Postée par Jean-Francois , Jun 10,2000,09:49 | Index | Forum |
Toute ces histoires me font penser à un autre sujet, qu'il me semble ne pas avoir été abordé dans le forum. C'est le fait de la récupération et diffusion ultra-rapide de résultats d'expériences par certains groupes: les organes de presse, d'accord, mais aussi les sectes et autres groupuscules au visées idéologiques, et les ésotéristes.
La vitesse à laquelle s'accumulent les découvertes scientifiques est phénoménale en ce moment. Elle n'a jamais été aussi grande et est le reflet des efforts qui sont mis dedans. Contrairement à d'autres, je crois que la science n'a jamais fonctionné sur le principe de la "Découverte" qui bouleverse tout. (Je pense que cette vision est imprimée par les besoin de raconter l'histoire de la science de manière à ce qu'elle se retienne aisément, c'est-à-dire sans les détails et en insistant sur les figures marquantes. C'est un retour a posteriori sur des faits à la lumière des théories qui se sont finalement imposées. Cette manière de faire n'est d'ailleurs pas propre à la science, mais elle empêche de concevoir la science comme ce qu'elle est vraiment: une accumulation tranquille de faits sur la base de faits antérieurs. Même les "changements de paradigme" ne sont jamais l'oeuvre d'une seule personne; même les grandes théories ne sont jamais venues, comme ça, à l'esprit de leur auteur final, elles se basent toujours sur un ensemble d'idées et de faits qui sont des réalisations "communautaires" - les auteurs ont le mérite d'avoir mis la forme indiscutable à la théorie.) La science avance parce que, à l'intérieur de chaque domaine de recherche, des idées sont discutées/proposées, que des expériences sont tentées, que leur résultats sont critiqués dans un but de destruction de la validité des expériences (c'est assez violent, la critique d'article), et que, malgré toute cette entreprise de dénigrement, il y a des résultats qui ne peuvent être détruits et qui servent à alimenter le cycle. Ces résultats sont pris comme des faits établis. Petit à petit, on intègre ces faits dans un ensemble théorique qui doit demeurer cohérent, sinon il faut le changer. La théorie est importante, bien sûr, mais elle garde un rôle secondaire par rapport à celui des faits (même si elle peut influencer la manière dont on conçoit, ou reconçoit, les faits, et cela est très variable selon les domaines).
Seulement, ces faits, pour obtenir une valeur indéniable, doivent subir l'épreuve de la critique (virulente). Lorsqu'on vulgarise une découverte récente, on perd de vue que, d'une part, les résultats n'ont pas totalement subit l'épreuve de la corrosion critique (c'est pourquoi certains résultats devraient être revus lorsqu'ils sont montrés faux: la mémoire de l'eau, par exemple. Je dis "devraient" parce que c'est rarement le cas dans la réalité) et, d'autre part, ils sont sortis du contexte, forcément limité, dans lequel il sont valides. Faire ainsi, c'est faciliter la dénaturation des résultats et leur donner une validité de faits établis avant que ça ne soit le cas. Ceci permet une récupération facilité par ceux qui tendent à placer l'importance sur leur théorie et à plier les faits à celle-ci, ce qui est le cas dans la plupart des groupes ésotérisants ou pseudo-scientifiques.
Je ne cherche pas à dire qu'il faut arrêter la vulgarisation des progrès scientifiques. Par contre, je crois qu'en le faisant, il faut insister sur les limites étroites d'application "spatial" (domaine restreint de validité) et "temporel" (valeur plus ou moins confirmée des résultats) des découvertes.
Jean-François
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