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Re:Livres, îles et avions


Re: Livres, îles et avions -- Iosu
Postée par Gaël , Mar 30,1999,20:58 Index  Forum

Aïe aïe...

Je voulais aller dormir après t'avoir écrit ma réponse à propos de Galilée, mais je me sens forcé de réflechir à ce nouveau problème. L'avantage c'est qu'après avoir laborieusement déchiffré ton intervention précédente sur Galilée, je trouve ce nouveau message facile à lire.

Bon, ma réponse sera assez simple et courte, parce que là j'ai le cerveau tout amolli.

Je pense que ton exemple est faussé par le fait que tu ne nous laisse pas le choix. Tu fais du choix de l'ile réelle une question de vie ou de mort. Il ne fait aucun doute que dans cette situation je choisirais l'ile A.
Mais dans le vrai monde, rien ne nous empêche de prendre des décisions absurdes, car nous avons très rarement à faire des choix vitaux. Nous pouvons décider de croire en des choses très improbables, voir vraisemblablement fausses, parce que cette croyance peut nous apporter quelques chose que la réalité ne nous offre pas. Vaut-il mieux être heureux ou avoir raison ? Vaut-il mieux l'exaltation de la naïveté ou la froideur du scepticisme ? Ce septicisme, que nous apporte-t'il finalement ? N'est-ce pas une attitude fondamentalement destructrice qui limite nos possibilités au nom d'une entité que l'on nomme "raison" et que l'on a finalement pas beaucoup de raisons de respecter...

Ceci dit je pense que là où tu veux en venir plus précisément, c'est à la question de la science, des preuves, de la raison et de la logique uniquement du point de vue scientifique, par rapport à une espérance de résultats. Un peu comme cette question que Imre Lakatos avait imaginé un jour pour montrer l'absurdité de l'anarchisme epistémologique de Feyerabend : où est donc l'anarchiste épistémologique qui, par pur esprit de contradiction, sort d'un bâtiment par la fenêtre du cinquantième étage au lieu de prendre l'ascenseur ?
Le problème du choix entre tes deux iles est, en un peu plus subtil, exactement le même que celui du choix entre la fenêtre ou l'ascenseur.
La réponse (grossièrement résumée) de Feyerabend à ce problème dans "contre la méthode" est que nous pouvons simplement decider de prendre l'ascenseur car nous sommes lâches et ne pouvons dominer notre peur des chutes, parce que nous avons été conditionnés à croire fermement ce qui ne peut-être que des rumeurs évidemment non basées sur notre expérience personnelle, rumeurs concernant des rapports sur l'effet fatal des chutes d'une telle hauteur. Mais le fait de contester la raison ne nous oblige pas à nous comporter systématiquement à l'encontre de la raison. Par contre nous pouvons totalement nier que nous prenons l'ascenseur pour obéir aux normes de rationalité, car en fait nous ne prenons l'ascenseur que parce que c'est la seule solution disponible pour un pleutre comme nous qui a peur des fenêtres.
Je suis sûr que Dominic, lui, n'aurait pas hésité à sauter par la fenêtre, et même qu'il se serait envolé.

Je trouve ce genre de petites expériences de pensée très profitables, ça permet de rester sur des choses concrètes quand on a trop tendance à s'élever dans des hauteurs inintelligibles.
D'ailleurs Einstein aussi pratiquait beaucoup ce genre d'exercices.

Salut.

Gaël