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Re:précision, logique, philo, etc.


Re: précision, logique, philo, etc. -- gaël
Postée par Jean-François , Mar 31,1999,14:24 Index  Forum

Il en va de même pour les philosophes. Depuis quand seraient-ils obligés de donner un sens précis à leurs termes ? ... Mais il suffit de lire n’importe quelle ouvrage philosophique hors de ces courants pour se rendre compte que jamais rien n’est défini précisément. J’aimerais bien savoir alors d’où tu tires cette exigence absurde de précision."

De mes discussions avec un étudiant au doctorat en philosophie et de mes cours de philosophie (peu nombreux ou approfondis, j'en conviens), de la conviction (logique?) qu'on ne peut rien faire si l'on a pas déterminer les bases sur lesquels on va construire quelque chose, et de ma méfiance envers ceux qui change leurs discours au gré de leurs besoins (que je ne trouve pas constructifs). Je précise ici que je vois une différence très nette entre essayer de donner une définition à quelque chose et la réussite ou l'échec de cet essai. Je ne nie pas qu'il est impossible d'arriver à une définition parfaite de quelque chose, mais je ne suis pas d'accord avec toi quand tu dis que les philosophes n'essayent pas de mettre une définition la plus précise possible sur les concepts qu'ils utilisent. Que certains "philosophes" disent le contraire (que de définir quelque chose est une utopie), c'est possible, mais pour affirmer cela ils doivent nécessairement passer par des définitions acceptées par d'autres philosophes.

G: "Pour qu’il soit possible de donner des définitions absolument précises, il faudrait partir de l’hypothèse que le langage peut représenter parfaitement la réalité."

Je pense plutôt qu'il faut partir de l'hypothèse qu'on peut exprimer relativement précisément quelque chose avec le langage. Il est évident que les concepts seront toujours difficiles à saisir ou à cerner par une définition, contrairement aux objets. Mais, les concepts doivent avoir une définition, sinon la compréhension (je ne parle pas de compréhension Absolue ou Parfaite) entre différentes personnes n'est pas possible.

G: "Les philosophes utilisent les théories scientifiques par analogie. L’analogie est le meilleur outil de la créativité,..."

L'analogie est plutôt un excellent outils d'exemplification, d'image, que de véritable créativité. Et, un danger provient justement de mal indiquer qu'on est en train de faire une analogie, ou que l'on pose une analogie (et seulement une analogie). Concrêtement, as-tu lu le message d'Axle dans lequel il parle des "qualités magnétiques" de la conscience? Penses-tu qu'il est en train de faire une véritable analogie, ou qu'il mélange des choses différentes? Pour moi, il est clair qu'il ne fait pas une analogie, mais qu'il utilise le terme "magnétique" dans un sens qu'il croit être celui de la science. Et ça, ça fausse complètement son "explication" (de la combustion humaine spontanée) parce que les "qualités magnétiques" ne peuvent pas s'appliquer à la conscience (ou alors, PROUVEZ-LE, expérimentalement et non théoriquement). Ce que Axle fait, des philosophes le font de manière beaucoup plus subtile, mais le fond reste le même: il n'y a pas d'adéquation véritable entre le concept scientifique et se que recouvre le terme dans le langage "philosophique".

G: "alors rien ne t’autorise à dire que cette démarche ne mènera à rien de valable car au contraire, cette démarche s’est souvent révélée fructueuse... Par exemple les idées développées par la linguistique structurale ont été appliquées avec succès à l’anthropologie."

J'aimerai bien savoir en quoi? Plus concrêtement.

G: "La théorie de la sélection naturelle peut servir d’analogie pour expliquer l’évolution des sciences, dans certaines épistémologies."

Il demeure qu'il n'existe qu'un rapport superficiel entre la "sélection naturelle" et ce qui est appelé "l'évolution des sciences", et qu'il faut le faire remarquer... A moins que tu ne pousses l'analogie jusqu'à dire que les sciences possèdent un corps réel et, pourquoi pas, qu'elles possèdent un bagage génétique? Si tu ne pousse pas l'analogie jusque là (et je te comprendrai facilement de ne pas le faire), tu changes la définition de "sélection naturelle" (elle n'est pas naturelle, au fait, puisque toute science est une création humaine; donc le terme ne permet même pas une analogie valable), en l'élargissant à des entités conceptuelles", et tu exprimes ouvertement ce changement. Donc, on sait que tu ne parles pas de "sélection naturelle". Tu parles d'une forme de sélection, oui, mais pas de "sélection naturelle". Et, je suis sûr que ceux qui tiennent une telle analogie font remarquer que c'est une analogie. Sinon ils sont fautifs de ne pas le faire, comme tu serais fautif de prendre un exemple sans dire qu'il ne s'agit que d'un exemple.

G: "Je ne vois pas non plus pourquoi tu voudrais que ceux qui se livrent à de tels glissements renomment les concepts dont ils se servent."

L'analogie sert à donner une piste de réflexion, elle perd tout de suite toute sa valeur. Si tu n'indiques plus que tu as quitté le domaine d'où tu tires ton analogie, tu donnes l'impression que tu restes dans ce domaine ou que tu n'es plus en train de faire une analogie. Contrairement à ce que tu dis, en laissant planer ce doute sur tu perds énormément en "compréhensibilité" (je dirai plus intelligibilité). Tu prends le risque que tes auditeurs ne fassent pas la distinction entre ton analogie (qui n'est qu'une image, un exemple) prise dans un domaine particulier et ton modèle dans son domaine propre. Si toi-même tu ne t'arranges pas pour clarifier ta pensée, pourquoi tes auditeurs le feraient? A moins, bien sûr, que ce soit le but que tu poursuis (je veux dire mélanger tes auditeurs; rendre ton discours moins clair).

