Bruno : J'ai déjà écrit penser que le libre arbitre était probablement plus restreint que la sensation qu'on en a. J'ajouterai que beaucoup de décisions que nous croyons prendre de façon réfléchie sont très fortement influencées inconsciemment par nos expériences précédentes. C'est pour ça que je crois que notre libre arbitre est plus limité par la psychologie que par la physique. Avons-nous un libre-arbitre central ou fondamental? Je le crois, mais je ne ressens pas le besoin fondamental d'y croire.
K : La cellule est plus que la somme de ses composantes chimiques dans la mesure où l'organisation ajoute quelque chose.
Bruno : Bien sûr, c'est ce que j'ai illustré avec mon exemple de la personne passée au malaxeur.
K : Mais ce quelque chose d'ajouté est lui-même soumis aux lois de la physique. Il est donc tout aussi déterminé que le reste. Pour qu'il y ait libre arbitre, il faudrait que quelque chose de non déterminé par des lois physiques soit ajouté. Dans ce contexte, on entre dans les questions métaphysiques.
Bruno : Ce quelque chose d'ajouté n'est pas matériel, il est structurel. Cette structure respecte les lois naturelles mais n'a pas à être dictée par ces lois. Les connexions nerveuses dans le cerveau se font par l'intermédiaire de molécules bien spécifiques grâce à leur structure complémentaire (on emploie souvent l'image de la clé et de la serrure). Dans le développement du cerveau, les neurones se cherchent jusqu'à ce qu'ils en rencontrent un autre avec lequel ça clique parmi tous les prétendants qui portent la même molécule (la même serrure). Il y a beaucoup d'aléatoire là dedans. Prends les atomes d'une de ces molécules pour recréer une protéine avec une structure différente mais qui obéira à la physique comme l'original et il n'y aura pas de connexion. Ce qui fait que la protéine qui nous intéresse est ce qu'elle est n'est pas une théorie physique mais plutôt que cette structure a été retenue par sélection naturelle. Il y a plusieurs points de cassure entre le déterminisme physique et ceux qui s'en prennent à notre libre-arbitre. Toutrefois, s'il y a un libre arbitre, ce n'est pas dans dans les failles d'un déterminisme physique ou biologique qu'il faut chercher. C'est plutôt dans la façon dont fonctionne le cerveau, donc une conséquence de la structure.
La biologie, qui s'est scientifisée récemment par rapport à la physique, n'a pas encore pris sa place dans les questions métaphysiques. Et les philosophes sont encore très majoritairement d'obédience physique.