Introduction
Le Pentagone veut provoquer de nouveaux attentats terroristes. Les militaires US comptent également harceler les Etats auxquels ils souhaitent déclarer la guerre, de manière à ce qu'ils commettent des actions «irréfléchies» offrant ainsi aux Américains un alibi pour la guerre. Le Pentagone étendra son propre arsenal de dirty tricks. Cela signifie que les militaires préparent non seulement une guerre classique, mais également une guerre sale violant tous les droits et toutes les lois. Ces plans sont exposés dans un récent rapport du ministère de la Guerre des Etats-Unis.
1. Le Pentagone veut provoquer de nouveaux attentats
Le Defence Science Board a remis le 16 août dernier un rapport de 70 pages au ministre de la Défense Donald Rumsfeld sur la «lutte contre le terrorisme». Le Defence Science Board, en abrégé DSB, est le think tank stratégique du quartier général de l'armée, le Pentagone. Il est composé de dix membres: des généraux, amiraux et chefs d'industrie militaire. Son président est l'amiral William Studeman, ancien vice-directeur de la CIA et ancien chef de la NSA, le plus grand service de renseignements au monde («à la NSA, nous écoutions déjà 2 millions d'appels téléphoniques par heure en 1992», s'est-il une fois vanté1).
Le DSB veut que l'armée s'assure l'entier contrôle de la «lutte contre le terrorisme». C'est une revendication formulée depuis longtemps par des fascistes patents aux Etats-Unis, comme le vice-président Dick Cheney, le ministre de la Défense Rumsfeld, l'ancien ministre Henry Kissinger, l'ambassadeur et «spécialiste de la terreur» Paul Bremer, des généraux comme Alexander Haig,...2 «Il faut réunir tous les instruments de notre nation afin de pouvoir mener une campagne globale», écrit le DSB3. Cela doit se faire sous la direction de l'armée. Celle-ci augmentera fortement les opérations secrètes (covert operations). «Le rôle central est réservé aux Special Operations Forces», précise le rapport du DSB.4 La guerre ne sera pas seulement menée (et dans certains cas elle ne sera pas menée en premier lieu) sur les lignes de front, par des armées en face à face, mais également avec tous les ingrédients d'une guerre sale, attentats terroristes inclus. Les Américains ont beaucoup d'expérience en la matière. L'attentat contre l'ex-allié des USA Hekmatyar en Afghanistan en mai dernier et l'attentat meurtrier perpétré il y a trois semaines au Yemen contre six membres présumés d'Al Qaïda en sont des exemples récents. Ces deux attentats sont l'œuvre de la CIA. L'armée multipliera ce genre d'actions et en sera elle-même le principal acteur.
L'armée américaine prendra également le contrôle des opérations antiterroristes menées par d'autres services comme la CIA et le FBI. A présent, la CIA dépend du ministère des Affaires étrangères, le FBI de celui de la Justice. La réorganisation et l'augmentation des opérations secrètes renforceront l'emprise de l'armée sur l'ensemble de la politique gouvernementale. Une évolution logique, dès lors que l'élite militaire, économique et politique des Etats-Unis se prépare pour une guerre sans fin d'abord contre l'Irak, ensuite contre l'Iran, la Corée du Nord, la Syrie... et contre quiconque refuse de s'incliner devant la dictature américaine. C'est en premier lieu l'armée qui mènera cette guerre. Elle sera donc appelée plus que jamais à contrôler et à diriger l'appareil d'Etat. En temps de crise profonde et de guerre, le vernis démocratique a tendance à s'évaporer, révélant le noyau de l'appareil d'Etat, le pouvoir militaire et les forces répressives.
