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Sang sur... à Jean-François


Postée par Claude , May 03,2000,21:26 Index  Forum

J'essaie de retrouver la réponse de Jean-François à mon message sur la censure, selon Foglia, et je ne le retrouve pas. Qu'à cela ne tienne, je l'écris ici.

La remarque que tu fais au sujet des raisons probables invoquées pour le rejet du vidéo-clip de Jean Leloup, par Radio-Canada, ne m'avait pas échappé, contrairement à ce que tu penses. Je pensais seulement que, dans le contexte, elle ne se justifiait pas. Je m'explique.

La question de l'appréciation de la qualité ou de l' « aboutissement » d'une oeuvre ou d'un travail artistique, quel qu'il soit, est matière de jugement selon les connaissances de l'appréciateur, ses goûts personnels, ses « vues » sur l'oeuvre, etc. Évidemment, il y a des
« oeuvres » qui sont carrément « d'la marde », comme on dit ici, comme l'a soulevé Floglia et que tu soutiens, ou qui ne méritent pas attention ou appréciation ou qui sont à rejeter parce qu'elles sont intrinsèquement porteuses de haine, de mépris, de hargne envers un groupe précis. Cela, j'admets qu'il y a lieu de prendre des mesures pour les empêcher de causer des torts irréparables aux individus visés.

Par contre, certaines oeuvres qui ne contiennent aucune « horreur » de ce genre, et qui relèvent seulement de l « l'esthétique », du genre, des moyens, de sa nature, de sa « démonstration », méritent d'être présentées, même si elles peuvent causer de la répugnance ou du dégoût, toujours selon les critères que je viens de décrire, et non à cause de sa portée haineuse, ou vindicatrice : ça, c'est une autre histoire.

Donc, que les appréciateurs de Radio-Canada aient rejeté le clip de Leloup, pour des raisons dites de non-aboutissement, ou de bâclage professionnel, ça, c'est matière d'appréciation des estimateurs de Radio-Canada. Et Dieu sait qu'avec les fonctionnaires qu'on a à Radio-Canada, c'est pas là qu'on va trouver une pépinière d'appréciateurs compétents en matière d'arts ou d'oeuvres.

Je me permets de rapporter quelques exemples, juste pour donner aux intervenants de ce forum les difficultés de juger la qualité, l'aboutissement, ou l'esthétisme d'une oeuvre. Les voici en vrac.

Premier exemple : Une de mes relations amicales se dit poète. L'année dernière, il a tout tenté pour intéresser des éditeurs à son « oeuvre ». La plupart l'ont rejetée lui disant qu'elle n'était pas nouvelle, ni innovatrice, ni vraiment « poétique », ni ceci, ni cela. Bref, ma relation se résignait à publier à compte d'auteur lorsque (événement paranormal ???), un éditeur l'appelle et insiste pour le rencontrer. D'après ce dernier, sa prose est vraiment empreinte d'un quelque chose de rare, belle à lire, et très personnelle. Mais cette relation, un peu frustrée des refus antécédents, a refusé de se faire publier par un pro de l'édition, et songe encore à publier à son compte. Il peut avoir son égo très susceptible, mais c'est pour te dire que son « oeuvre » a été appréciée différemment, et pourtant les « appréciateurs » étaient tous dans le même métier...

Deuxième : qu'on me pardonne de prêcher pour ma paroisse, mais je me mets en exemple (quoique je ne sois pas un intervenant « exemplaire », en certains cas...). Bon, en 1979 (ayoye, ça ne me rajeunit pas...), je soumettais le manuscrit de mon troisième livre à des éditeurs, un roman de fantastique intitulé « La mort, de toutes façons », où se mêlait l'horreur graphique, le surnaturel, la violence et toutes sortes de belles choses juteuses. Plusieurs éditeurs l'ont refusé pour des raisons diverses : en matière d'horreur, on a déjà lu mieux; le thème est répétitif et lassant; mon personnage féminin n'est pas assez élaboré (tiens, tiens...); les dialogues sont trop longs et un peu pompeux sur les bords; bref, des raisons qui, selon les éditeurs, ne profitaient pas à mon manuscrit. Tout d'un coup, le directeur des publications de La Presse (qui est décédé depuis : Dieu ait son âme...), m'appelle (je dis bien M'APPELLE au téléphone : imagine, il s'en donne la peine...) et veut me rencontrer pour envisager la publication de mon manuscrit.
D'après lui, c'est vraiment une histoire originale dans le sens littéral du mot, c'est très contemporain, c'est punché, et, surtout, c'est très bien écrit au niveau des descriptions et des échanges. Oui, mais, mon personnage féminin, y prend pas beaucoup de place, dans mon histoire !
Pas grave, le lectorat masculin jeunes adultes à qui est destiné ne s'en inquiétera pas : pour lui, c'est l'action, les scènes violentes et l'horreur qui les intéressera. Envoye, signez ici, on sort votre roman au plus sacrant... (Note : pour ceux qui seraient intéressés à le lire, c'est kaput : après son édition double de 3 000 exemplaires chaque fois, il a fait son temps. On peut encore en trouver des copies défraîchies dans les librairies de livres usagés à une piasse, ou 50 cennes si vous êtes barguineux...). Bon, éditeur différent, appréciation différente...
Et de deux.

