Même pas "encore" : comme s'il avait jamais été considéré comme un exemple d'ancêtre de l'homme.
En réalité, quand cette dent a été découverte, certains scientifiques ont affirmé que c'était un primate - de grande taille, vue celle de la dent, et peut-être un préhumain, étant donnée sa forme. Mais beaucoup de paléontologues ont affirmé que ce diagnostic était erroné et que la dent, très usé, était en fait celle d'un animal proche des cochons (par exemple, le plus grand spécialiste de l'évolution des mammifères de l'époque a publié dès le début une série d'articles très critiques sur cette fameuse dent).
Le débat à ce sujet n'a jamais été très animé car, étant donné le caractère fragmentaire des pièces disponibles, il aurait été absurde de tirer des conclusions radicales. Une espèce (et même une sous-espèce) de mammifère peut être identifiée de manière quasi-infaillible sur la base d'une seule dent, mais encore faut-il qu'elle soit en bon état. Ce n'était pas le cas du fossile de Nebraska, qui avait été très abîmé par l'usure. Les propos tenus par les spécialistes, même quand ils défendaient des opinions opposées (primates vs. suidés), ont toujours été échangés dans une atmosphère de prudence sage ("nous pouvons peut-être avancer..." "sans certitude"...) et polie.
Nous connaissons tous le dénouement : des expéditions ultérieures au même endroit ont permis la découverte de pièces plus complètes, qui ont montré que l'animal était en fait un pécari éteint (proche du porc).
Les créationnistes, eux, ont honteusement distordu cette histoire (Stephen Jay Gould ironisait sur la manière dont l'homme de Nebraska était devenue une "légende urbaine de la littérature créationniste" - pour parler comme Wells, une icône). Pour affirmer que l'homme de Nebraska avait, au départ, été reconnu par les évolutionnistes comme un préhumain, ils se basent sur un dessin publié dans l'Illustration London News - montrant un couple d'hommes préhistoriques, alors que, je le rappelle, nous n'avions qu'une dent (reproduite à la fin de ce message). Deux points méritent d'être soulignés : premièrement, il s'agissait d'une revue populaire. Les scientifiques ne peuvent pas être tenus pour responsables des erreurs qu'on trouve dans les journaux (sinon, il suffirait de quelques extraits du Nouvel Observateur ou de L'express pour discréditer toute la science contemporaine). Deuxièmement, cette illustration est, comme souvent, tirée de son contexte (tiens, un procédé de plus). Quand on a la curiosité d'aller voir dans la source originale (et pas de publier une énième photocopie de photocopie de photocopie...), on constate que la légende était : "Mr. Forestier (l'artiste) a fait un remarquable croquis pour donner une idée des possibilités suggérées par cette découverte. Comme nous ne savons rien de la morphologie de la créature, sa reconstruction est surtout l'expression du talent brillant et imaginatif d'un artiste. Mais si jamais, comme certaines caractéristiques de la dents le laissent penser, Hesperopithecus était un prédécesseur primitif du Pithécanthrope, il pourrait avoir été semblable à la créature que Mr. Forestier a peinte." (souligné par moi)
Autrement dit, il aurait été possible d'écrire : "Comme si l'homme de Nebraska avait jamais été considéré comme un ancêtre de l'homme".
Tiens, au passage, je viens de parcourir les dernières mises à jour de l'ASCQ (www.creationnisme.ca ). On y trouve un article très drôle qui, non content de caricaturer les méthodes de datation d'une manière qui dénote une solide ignorance, fait référence à ces odieux scientifiques évolutionnistes en blouse blanche (la forme pour compenser les lacunes du fond) qui pratiquent la "Paléoanthropologie Invertébrée".
N'importe qui qui est allé au-delà de la 6e peut saisir le ridicule de l'expression. La "paléoanthroplogie" est l'étude des hommes fossiles. "Paléoanthropologie invertébrée" ne veut rien dire. Encore une preuve de l'ignorance des créationnistes.