G: "Bon, là il faut que tu m’expliques ce que sont les règles de la philosophie... ce ne sont pas les règles de la philosophie, mais les règles de la logique appliquée à la philosophie."

Tu réponds toi-même :-) Il y a forcément des règles, même si elles ne sont pas strictes, même si elles changent. Même si tous les philosophes ne sont pas d'accord sur tout, ils doivent forcément s'accorder sur certains points.

JF: “On ne peut absolument pas reprocher aux scientifiques de n’utiliser que cette hypothèse dans le cadre purement scientifique de leurs travaux. Tout comme, on ne peut pas reprocher aux scientifiques “de refuser toute valeur aux théorie[s] spiritualistes” dans ce même cadre, scientifique”
Pourquoi ? On peut évidemment refuser, dans le cadre scientifique, d’accorder foi à des hypothèses ésotériques qui ne sont passé par aucune des vérifications habituelles de la science."

C'est ce que je dis.

G: "Mais il me semble que ces hypothèses, en tant qu’hypothèses, ont le droit d’être étudiées dans un cadre scientifique autant que n’importe quelle hypothèse matérialiste - si elles prétendent à la scientificité et qu’elles se présentent sous une forme qui permet l’application de la méthode scientifique."

Le problème est que, justement, elles ne se prêtent pas à l'expérimentation. De plus, elles viennent souvent avec un bagage théorique incompatible avec celui de la science. Faire un test pour savoir si l'âme existe suppose que tu crois a priori que l'âme existe (ou n'existe pas, l'important c'est le "a priori"); puisque personne n'a jamais vu d'indice concrêt laissé par une âme rien ne permet de supposer que l'âme existe (ou n'existe pas). La science fonctionne de l'observation de quelque chose de réel (concret) vers la théorie; cette théorie permettant ou non de faire de nouvelles observations (ainsi, même la physique Einsteinienne tire ses origines sur l'observation que les objets tombent; tout comme la mécanique quantique prend racine dans l'observation de la matière). Les hypothèses ésotériques demandent que l'on parte d'une théorie (acceptée comme telle, par pure foi) pour aller vers une autre théorie; il n'y a pas, à aucun moment, de lien avec quelque chose de concret.

G: "Je pense ici à l’astrologie, la parapsychologie, les médecines douces, etc. Et quand des études sérieuses paraissent montrer la réalité d’un phénomène (comme cela semble être le cas pour la télépathie), ..."

Tout tiens ici dans le "sérieux". Aucune étude sérieuse ne soutient la télépathie*, l'astrologie, la parapsycho., les fantômes, etc. Ca se saurait. Le terme "médecines douces" regroupant beaucoup de choses, il y a des trucs qui sont prouvés scientifiquement (généralement parce qu'ils sont triviaux: une saine alimentation est bon pour la santé, moins de stress est bon pour la santé) et il y en a qui ne le seront jamais parce que leur nature ne les rend pas "testables" (le ying et le yang, les "énergies" nébuleuses qui sont supposés faire beaucoup de choses, la "dynamisation" homéopathique ...).

* Depuis le temps qu'on étudie "sérieusement" la télépathie, je suis convaincu que s'il y avait là un phénomène intéressant à observer, il aurait déjà eu un impact sur notre vie de tout les jours. L'ADN a été découvert il y à moins de soixante ans on est déjà rendu à parler de clonage et de thérapie génique. Les patrons centraux générateurs de rythme (réseaux de neurones dans la moelle épinière qui sont responsable de la locomotion) depuis moins de vingt ans, et on entrevoit la possibilité de faire re-marcher des paraplégiques. On étudie "scientifiquement" la télépathie depuis près de cent ans et on en est toujours à discuter sur la réalité de très faibles taux de "réussite" (faibles écarts par rapport à la moyenne, pas toujours significatifs). Parlez-moi d'un phénomène "observable"...

G: "l’hypothèse a le droit de ne pas être constamment tournée en ridicule par les matérialistes sous prétexte qu’elle n’est pas compatible avec leur vision du monde."

Je trouve minable cet "argument" qui consiste à dire "la science officielle nous brime". Si quelqu'un dit qu'une démonstration est scientifique, ou que les conclusions d'une expérience sont scientifiques, il faut qu'il fasse la preuve qu'il fait vraiment de la science... et qu'il accepte, le cas échéant, qu'on lui dise en quoi son expérience (ou son hypothèse, ou sa conclusion) n'est pas scientifique.
La majeure partie des scientifiques ne "tournent pas en ridicule", a priori, les hypothèses ésotériques. Seulement, elles ne leur apparaissent pas scientifiques et ne justifient pas forcément qu'on tentent des tests pour prouver leur Évéracité". Par contre, quand quelqu'un dit que son hypothèse (ésotérique ou non) a été démontré scientifiquement, là il doit supporter la critique scientifique sans se sentir opprimé (c'est lui qui l'a voulu). Et, s'il persiste à ne pas prouver scientifiquement que son hypothèse est véritablement avec la méthode scientifique (ce qui suppose écouter et comprendre la critique) tout en s'entêtant à clamer que son hypothèse est vraiment scientifique, alors là il s'expose aux quolibets, que son hypothèse soit ésotérique ou non.

Jean-François