Postée par Jean-Francois , Jun 22,2000,10:28 | Index | Forum |
Je n'ai pas tellement le temps pour une longue liste (j'ai un congrès qui commence dimanche et des tas de choses, dont une présentation, à finir d'ici-là). Je corrige seulement quelques points.
René: "les informations spatiales externes ne requérant pas le toucher sont conservées"
Dans l'ensemble, oui. Le problème est aves les systèmes qui les associent pour en tirer des informations d'un "degré supérieurs". Par exemple, le cervelet et les collicules supérieurs sont des structures qui utilisent des informations provenant de différentes parties du corps et les intègrent pour corriger certains mouvements. Le changement du corps entraînera quand même des problèmes moteurs.
René: "la tension des muscles du cou informe de la position de la tête par rapport à une position toute verticale"
Si tu as sectionné les muscles à la base du cou - de l'omoplate, par exemple -, et changé les attaches osseuses, tu as déjà changé les tensions et autres systèmes proprioceptifs. D'autre part, le système vestibulaire (que tu oublies) joue un rôle plus important, à mon avis, dans le maintien du tonus postural cervical que les propriocepteurs. La vision joue aussi un rôle dans ce maintien.
René: "les muscles moteurs des globes oculaires informent de la position des yeux par rapport à la tête"
La position des yeux dans les orbites est donnée par la vision elle-même; par la disposition des images par rapport à la fovéa. Les muscles oculomoteurs ne possèdent pas de capteurs de tensions.
René: "le tout, ajouté aux informations visuelles elles-mêmes (perspective, distance, volume occupé …), est intégré pour donner les coordonnées de l’objet par rapport à la position 0"
La, tu sors du système de perception de soi pour entrer dans celui de la perception de l'environnement. Tout ce qui concerne la vision ne devrait pas être tellement perturbé.
René: "et je sais même que pour les oreilles, alors là c’est fabuleux, avec l’intégration de deux différentielles pourrait-on dire, celle des deux intensités et celle du décalage temporel de la perception … c’est quand même dingue : j’ai aussi l’expression savante : audition binaurale)"
C'est toujours de la perception de l'environnement. Je n'ai jamais vu "audition binaurale", c'est la comparaison (l'intégration) qui est binaurale. Je peux rajouter que l'intégration des intensités sert à indiquer l'élévation de l'émetteur (du son) par rapport à l'azimuth, et l'intégration temporelle la position sur l'azimuth par rapport à la tête.
René: "l’état des articulations devraient passer quelque soit le corps"
Pas forcément. Selon l'utilisation de ton corps, tu développeras plus ou moins certaines zones (un sprinteur développera beaucoup plus le schéma moteur de ces jambes, au détriment, probablement, d'une partie du schéma sensoriel). D'ailleurs, toutes tes suppositions nécessitent que tu prennes des donneurs (donneur-corps, donneur-tête) de corpulence et de gabarit très similaires. La moindre différence de taille va créer de très complexes problèmes de raccordement (en supposant que le raccordement puisse ce faire... ce qui est un peu présupposé). Le problème de nerfs de la main est quelques milliers de fois moins complexe, des fibres peuvent être perdu sans créer de complications trop graves (de toute façon, les mains greffer ne pourront jamais bouger comme "avant").
René: "la question est donc évidemment : ne peut-on voir , éventuellement en la provoquant (mais je ne sais évidemment pas comment) se réactiver cette capacité d’adaptation – ou équivalent -- en cas de greffe d’un membre ?"
Cela touche à ce qu'on appelle la plasticité du cerveau. On sait que, même chez l'adulte, les connexions nerveuses ne sont pas fixes et immuables. Lors d'un apprentissage, il y a un certain remodelage de ce qu'on appelle les "cartes corticales", i.e. les représentations du corps au niveau du cortex cérébral. Seulement, le temps que tu as mis pour que ton cerveau "apprenne" ton corps (donc forme ces cartes) est de près de vingt ans... il est très difficile de croire que l'on tente une greffe qui ne sera fonctionnelle que vingt ans plus tard. (D'ailleurs, ta coupe force la section, entre autres, de deux systèmes extrèmement importants de régulation de la vie: cardiovasculaire et respiratoire. Si le coeur peut, à la limite et dans des conditions non-variables, continuer à maintenir son rythme de manière autonome, il n'en va pas ainsi des poumons. L'interuption de la commande descendante - qui part du cerveau vers les centre respiratoires de la moelle épinière - va annuler complètement la respiration... La greffe aurait intérêt à "prendre" rapidement si on ne veut pas maintenir le patient pendant vingt ans dans un service pour comateux au dernier degré.)
René: "je ne sais pas dans quelle mesure on peut considérer cette localisation comme réellement ponctuelle, autonome, contenant le tout du schéma , bref : sur le mode d’une pièce interchangeable, reconnectable au reste sans problème (théorique)"
La localisation elle-même des "schémas corporels" dans les aires somatomotrice et sensorielle primaires est relativement précise (mais très différente selon les individus, comme la morphologie du cerveau). Toutefois, le nombre de connexions avec d'autres régions du cerveau - corticale ou non - est trop grand pour que l'on puisse apréhender comment se passerait la re-organisation de tout ça.
Je continuerai plus tard.
Jean-François
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