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Evolution, biochimie et probabilités, partie I


R: Réponse aux deux parties -- Julien
Posté par Platecarpus , Feb 16,2003,17:47 Index  Forum

Platecarpus : Vous ne comprenez même pas les bases de la théorie de l'évolution (je vous rappelle que vous m'avez sorti que la sélection naturelle était un phénomène aléatoire)

Julien : Oui, vous n’avez apporter aucune réfutation d’ailleurs.

Bien sûr que si. J'ai fourni une réponse détaillée dès que vous avez publié cette assertion (réponse à laquelle vous n'avez pas donné suite - tout comme au passionnant exemple biochimique de Bruno, au message de Benjamin sur l'effet Compton et à bien d'autres). Votre mémoire est toujours aussi sélective ?

La sélection naturelle est un processus déterministe, dont le résultat peut être prévu si on connaît les variables de départ - et ce avant qu'elle n'intervienne. Les résultats qu'elle donne ne répondent à aucun des critères définissant les phénomènes aléatoires d'un point de vue statistique : les séquences des gènes qu'elle favorise (car c'est bien, à terme, tout ce qu'elle fait) sont toutes des séquences avantageuses par rapport à l'environnement dans lequel vit l'organisme soumis à la sélection. Rien d'aléatoire là-dedans.

Ce que j’ai voulu dire (et je l’avais précisé) c’est que le moment où une pression sélective se produit est aléatoire dans le temps et non-corrélé au moment où de possibles mutations « avantageuses » se sont produit. Par exemple, une diminution drastique de la quantité de nourriture, un changement de température important, la menace d’un antibiotique, la présence nouvelle d’un macrophage...

Je suis d'accord avec ce fait. Les "critères" utilisés par la sélection dépendent en grande partie des conditions environnementales ; or, ces dernières varient aléatoirement.
Ceci dit, si la sélection naturelle est en partie "alimentée" par des données aléatoires (il doit y avoir une meilleure analogie, mais je n'ai pas trouvé), son fonctionnement est en lui-même non-aléatoire : à partir des "entrées" (l'organisme+son environnement) on peut prévoir les "sorties" (meilleure adaptation de l'organisme en question selon un mécanisme rigoureusement déterministe).

La sélection naturelle est aussi aléatoire au niveau du caractère favorisé.

Pas vraiment. Le caractère favorisé est - ultimement - la capacité à se reproduire. Il se manifeste sous des formes très diverses (pour pouvoir se reproduire, l'organisme doit être bien adapté à son milieu - la sélection favorise donc indirectement l'adaptation, par exemple), mais le fait que les organismes qui, pour telle ou telle raison, se reproduisent le plus deviennent les plus nombreux (la sélection naturelle se résume à cette réalité toute bête) n'a rien d'un phénomène aléatoire.

Platecarpus : Quant à l'origine de la vie, c'est encore un point obscur, mais désolé pour vous, la physique des systèmes auto-organisés se débrouille très bien sans intelligence extérieure.

Julien : J’ai bien hâte au jour où elle nous fera apparaître un organisme de 250 gènes, sans cause intelligente. Malheureusement pour vous, il n’y a aucun moyen d’y arriver sauf d’introduire l’élément intelligence.

Hein ?? J'ai hâte de voir le jour où on observera une cause intelligente fabriquer des organismes de 250 gènes. J'ai en fait surtout hâte de voir le jour où on observera une intelligence ne nécessitant pas de système complexe préexistant.

Les recherches sur l'origine de la vie ont fait des progrès énormes depuis leurs débuts dans la première partie du XXe siècle. Nous sommes parvenus à comprendre comment pouvaient fonctionner des proto-cellules beaucoup plus simples que des cellules actuelles, comment de nombreuses macromolécules organiques pouvaient se former grâce à une série de réactions chimiques et même comment des agents autoréplicateurs pouvaient se former spontanément par auto-organisation. Nous avons testé des centaines de modèles et - comme c'est la règle en science - nous en avons retenus quelques-uns. Ces dernières années encore, on a vu apparaître une profusion de modèles expliquant l'apparition de l'ARN - dont on a montré expérimentalement qu'il pouvait être à la base d'un système génétique primitif.
Nous ne maîtrisons pas encore complètement les conditions qui ont permis l'apparition de la vie. Nous savons aussi trop peu de choses de la chaîne complète de réactions qui a mené à la formation de proto-cellules : mais certaines parties de la chaîne sont déjà bien dégagées. Chaque décennie, nous comprenons un peu mieux comment la vie a pu émerger, progressivement - sans faire appel à des miracles ou à des interventions surnaturelles.