Troisième exemple, tiré de l'actualité. L'année dernière, je crois, l'Université du Québec à MOntréal a acheté une « oeuvre » prestigieuse d'un artiste « prestigieux », consistant, si ma mémoire est bonne, d'un grand panneau mural peint en 2 couleurs, blanc d'un bord, noir de l'autre, dont je ne me rappelle plus la signification artistique, esthétique, existentielle ou purement humaine de son auteur. Beaucoup ont dit que c'était-tu ben effrayant de payer quelques milliers de dollars pour une oeuvre kétaine comme ça, alors que d'autres, comme il fallait s'en atendre, ont crié au chef-d'oeuvre, à une oeuvre vraiment
« songée » (les Québécois comprennent mon allusion, ici...), à quelque chose d'exceptionnel, même si je peux faire la même chose dans mon studio quand je déciderai de repeindre les murs...

Bon, je m'arrête ici. On voit où je veux en venir. Je ne prétends pas être un appréciateur exceptionnel, qualifié et tutti quanti pour juger des oeuvres exceptionnelles des autres. Entre toi et moi, le clip de Leloup, j'm'en balance comme de l'an 40 : c'est pas lui qui me fait tripper quand je regarde des vidéo-clips. Je connais certaines représentantes de l'autre sexe qui me font plus titiller les méninges quand je les écoute, heu, pardon, quand je les regarde dans la tivi...

Mais je suis d'accord avec toi et Foglia pour dire, par exemple, que les vidéo-clips qui me font (ici, placez le verbe qui vous vient à l'esprit) sont loin d'être des « chefs-d'oeuvre » de vidéo ou de cinéma, ou même d' « art », purement et simplement. Celui de Leloup est probablement de cette nature, et cela a fait grincer des dents les « esthètes » de Radio-Canada : aie, voyons donc, on n'est pas à Télé-Métropaule, icitte, encore moins à TQS; donc, de la qualité, monsieur Leloup, de la qualité, hein... ET pis, ça-tu du bon sens d'aller parler de suicide dans un clip destiné aux jeunes : monsieur Leloup, ça ne se fait pas dans une oeuvre dite de divertissement destinée aux jeunes : vous savez pas que c'est un sujet quasi tabou, et dont il faut parler entre personnes COMPÉTENTES, seulement. Et pis, encore, y'a d'la violence (apparemment), dans votre clip : voyons donc, ça va inciter les jeunes à sortir leur M14 pour tirer sur le monde. Et pis, encore, s'il y a du s - e - x - e dans le clip, vous savez que cela peut inciter les gars à déconsidérer les filles pis à penser à les traiter comme dans le clip. (Ici, je me suis avancé ben gros, parce que je ne l'ai pas vu le clip, ni moi, ni Jean-François, ni Foglia; mais, ça se pourrait-tu, par hasard, que j'aie raison, sur les « raisons », justement, données par Radio-Canada, pour le refuser ?

En tout cas, moi, la question de refus pour raison de
« non-aboutissement « du clip de Leloup, j'y crois pas beaucoup. Quand on sait le travail d'une équipe technique exigé pour réaliser un clip, je ne pense pas qu'une équipe de production se serait dépêchée pour bâcler un clip, sachant qu'il ne causerait aucun retour en matière de popularité auprès du public auquel il est destiné.

Bref, j'apprécie la position de Jean-François, et attendons de voir les événements. Chose certaine, ce n'est pas la première fois que Radio-Canada refuse des oeuvres supposément pour des raisons dites de qualité de l'oeuvre. Radio-Canada a des critères très stricts (mettez du contenu canadien, mettez des chansons canadiennes, mettez des comédiens canadiens, mettez les Canadiens partout dans les oeuvres : il faut faire plaisir à Sheila et les autres minisses de la cullltûûûûre canadienne...

Bon, là, j'ai fini. Peut-être que quelqu'un(e) d'autre est prêt à prendre la relève.

Claudius


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