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Re2:La démarche sceptique


Re: La démarche sceptique -- Julia
Postée par Jean-Francois , May 08,2000,16:32 Index  Forum

Julia: "L’un d’entre vous a écrit que la méthode scientifique n’était pas la seule méthode de découvrir la vérité de la réalité mais qu’elle était la meilleure. La numéro 1 quoi"

C'est une manière compliquée de dire les choses. Qu'est-ce la "vérité de la réalité"? J'ai seulement dit que la méthode scientifique a fait la preuve de son adéquation avec la réalité (sinon nous n'échangerions pas sur ce forum). Et ce, malgré tous les défauts qu'on puisse lui reconnaître. Aucun autre système d'acquisition de connaissance n'a pu montrer une plus grande universalité (les découvertes scientifiques fondamentales sont aussi bien valables en Chine qu'en Arabie qu'au Québec; ce n'est pas vrai de la religion, qui montre des visages extrèmement différents dans son "ubiquité"). De manière générale, le scepticisme c'est simplement ne pas croire sans un minimum de preuve, et le système le plus objectif que l'on connaisse pour trouver ces preuves est la science... malgré toutes ces lacunes, ces erreurs, ces errances et son "hommerie".

Julia: "Pourtant, je crois que ce serait vraiment audacieux que de défendre qu’il existe une ‘méthode de remplacement’. Il ne s’agit pas tant de s’en prendre à la méthode scientifique que de montrer que la manière des sceptiques d’appréhender la réalité est des plus étroites"

Je ne vous suis pas? S'il ne s'agit pas de s'en prendre à la méthode scientifique, pourquoi critiquez-vous ceux qui s'en servent? D'autre part, plus loin dans votre message, vous semblez défendre des conceptions à la saveur scientifique mais qui n'ont jamais pu montrer leur validité scientifique (j'y reviendrai). Alors, s'agit-il seulement de faire la critique des sceptiques uniquement parce qu'ils se réservent le droit de ne pas adhérer à n'importe quoi sans discuter? Ou bien, et c'est ce que j'ai cru voir dans les message d'Ody, vous prenez le scepticisme pour quelque chose qu'il n'est pas, parce que vous généralisez à partir de peu d'éléments?

Julia: " Mais est-ce que vous vous êtes questionné à savoir si vous n’étiez pas davantage adeptes de l’orthodoxie scientifique que défendeur de la science éclairée?"

J'avoue ne pas comprendre ni la distinction entre les deux termes, ni la connotation négative que vous semblez placer dans le premier. Je ne vois pas très bien ce que c'est que la "science éclairée" ni comment la science (dans une acception moderne) peut mériter le nom de science si elle n'est pas plus ou moins "orthodoxe". La seule chose que je peut voir là-dedans est une définition du style "médecine douce"; "science non-orthodoxe" et "médecine douce" = même combat). Ceci partirait d'une incompréhension formelle de comment fonctionne la science: par accumulation de données nouvelles et démontrées; c'est-à-dire que la science renouvelle constamment sa "doxa" au gré des nouveautés démontrées (j'insiste). L'"orthodoxie" de la science est en continuelle mutation (trop rapide en ce moment, à mon avis, mais c'est un autre problème) et peu difficilement soutenir la comparaison avec l'"orthodoxie" religieuse, beaucoup moins changeante. Donc, défendre l'orthodoxie scientifique n'est pas défendre des idées fixes et immuables, mais plutôt défendre une manière de voir et de comprendre les choses qui s'adapte aux idées nouvelles... quand celles-ci ont fait la preuve de leur justesse, dans le système dont elle-mêmes se réclament: la méthode scientifique.

Julia: "Vous cherchez la vérité"

Pas vous? Enfin, vous avez parfaitement raison: "nous" cherchons, comme tout le monde,... mais sans espoir véritable de trouver une Vérité Omnisciente.

Julia: "... sont-ils des scientifiques ou des croyants?"

Ce sont des scientifiques quand ils utilisent la méthode scientifique pour obtenir les preuves de leurs affirmations, et des croyants lorsqu'ils se réclament de la science pour affirmer des choses qu'ils n'entendent pas démontrer. Avant toute chose, ils sont humains donc faillibles c'est pourquoi les preuves sont importantes.

