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Re:Réponse courte


Re: Réponse courte -- Denis
Posté par Stéphane , Dec 26,2002,10:09 Index  Forum


Tu persistes à comprendre le problème au sens biologique, alors qu'il est question d'éthique. Personnellement, je vois un gouffre entre les deux, c'est pourquoi je ne peux répondre à tes questions; pour moi c'est comme si tu jugeais de la qualité d'un pneu d'hiver en y goûtant. Le droit de vote c'est pas basé sur l'ADN, tout de même. C'est pourquoi ces questions sont entièrement spéculatives: on a l'ADN mais on n'aura pas pas le modus vivendi sans connaître l'autre, au sens politique (donc, jamais). Il est donc parfaitement futile de tenter de répondre à ces questions.

Par ailleurs, il se trouve deux niveaux de question ici: 1) est-ce que je donnerais le droit de vote, et 2) est-ce qu'on donnerait le droit de vote. C'est intéressant, non pas parce qu'un des deux niveaux est plus facile à déterminer ou plus correct, mais bien parce que j'ai l'impression que tu penses qu'on peut arriver à la bonne réponse individuellement. Jusqu'ici tu as tenté de formuler des équations qui, bien que visant un niveau universel, étaient de source entièrement personnelle, résultat d'un processus mental isolé. Je t'ai expliqué que bien que les maths soient universelles, les présupposés de départ sur lesquels tes équations sont fondées ne l'étaient pas, et donc que l'universalité de ces dernières n'était qu'un vernis. Notre conception de l'éthique, dès le départ, est donc radicalement différente. Si jamais je me prononçais sur les questions que tu me soumets, je le ferais en supposant que mon évaluation individuelle est le point de départ d'une négociation et pas en supposant que je suis capable d'arriver au résultat final par moi-même. Il y aurait donc un paradoxe fondamental puisque je me prononcerais sans que les australopithèques (les principaux intéressés) soient dans la pièce pour en discuter. Voilà pourquoi je ne me prononcerai pas sur leur droit de vote. Si je le faisais je me placerais exactement dans la même situation que les Sud-Africains blancs jusqu'en 1993.

Par contre, si tu me mets dans la même pièce qu'un gorille afin de pouvoir déterminer son droit de vote, la réponse sera facile. Tu vois bien qu'il n'y a absolument aucun problème de continuité si on se place sur le terrain. Un des problèmes de l'expérience mentale que tu tentes de faire c'est le manque de données. Ce manque de données n'étant pas lui-même quantifiable, comment quantifier une réponse?

Évidemment la question des droits des animaux est d'actualité. Jusqu'à quel point l'être humain peut-il se permettre de faire souffrir ou de massacrer des animaux? À mon sens il y a deux facettes ici: 1) environnementale: quel est le dommage causé à l'écosystème, cad, le dommage qui nous retombera un jour sur la tête; 2) quelle est la «largeur» et la «profondeur» de notre empathie naturelle. La facette 1 est scientifique, la seconde culturelle. Au Moyen-Âge on brûlait des chats dans une poche pour s'amuser, aujourd'hui il faut amener son chien chez un psy s'il a l'air déprimé. Je crois que ces deux extrêmes sont aussi stupides l'un que l'autre -- j'ai donc bien de la misère à y voir une «évolution» ou un processus de civilisation. Mais la plus grande erreur est certainement de supposer que les droits des animaux doivent compromettre ceux des humains*, que les uns ne peuvent exister qu'au détriment des autres.

*Cela dit, il faut mettre un bémol à tout ça: les «droits» ont drôlement enflé dernièrement, avec le droit à une «saine alimentation» et le droit à ci et à ça -- pendant que sur le plancher des vaches le droit à la vie et à l'intégrité physique sont massivement bafoués un peu partout dans le monde. Quand je dis qu'il ne faut pas que les droits des animaux compromettent ceux des humains, je parle des droits fondamentaux, pas du «droit d'avoir un char pas trop rouillé».