Postée par Jean-François , Mar 25,1999,15:09 | Index | Forum |
J'imagine que Gaël constatait que parmi les animaux vivants aujourd'hui, l'Homme à l'instrument de vision le plus performant (je dirais plutôt, quant à moi, qu'il a les capacités - cérébrales - de traitement de l'information visuelle les plus perfectionnées; l'oeil humain à des défauts que n'ont pas les yeux de certains invertébrés). Les questions d'adaptation à un milieu se posent plus difficilement à l'Homme, qui s'est grandement détaché des pressions du milieu.
VJ: "Voyons ce qu'il en est. Il y aurait deux structures ou arrangements que j'aimerais porter à ton attention.
1/ La vision des couleurs: À quoi ça peut bien servir à l'homme? Si on parle d'ingestion,... Si on parle de la fonction croissance,... pour la reproduction,..."
Il y a un biais fondamental dans cette mise en relation des "caractéristiques" du vivants avec un organe particulier. C'est que cela ne rime à rien en terme évolutif. Ce n'est pas l'organe qui subit les pressions évolutives, mais l'organisme en son entier.
VJ: "La vision des couleurs, c'est charmant, ça permet d'apprécier mieux l'esthétique, mais en terme de fonctions naturelles essentielles ça vient faire quoi (j'ai sûrement manqué quelque chose)."
Rien que pour vous montrer que vous avez "manqué quelque chose", dans votre (mauvaise) volonté à ne pas croire que la vision des couleurs est un "plus": cela procure, entre autres,la capacité de distinguer des formes qui réfléchissent la lumière avec des intensités égales. Cela permet de distinguer des contours là ou la seule vision monochrome ne peut rien distinguer. De plus, l'évolution de la vision des couleurs va de pair avec la complexification des aires cérébrales dédiées à la vision. Ainsi la vision des couleurs à aidée à la complexification de notre cerveau, que je qualifierai d'utile... malgré l'usage que certain en font.
Vous dites vous être procurer "Morphologie...", mais l'avez-vous lu. Cela m'étonnerait que P. Pirlot ait mentionné que la vision des couleurs soit une qualité "négative" (nuisible, en terme évolutif).
VJ: "2/ La vision stéréo: Encore une fois, une structure intéressante, mais dont je comprends mal l'intérêt en terme d'évolution (je puis me
tromper, j'en conviens, mais ne sommes-nous pas ici pour discuter). Ce type de vision permet d'apprécier la 3e dimension, donc la profondeur."
Jusque là, vous répondez vous-même à la question.
VJ: "Mais pour la chasse, des systèmes de surveillance périphérique comme celui du caméléon ou celui des insectes pourraient remplir d'autres fonctions tout aussi utiles, sinon plus."
Outre le fait que ne semblez pas connaitre les principes évolutifs (en quoi les "systèmes de surveillance périphérique" - s'ils existent - sont moins différents entre les insectes et les caméléons, qu'entre les insectes ou caméléons et l'humain?), vous restez (prudemment, j'en conviens) dans le très vague quant aux fameuses "fonctions tout aussi utiles". Le but de la science est d'expliquer ce qui est (et de prévoir, si possible, comment cela va évoluer), non ce qui aurait pu être si... et les théories évolutives cherchent à montrer ce qui a été et non ce qui aurait du être.
VJ: "La vision de la profondeur permet de mieux lancer le javelot, par exemple, maisl'utilisation d'outils est apparu beaucoup plus tard chez les hominiens, non?"
Aucun rapport! La vision binoculaire permet une meilleure compréhension de l'univers tri-dimensionnel qui nous entoure. Elle rend plus efficace la chasse, et permet à l'Homme d'y consacrer moins de temps. Cette question des outils est un point de détails très secondaire. C'est même carrément un homme de paille.
VJ: "À la lumière de tout ceci, la convergence ne s'explique plus de la même manière. L'oeil n'est pas nécessairement l'organe le mieux adapté pour les fonctions que l'homme et ses ancêtres, au cours de leur évolution, ont eu à remplir dans leur milieu particulier."
Toujours aucun rapport! Il n'y a aucun lien logique entre les défauts de l'oeil et les "fonctions que l'homme et ses ancêtres... ont eu à remplir dans leur milieu particulier". De toute façon un tel énoncé est faux à la vue de nos connaissances des fonctions et de l'évolution de l'oeil*. Relisez Pirlot si vous voulez, mais à mon avis choisissez un livre plus récent.
* Pour ne pas dire du cerveau tout entier. Au moins quatre sens, chez l'humain, agissent sur le principe de la comparaison bilatérale: l'ouie, la vision, la "vestibulation" et la proprioception. Ceci est même très restrictif car au niveau des aires corticales associatives, toute sensation est traitée par comparaison entre les différents organes des deux côtés du corps. Allez-vous nous dire, maintenant, que la symétrie radaire est la meilleure adaptation à son milieu?
VJ: "Et parlons-en du "milieu", cet oeil serait aussi l'organe le plus performant (au point d'apparaître par hasard) qu'un organisme invertébré
comme la seiche ait pu développer pour son milieu aquatique propre? Très pafaite structure, en effet!"
Cossé? je ne comprends pas votre phrase. L'oeil de l'Homme moderne n'est pas apparu par hasard, il a lentement évolué à partir d'un oeil moins complexe. Et puis, si la seiche à un oeil adapté à la vie marine, tant mieux pour elle, ce n'est pas notre "milieu", ni celui de nos lointains ancêtres.
VJ: "Comprends-moi bien, je ne prétends pas que la sélection naturelle est une lubie, au contraire, j'accorde beaucoup de crédibilité aux théories de l'évolution... mais elles ne me contentent pas entièrement."
Vous ne semblez pas en mesure de les critiquer correctement. Comment pouvez-vous dire alors qu'elles ne vous "contentent pas entièrement"? On sait très bien aujourd'hui que la sélection naturelle selon le modèle strict de Darwin est fausse. Mais, comme c'est une théorie falsifiable, on a pu montrer en quoi elle ne répondait pas à certaines observations, et on l'a améliorée. La(es) théorie(s) de l'évolution majoritairement acceptée aujourd'hui ne sera(ont) pas non plus celle(s) de demain, car elle(s) est(sont) constamment raffinée(s) et continuera(ont) de l'être. Seulement, il faut plus qu'une analyse hative, soutenue par un dédain subjectif, pour montrer les faiblesses d'une théorie.
Jean-François