Les créationnistes - qui n'expérimentent pas, ne vérifient pas leur théorie, ne font pas de prédictions testables - ne peuvent certainement pas en dire autant. Leurs idées en sont exactement au même point depuis des millénaires : le monde tel que nous le voyons a été complètement créé tel quel dans l'espace d'une semaine. Comme ça ne marche pas très bien, il faut évidemment introduire un agent créateur inobservable et des mécanismes surnaturels. C'est complètement invérifiable, et ce n'est pas une fable dans ce genre qui pourrait faire progresser notre compréhension du monde.

D’ailleurs, même les expériences sur les ARN réplicateurs indiquent que l’élément intelligence est primordial (l’expérimentateur introduit, en présence d’un brin initiateur, l’enzyme spécifique qu’il sait capable de catalyser la réaction).

N'importe quoi. D'abord, rien à voir avec le créationnisme : celui-ci nécessite surtout des mécanismes surnaturels. Il parle aussi d'un créateur intelligent, mais c'est encore la partie la moins irrecevable de son système : ce n'est pas le prérequis "intelligence" qui pose problème, c'est le prérequis "surnaturel". Le problème, c'est que pour préexister sans qu'un système complexe ne se soit formé auparavant, cette intelligence doit fonctionner d'une manière surnaturelle. Par conséquent, les deux prérequis s'impliquent mutuellement, et le système dans son ensemble est bon à jeter.

Ensuite, je vous ai déjà dit... hum... 10 fois ? que la ligase n'est pas nécessaire à la réplication de l'ARN. C'est une découverte certes récente, mais elle est incontestable : l'ARN est capable de s'auto-répliquer. Exactement comme un baobab, une moule ou un éléphant. L'expérimentateur n'a pas besoin d'introduire une enzyme intelligemment pour que le système fonctionne.

Julien : Étonnement, mon argumentation repose sur des faits scientifiques UNIQUEMENT. Pour votre part, vous tordez à droite et à gauche des exceptions et vous nous sortez des « expériences » qui, lorsque l’on a toutes les données en main, appuient plutôt le créationnisme.

Ah oui ? Vous avez toutes les données en main de l'expérience amibes-bactéries*, et elle appuie le créationnisme ? Vous avez toutes les données en main de l'expérience sur la réplication de l'ARN et elle appuie le créationnisme (alors que c'est vous qui affirmez, erronément, qu'une enzyme est nécessaire pour que l'ARN se réplique - là où elle ne fait qu'accélérer un processus qui aurait eu lieu de toute façon) ? Vous avez toutes les données en main de l'expérience de sélection artificielle sur l'hémoglobine, et elle appuie le créationnisme ? Je serais curieux de voir ça.

*Pour ceux qui ne connaîtraient pas, il s'agit d'une expérience microbiologique où on a vu apparaître une symbiose profonde entre deux organismes - une amibe et une bactérie. Au tout départ, la bactérie parasitait l'amibe et finissait par la tuer. Ceci dit, petit à petit, les amibes résistances ont été sélectionnées. Les étapes intermédiaires ont été nombreuses - et, au final, l'amibe et la bactérie avaient fusionné ensemble. Si on les séparait l'une de l'autre, elles mouraient. Le génome de chacune d'entre elles s'était profondément modifié pour s'adapter à la symbiose et il y avait eu apparition de liens très complexes entre les deux organismes. C'est un phénomène très banal sur le plan évolutif : très souvent, il est plus utile de coopérer que d'entrer en compétition. Les exemples de symbiose observés dans la nature sont d'ailleurs très nombreux et tout aussi frappants par leur complexité. Mais cette expérience est aussi intéressante parce qu'on suppose que de petits organites de nos cellules, les mitochondries, sont d'anciennes bactéries indépendantes qui ont fusionné avec d'autres micro-organismes il y a un peu plus d'un milliard d'années.
Julien n'a jamais répondu à cet exemple étonnant d'évolution observée en action. Il s'est juste contenté de dire que s'il avait plus de données, il pourrait sûrement le réfuter. Le problème, c'est que les données concernant cette expérience sont parfaitement accessibles, et qu'il ne l'a jamais réfutée - tout simplement parce qu'elle appuie vraiment l'évolution.

Platecarpus : si vous lisez réellement les manuels de niveau deuxième année que vous citez à tout bout de champ, vous devez bien être au courant

Julien : Cette connerie n’est pas étonnante de la part d’un ignorant en biochimie. L’ouvrage auquel j’ai fait référence est un bouquin d’université.

Tiens, son but n'est pas de servir de manuel aux étudiants de deuxième année ? Tout indique pourtant le contraire.

La suite est dans la partie II.