Tout dépend de ce qu'on appelle démythologisation. Au sens de "destruction du Mythe", ou du rôle du Mythe, je dirais plutôt qu'il s'agissait d'une lutte d'influences, doublant une politique de reconquète territoriale, et passant par une récupération avec adaptation du Mythe dans un nouveau contexte. Idem pour l'action du Christianisme en Europe occidentale, grande-bretagne et irlande comprises. Là, la récupération est flagrante.
Cela dit, je n'ai pas l'impression que, *du moins dans ce que j'ai lu d'Eliade*, il ait une hargne démentielle contre les courants monothéistes. De plus, et même si c'était le cas, je ne connais aucun exemple de monothéisme absolu dans l'histoire humaine, alors il tomberait plutôt à plat. J'entends par là que je ne connais pas de monothéisme qui se soit débarassé définitivement soit d'une structure polythéiste déguisée (hypothèse trinitaire par exemple, qui faisait que l'Islam chiite considérait les Croisés comme des polythéistes), soit des "acolytes" nécessaires d'un Dieu suprème (Anges, archanges et autres "esprits servants" comme dit Tolkien), là encore, Panthéon déguisé. Mes connaissances en la matière sont limitées, j'en conviens, et cela peut restreindre la portée de cette remarque. Ce que j'ai rencontré de plus proche, en ce domaine, de l'hypothèse purement monothéiste, c'est le Druidisme, aussi bizarre que cela puisse sembler. Une remarque en passant: le bouddhisme ou le taoïsme en particulier échappent selon moi à toute idée "théiste", je ne les inclus donc pas dans le raisonnement.
"bien sûr, ce n'est pas un coup d'éponge absolu, ce n'est pas aussi radical que dans le mouvement quasi-contemporain venu des
Présocratiques, mais le mythe est-il hors service de nos jours, sous une forme ou une autre? Le XX° siècle fut une formidable
machine à faire des mythes ...au moins aussi cons, ajouterai-je d'avis personnel."
Que le XX° siècle ait été une machine a faire des mythes, non, pas d'accord, personnellement. Là-dessus aussi, je suivrai Eliade ("Les mythes du monde moderne") qui parle de *survivance* du Mythe. Ca me semble plus juste, et son analyse est assez explicite pour que je m'emmèle les pinceaux à la réexposer! C'est aussi l'avis de Fulcanelli, lorsqu'il expose comment la Tradition a pu, en certaines périodes noires de notre histoire, être transmise sous forme cryptée (système cohérent de symboles) supportée par un moyen difficile à falsifier: la statuaire. Mais si le Mythe a réellement disparu, (ce que, quant à moi, je ne pense pas), je crains que ce ne soit fort destructeur. Le Mythe a toujours eu au minimum un rôle de réponse à l'angoisse existentielle que bien peu d'entre nous n'ont jamais ressentie. Si sa seule raison d'être ne se limitait ne serait-ce qu'à cela, j'absoudrais le Mythe, car je pense sincèrement et profondément que, sauf à tomber dans les intégrismes divers, le Mythe est moins dangereux que le Prozac et autres "usines chimiques à mythes" telles que les drogues. Pourquoi Baudelaire a-t-il intitulé son ouvrage "les *Paradis* artificiels"? Parce que, si on détruit l'espoir qui permet de continuer à accepter la vie, on court à la catastrophe.
Je ne nie pas qu'à un stade d'évolution encore à venir, la vertu du Mythe ne puisse devenir inutile. Simplement, je pense que l'évolution globale de l'humanité, et en particulier des pays dits industrialisés, ne permet pas encore cela. J'espère que cela viendra, mais l'accouchement risque d'être long et douloureux, et je ne sais pas, au point où j'en suis rendu, si cela se fera avant que nous ayons fini de rendre notre planète inhabitable. Beaucoup de questions, et peu de réponses en somme.
Avec mes amitiés,
RMR
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