Attaquer quand cela nous convient
Le DSB veut que le Pentagone crée un groupe auquel sera confiée la direction de la «lutte contre la terreur». Cette nouvelle structure s'appellera Proactive Preemptive Operations Group (en abrégé P2OG). Comme son nom l'indique, il aura pour objectif de lancer des opérations préventives, ce qui correspond parfaitement à la stratégie des attaques préliminaires qui a conquis les esprits des dirigeants politiques et militaires depuis les attentats du 11 septembre. Rumsfeld, ministre de la Défense: «Notre tâche consiste à trouver et à détruire l'ennemi avant qu'il ne puisse attaquer.»5 Et le président Bush: «Nous devons amener le champ de bataille jusqu'à l'ennemi et frapper les premiers.»6 Ceci implique que les Etats-Unis attaqueront à l'endroit et au moment qu'ils auront choisis. La souveraineté nationale est ainsi balayée d'un seul coup. Henry Kissinger: «C'est une vision nouvelle, révolutionnaire. Le principe des attaques préventives contre des ennemis potentiels signifie que la notion de non-ingérence dans les affaires internes n'est plus de mise.»7
Les hommes politiques et les militaires pensent tout à fait dans l'esprit colonial («Britannia rules the waves») de Robert Cooper, premier conseiller du Premier ministre britannique Blair et l'un des idéologues du parti social-démocrate. Selon Cooper, «Nous devons nous habituer à l'usage d'une double réglementation. Lorsque nous sommes entre nous en Europe, aux Etats-Unis ou au Japon, nous devons agir sur base de la loi. Mais lorsque nous avons à faire à d'autres Etats, nous devons utiliser des méthodes plus rudes de violence et d'attaque préventive. Le nombre des pays à risque ne cesse d'augmenter. Certaines régions de l'ancienne Union soviétique entrent dans cette catégorie. Dans certaines parties de l'Asie et de l'Amérique du Sud, il n'existe plus de véritable autorité de l'Etat. Dans toute l'Afrique, on trouve des pays qui constituent un risque. Si ces pays deviennent trop dangereux, il est possible d'envisager un impérialisme défensif. Le besoin de colonisation est aujourd'hui aussi grand qu'au 19e siècle. Les faibles ont toujours besoin des forts et les forts ont besoin d'un monde où règne l'ordre. Ce dont nous avons besoin c'est une nouvelle forme d'impérialisme qui, comme tous les impérialismes, apporte de l'organisation et de l'ordre dans le monde.»8
De nouveaux attentats s'annoncent
Cet impérialisme et ce colonialisme, écrit le DSB, ont besoin d'une nouvelle stratégie et d'une nouvelle tactique. L'une de ces tactiques _ bien qu'elle ne soit pas si nouvelle _ est la provocation. Le DSB ajoute: «Recommandation: le P20G doit lancer des opérations secrètes visant à provoquer des réactions de la part de terroristes et des Etats qui détiennent des armes de destruction massive. On peut inciter les cellules terroristes à l'action et les exposer à des attaques rapides de l'armée américaine.»9
Comme exemple de provocation, on se référera à celui du gouvernement américain qui a incité le Koweït à revendiquer une partie du territoire irakien tout en laissant entendre via l'ambassadeur April Gaspie qu'on ne verrait pas d'inconvénient à ce que l'Irak attaque le Koweït. Ce qui a permis, avec le soutien de l'opinion publique, de déclarer la guerre à l'Irak. Non pas pour le Koweït évidemment, mais pour le pétrole et le contrôle de toute la région. Le gouvernement et les militaires américains disposent d'un long palmarès de ce genre de provocations (voir page ci-contre).
Le DSB veut provoquer des attentats terroristes et inciter des Etats à des réactions qui offriraient aux Etats-Unis un alibi pour le déclenchement d'une attaque. Que cela entraîne la mort de milliers ou de dizaines de milliers de personnes «n'est peut-être pas si important, dans le contexte de l'histoire», comme l'a déclaré un jour le conseiller américain en matière de sécurité nationale Zbigniew Brzezinski. Ainsi, les 3.049 morts du 11 septembre n'étaient sans doute pas très importants dans le contexte global de la guerre des Etats-Unis. En janvier 2001, huit mois avant les attentats du 11 septembre, le ministre de la Défense Rumsfeld écrivait: «La question est de savoir si une attaque improbable contre notre pays et contre notre peuple sera l'événement qui réveillera la nation de son sommeil et incitera le gouvernement américain à l'action.»10 Le 11 septembre, cette «attaque improbable» a eu lieu. Au mois de juillet 2002, le même Rumsfeld a déclaré au congrès américain: «Le 11 septembre était une surprise. Et il ne faut pas s'y tromper: nous serons à nouveau surpris.»11 Cette prédiction se réalisera également, d'autant plus que Rumsfeld compte provoquer lui-même les attentats.
1. La citation de Studeman est reprise sur le site www.actionamerica.org/echelon/echelonthrt.html
2. Roland Jacquard, In naam van Osama Bin Laden, Van Gennep Amsterdam 2002, p. 145
3. Defense Science Board, Summer Study on Special Operations and Joint Forces in Support of Countering Terrorism, Washington, 16 août 2002, p. 4. Une version très censurée du document est reprise sur le site www.fas.org/irp/agency/dod/dsdbrief.ppt
4. Ibidem
5. Cité par William Arkin, The Secret War, The Los Angeles Times, 27 octobre 2002, voir www.latimes.com/la-op-arkin27oct27001451,0,7355676.story
6. The New York Times, discours de Bush à l'académie militaire de West Point, 2 juin 2002
7. Enric Gonzalez, El Pentagono planea enviar commandos por todo el mundo, El Pais, 13 août 2002, voir www.elpais.es/articulo.html?d_date=20020813&xref=20020813elpepiint_5&type=Tes&anchor=elpepipor
8. Why we still need empires, tribune libre de Robert Cooper in The Observer, 7 avril 2002, voir www.observer.co.uk/worldview/story/0,11581,680117;00.html
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