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Re:Re:Re:Re:Devrai ton croire en la bible ?


Re: Re:Re:Re:Devrai ton croire en la bible ? -- Mondreiter
Postée par decroix rené , Jun 16,2000,20:18 Index  Forum

A mon avis, en assimilant la naissance du judaisme en période perse avec la réorientation chrétienne des pratiques païennes occidentales, vous y allez un peu fort. Et encore une fois,mais toujours à mon avis, c'est dans le plus pur style du comparatisme à la Eliade. Dans ces conditions,tout vaut tout, on ne distingue plus rien.

Que la politique se mêle aux réformes religieuses, c'est une constante, mais on n'explique rien si au cas par cas on ne dit pas lequel gouverne l'autre. En l'occurrence, je ne crois pas que l'on puisse faire l'économie de phénomènes spécifiques à l'époque, dont le moindre n'est pas celui-ci : il y avait ceux qui avaient prospéré en exil, qui n'en sont d'ailleurs pas revenus, et puis les autres, qui retrouvent ceux qui n'étaient pas partis ... pour ces derniers, votre propos demanderait à ce que vous établissiez si effectivemnt le religieux était prétexte à une reconstitution nationale ou bien si cette dernière était une condition nécessaire à la restauration de celui-là. On peut penser l'un, on peut penser l'autre, mais reste que la chose demande démonstration.

Quant à Eliade, ce n'est pas tant le monothéisme qui était en cause, que la démythologisation opérée par le judaïsdme par rapport à l'hébraïque tout imprégné de mentalité mésopotamienne. Le judaïsme, c'est clair dans bien des réflexions d'Eliade, introduit deux choses: l'abandon de la religion cosmique ( c'est l'un des buts de la Genèse, les corps célestes ne sont plus des divinités, etc.), et une religion morale qui entreprend de remplacer le Prince par un Texte, mouvement de rationalisation et de désincarnation de la Sagesse( ceci pour suggérer la suite logique, les écrits plus tardifs, avec une imprégnation grecque, dits de Sagesse ...). Il y a un contraste évident avec la période royale, à laquelle du reste s'est toujours heurté le prophétisme : Eliade commente explicitement le rôle des prophètes bibliques...ils ont tué l'exhubérance religieuse et joyeuse d'antan qui exaltait la Vie (c'est lui qui met la mjuscule, en ces occasions)...

Il reste que dans la Bible elle-même (Esdras, etc.), des mesures conservatoires du sang sont pour le moins choquantes pour nos oreilles actuelles: mais je le suggérais, le XX° siècle a produit largement l'équivalent. Et à votre objection sue ce point je rappellerai qu'Alfred Rosenberg avait bel et bien choisi pour le titre qui nous le fait encore connaître : "Le mythe du XX° siècle".Je ne peux trouver meilleur argument.

Mais Rosenberg était certainement plus futé que bien des celtiques et autres mythogermaniques se gavant encore aujourd'hui de folklore druidique; lui, il expliquait bien qu'il n'était pas question, en dehors du théâtre obligé pour la foule que certainement il méprisait, de revenir à Odin ou à un autre, et dans ce sens il était plus près de Mircea Eliade et Cie qui, contrairement à ce que vous semblez avancer,ne croyait pas à la survivance du mythe, d'un mythe, mais à celle de la fonction mythique ( par contre il assurait la survivance du sacré camouflé ( c'est son terme favori) dans le profane: mais c'est bien la même chose: le sacré est indépendant de la chose élue sacrée ...peu importe le support de la hiérophanie, pourvu qu'il y ait hiérophanie : personnellement je traduis : peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse...) , ce qui est d'une autre dimension: tel et tel mythe sont pratiquement sans intérêt en eux-mêmes, c'est la fonction qui importe. Mais cette philosophie n'était pas neuve, elle s'inscrit dans l'hitoire de la pensée allemande, dans le romantisme allemand, au moins depuis le milieu du XIX° siècle (dans mon essai de description je pars de Schleiermacher).Là aussi, philosophie et politique sont sans arrêt liées, et là aussi se pose la même question: qui fonde l'autre?

