Un peu le vieux concept de la force du verbe, que de dire une chose ou de nommer une entité procure un pouvoir sur la réalité de la chose ou sur le comportement de l'entité. Ce qui est proposé ici c'est qu'un certain nombre de paroles, dans un certain rituel, donne un pouvoir sur dieu lui-même. Qu'on croit en lui ou non, qu'on le vénère ou non n'a pas d'importance, il suffit de prononcer la formule. Ceci nous ramène en fait à un mode de pensée pré-chrétien, pas compatible du tout avec l'idée d'un dieu tout-puissant. Mais on dirait que la prière est un concept assez difficile de nos jours: est-ce une demande, un ordre, un hommage, un échange hommage-bénéfice, une communication neutre, etc. Comme la religion se vend aujourd'hui pour son utilité directe (bonheur, sens à la vie, etc. plutôt que par la peur de l'enfer ou de l'exclusion du groupe social, par exemple) je crois qu'on s'attend de plus en plus à ce que la prière soit une commande, une liste de père noël. Le glissement entre la commande métaphysique (sens), affective (bonheur) et matérielle (santé, fric) est pratiquement immédiat puisque ces niveaux sont interchangeables dans une société de consommation où tout n'est que produit.