Je suis neurobiologiste de formation, avec une certaine habitude du travail de microscopie, et n'ai jamais entendu parler des bions comme d'une réalité démontrée. Par curiosité, je me suis un peu promené sur certaines pages "orgonomiques" et n'ai pas du tout été impressionné par les "preuves" (quand les affirmations dépassent le stade de la gratuité pur et simple) apportées en faveur de ces soi-disant "bions". Maintenant, le problème n'est pas tout-à-fait là. Vous affirmiez plus haut qu'il ne s'agissait pas de "s'en prendre à la méthode scientifique", c'est donc que vous lui reconnaissez une certaine valeur; qui plus est, par simple bon sens, vous lui reconnaitrez forcément une valeur pour déterminer ce qui est scientifique de ce qui ne l'est pas. Et bien, le problème avec la "bio-énergie orgone" c'est qu'elle n'existe pas scientifiquement parlant*, simplement parce qu'aucune expérience démontrant la réalité de son existence n'a été conduite avec succès (à moins que vous n'ayez une référence précise de littérature primaire à me proposer?). Pire, malgré l'absence de preuve (d'observation fiable) sur laquelle on puisse construire une théorie solide et valide, il s'est construit un édifice théorique, présenté comme "scientifique", qui a clairement des visées non-scientifiques (spirituelles, entre autres). Le problème avec l'"énergie orgone" c'est que rien ne permet réellement de croire que la théorie proposée repose sur quelque chose de tangible**.

La même chose peut être dite de la théorie du "cri primal". Pour considérer que ce soit une théorie scientifiquement acceptable, il faudrait un bon nombre d'expériences pour tester sa véracité, avant de l'affirmer comme scientifique. Un exemple d'expérience qu'il faudrait absolument faire mais qui est quasi-impensable: il faudrait prouver que la souffrance a réellement été ressentie de la manière soi-disant revécue***. Pour faire bref, il manque beaucoup de travail moins conceptuel que pratique pour prouver la "validité" de l'ensemble théorique subordonné au "cri primal". A propos, la psychanalyse ne repose pas sur une méthodologie scientifique, et elle a laissée une progéniture théorique assez importante, reconnaissable (en partie) à la totale incapacité de fournir une validation des affirmations théoriques.

Julia: "Voilà ce qui me fait penser que ce n’est pas la méthode scientifique que vous défendez mais l’orthodoxie scientifique"

Pour affirmer cela, il faudrait que vous démontriez plus clairement en quoi les exemples que vous donnez sont scientifiquement recevables (ce que vous n'avez absolument pas fait puisque, à part quelques affirmations vagues sur le soi-disant empirisme de ces théories, vous n'avez apporté aucun élément en faveur des théories critiquées). De plus, il faudrait aussi que, une fois les preuves indéniables soumises, nous ne changions pas d'idée quant à l'intérêt de ces théories. C'est pourquoi il vous faut (valable pour Ody, aussi) montrer le caractère et la valeur scientifiques de ces théories avant de pouvoir juger du biais "des" sceptiques à leur égard.

C'est pourquoi aussi, vous êtes parfaitement critiquable lorsque vous dites "je crois que ce serait vraiment audacieux [...] de défendre qu’il existe une ‘méthode de remplacement’". Car si vous ne proposez rien d'autre, et ne démontrez pas par des arguments que l'autre méthode comporte plus d'avantages que la méthode scientifique, vous faites une affirmation gratuite que l'on peut prendre comme bon nous semble mais qui n'a aucune véritable valeur intrinsèque. Une pareille affirmation est du même type que "Dieu est amour!", bien faiblarde en terme d'objectivité.

Jean-François

* On parle de communauté scientifique pour indiquer tous ceux qui ont un certain statut de chercheur, reconnu par d'autres chercheurs. Ainsi, Beneviste, malgré les grosses conneries qu'il a affirmées de manière totalement a-scientifique, fait toujours partie de la "communauté scientifique. Ce terme recouvre généralement, et de manière plus restreinte, l'ensemble des scientifiques qui ont des connaissances suffisantes pour critiquer la théorie proposée.

La "communauté scientifique" n'est pas non plus un bloc monolithique. Par exemple, celle du temps de la théorie Darwinienne de l'évolution a fini par accepter l'évolution par sélection naturelle comme une réalité devant l'importance et la force des preuves accumulées sa faveur (de la théorie); malgré tout, il resta quelques scientifiques de renom incapables d'accepter cette "abhération".

** Contrairement à la nature biochimique de l'"énergie" nerveuse. La nature ionique des potentiels d'action est extrèmement bien connue, et a de nombreuses fois été remise en question. Les mécanismes biochimiques qui soutendent les potentiels membranaires ne sont pas tous connus (ni pour tous les types de neurones) mais leur nature chimique ne fait plus de doute. Et, même si cette idée n'est pas nouvelle, ce n'est qu'il y a une cinquantaine d'années que l'expérience prouvant véritablement cette idée a été réalisée. Mais, depuis, ça été l'explosion de productivité. Alors que la bio-énergie demeure au même point et souffre toujours de la même carence pratico-tangible.

*** Julia: "Cette expérience revécue maintes fois et déclenchée par le souvenir des souffrances qui ont les plus marqué amène le patient à guérir de sa névrose"

Pourtant, à se rappeller comme ça combien les souffrances ont été douloureuses, on ne risque pas de les oublier... ce qui ne risque pas d'amener la guérison de la "névrose". A moins que vous ne tentiez de nous faire croire qu'une "habituation" est équivalent à un oubli? Dans ce cas, un fataliste ne serait jamais névrosé.


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