Le plus amusant, à propos du judaïsme de l'époque, c'est que je suis plutôt d'accord avec vous, mais ce n'est pas une raison...d'autant que,sans être hégélien (encore que,si je le connaissais mieux peut-être ...), je crois qu'il ne suffit pas de comprendre l'acteur pour comprendre l'histoire ...C'est dans ce sens qu'il que vous preniez mon intervention : je peux être d'accord sur les dispositions subjectives des acteurs tout en refusant d'y réduire l'explication du phénomène.

Pas de monothéisme absolu, dites vous. Oui, c'est ce que l'on dit souvent, et non sans arguments. Néanmoins, il me semble hâtif de conclure au polythéisme du seul fait de l'existence de natures intermédiares entre dieu et les hommes, autrement dit de nier que la pyramide étant là son sommet n'est pas unique. La question trinitaire est plus sérieuse ( accusation de l'islam,comme vous le signalez, et à ma connaissance pas seulement shiite: tout l'islam fait unanimité sur ce point)mais à mon avis ne tient pas longtemps devant un théologien moyennement doué: de multiples dieux et un dieu pluriel ce n'est pas la même chose.Je peux proposer un jeu qui me vient à l'esprit: en dehors du Dieu trinitaire des chétriens, imaginez Dieu avant la création, Dieu seul, et tout, "Etre" : il ne peut pas savoir lui-même qu'il existe,(étant mais non existant, pour faire de l'humour heideggerien), suis-je en train d'imaginer à l'instant même de soutenir. Il a beau être seul, il faut qu'il puisse dire "Je", sinon 'il' n'est pas (un "il", de même, est toujours pour un autre ...) , cette proposition suffit je crois à lancer l'affaire. En résumé je veux peut-être dire : tous les théologiens ne sont pas des cons, et certains seraient capables de se défendre sur ce forum, tout simplement en demandant que les lieux communs soient revisités jusqu'à épuisement de la raison de chacun, dans un discours où chaque virgule devrait être démontrée ( mais il est vrai, ce n'est pas le lieu). Le reste, il faut bien en convenir, n'est que bavardage : mais nous y prenons tant de plaisir ...

Que le mythe réponde à une angoisse existentielle, c'est ce que l'on dit couramment, mais à mon avis en négligeant un fait essentiel : les peuples mythiques archaïques ne connaissaient pas notre idée de mythe, ils ne le regardaient pas du dehors, ils le vivaient, ils vivaient dedans. Ils ne se sont pas dits un jour : allons, nous en avons besoin,créons nous un mythe.Dans cet ordre d'idée,il ne s'agit plus du mythe, mais du mythe du mythe (expression utilisée par deux philosophes dans un très beau petit livre : "Le mythe nazi"), et c'est très dangereux, suis-je en train d'essayer de montrer. Par ailleurs, toute une littérature (Eliade bien sûr avait pris ce train), après avoir décrété que le mythe répondait aux problèmes existentiels , postule que les peuples du mythe ( encore et toujours :l'Age d'Or ...)n'avaient donc pas de problèmes exitentiels : à mon avis, c'est un peu rapide.

Certes, on peut dire :le mythe oui mais sans intégrisme. Ne m'en veuillez pas, mais c'est encore un refrain commun à tous les "remythologisants" ( Gilbert Durand, dans le sillage d'Eliade, se définit avec ce terme), et ça ne veut strictement rien dire : ou bien on y croit intégralement,et on est donc intégriste, alors oui il répond aux dits problèmes existentiels, ou bien on n'y croit pas intégralement, et il n'y répond pas plus qu'une soirée de théâtre pour oublier les soucis de la semaine.

Mais à la fin, qu'est-ce qu'un mythe ? Qu'est-ce qu'un mythe qui n'est pas absolument vrai pour le cerveau qu'il habite? Qu'est-ce qu'un mythe qui serait choisi en magasin : ah et bien non, je ne vais pas prendre celui-là, trop intégriste, donnez moi donc un mythe un peu plus cool ... ?

Vous parliez de Baudelaire : l'un de ses textes commence par quelque chose comme : "hypocrite lecteur, mon frère ..." Peut-être le lecteur moderne du mythe.Mais à la fin, l'acteur a envie de croire qu'il est ce qu'il joue, et c'est là que commence l'horreur.

Voici au moins un truc sans réserve :
très amicalement.