous comettez l'erreur fondamentale qui consiste à tracer le signe égale entre "création" et "évolution" sur la base de l'argument - d'une désarmante bonne foi - "personne n'était là et aucune des deux n'a été observée". Le problème, c'est que l'absence de témoin direct ne permet pas de considérer que toutes les hypothèses se valent. Si, en arrivant dans un champ, vous trouvez une pomme en-dessous d'un pommier, vous pouvez élaborer deux hypothèses : soit celle-ci est tombée du pommier, soit elle a été créée ex nihilo juste avant votre arrivée par un magicien tout-puissant utilisant des moyens surnaturels qui, oh quel dommage, sont inobservables.
Rapidement, en regardant autour de vous, vous vous rendrez compte que des pommes tombent un peu partout - il suffit d'attendre un peu. Par ailleurs, vous serez aussi amené à vous interroger sur l'origine de ces pommes. Est-ce que l'arbre les a, d'une certaine manière, "fabriquées" par des moyens naturels ou bien le magicien tout-puissant les a-t-il créées, pouf, directement accrochées aux branches ? Après analyse de la composition physico-chimique des pommes, du code génétique de l'arbre, vous répondrez que l'hypothèse "les pommes sont directement issues du pommier par un processus naturel" est la plus probable. Et ce même si vous n'avez pas assisté une seule fois à l'apparition d'un nouveau fruit.

Il ne suffit donc pas de dire "personne n'était là" pour en conclure que toutes les hypothèses se valent. Intrinsèquement, celles qui font appel à des processus naturels sont scientifiques et celles qui font appel à des processus surnaturels sont pseudo-scientifiques. Cela ne signifie pas que l'hypothèse "naturaliste" (comme disent les créationnistes) est vraie d'emblée : il faut encore vérifier l'efficacité des mécanismes naturels qu'elle propose.
Au niveau des origines de la vie, les fameuses expériences sur l'ARN et tout ce que nous savons d'un point de vue théorique nous conduisent à dire que les cellules actuelles descendent de cellules plus simples, au même titre que les pommes proviennent de l'arbre. Quant à l'"hypothèse alternative" - celle du magicien tout-puissant - il n'était même pas
nécessaire de la considérer, car elle était en fait viciée à la base. Même si l'hypothèse "naturaliste" semble prouvée dans le cadre des critères de la science, elle ne l'est pas si on la compare à l'hypothèse surnaturelle, qui elle se place délibérément en-dehors du cadre scientifique. En posant que les processus observés ne pourront de toute façon pas être observés, elle échappe à l'expérimentation, à l'observation et à la déduction.

>Si les preuves de vos théories consistent à faire appel constamment à la supposé existence d’organismes vivants imaginaires elle n’est pas appuyée scientifiquement, et ce malgré les apparences.

Si votre "théorie" fait appel à un procédé surnaturel, où que ce soit, alors elle n'est pas scientifique. Elle n'est ni "confirmée" ni "non confirmée" : elle est tout simplement inconfirmable.

Une bonne hypothèse scientifique répondant à la question : "comment tout ceci est-il arrivé là ?" se doit de proposer des mécanismes observables et théoriquement accessibles. A partir du moment où on introduit, où que ce soit dans l'hypothèse, un éventuel mécanisme surnaturel impossible à décrire précisément, celle-ci sort du champ de la science. Si les évolutionnistes, pour expliquer la transition procaryote->eucaryote, ne répondent pas : "Ben, juste à ce moment-là, un mécanisme surnaturel a été mis en oeuvre qui n'est plus en route aujourd'hui", ce n'est pas parce que ce serait trop proche du créationnisme : l'idée d'une évolution dirigée par Dieu a été proposée plusieurs fois, et elle est chère à beaucoup de croyants, ce que je comprends et que je respecte tout à fait. Si aucun évolutionniste n'avance jamais de telles inepties dans un cadre scientifique, c'est parce que tous savent qu'elles ne seront de toute façon pas testable. Si l'on pose arbitrairement comme base de l'hypothèse que les mécanismes proposés sont inconnaissables et inobservables, alors la science n'a plus de réponses à apporter. Point final.

>Pour ce qui est de mon hypothèse, elle est directement appuyée par la complexité écrasante des microorganismes (qui pointe vers une cause intelligente, notamment à cause de leur complexité irréductible*) et par la discontinuité (vs gradualisme) dont l’exemple des p/e est frappant.

Vous tombez encore dans l'erreur qui consiste à dire : "puisque la théorie pseudo-scientifique irréfutable s'oppose à la théorie scientifique réfutable, si jamais la théorie scientifique était réfutée, la théorie pseudo-scientifique serait confirmée". La complexité irréductible - qui n'existe pas dans la nature - contredirait l'évolution, mais n'appuierait absolument pas le créationnisme. Il en est de même pour la discontinuité : l'évolution n'a pu produire qu'un monde vivant continu. En revanche, Dieu aurait tout aussi bien pu créer le monde vivant continu, discontinu ou entre les deux : l'idée d'une création par Dieu n'est en elle-même pas testable, car elle s'accomode aussi bien de toutes les observations possibles et imaginables. En revanche, l'évolution est vérifiable - car seul une petite partie de l'ensemble de toutes les observations possibles est compatible avec cette idée. Il se trouve que ce sont justement les observations réelles. Le corpus de preuves recueilli est même si écrasant qu'on peut dire sans exagérer que l'évolution est un fait au même titre que la chute des pommes. Evidemment, cela n'ébranle pas directement le créationnisme : car ce qui prouve l'évolution ne contredit pas la création. Et ce qui pourrait éventuellement contredire l'évolution (discontinuités réelles, complexité irréductible) ne prouverait pas non plus la création - en dépit des sophismes que les créationnistes tiennent depuis toujours à ce sujet.

>Je ne fais intervenir ici aucune spéculation du type « il existe des tonnes de transitions » ou « des organismes avec un code génétique plus simple ont existé mais plus de trace malheureusement » … enfin, vous connaissez la chanson. Les faits que j’utilise pour appuyée mon hypothèse sont basés sur l’observation, prouvez moi le contraire.

Tiens, je prouve le contraire : les faits que vous citez n'appuient pas votre hypothèse. Si l'interprétation que vous en faites était bonne (ce qui n'est pas le cas), ils contrediraient l'évolution. Sans pour autant confirmer la création. Merci de ne pas confondre.


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