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Re:Rex:Pseudosciences : le phénomène de société.


Re: Rex:Pseudosciences : le phénomène de société. -- Jean-Francois
Postée par Ch.Bertrand , Aug 12,2000,12:24 Index  Forum

« Globalement, les pensées sont de moins en moins uniformes, en partie à cause de ce que tu dis en 3). La seule autorité uniformisante que je peux voir, c'est le libéralisme »

- En fait, tu m'y fais penser, n'y a-t-il pas déjà sinon une nouvelle autorité comme telle, du moins une nouvelle pensée uniformisatrice plus large que le libéralisme, soit « la vision planétaire » ? Elle a ses bons côtés écologiquement parlant, mais aussi son aspect ou son cousin nouvelâgeux en cette conception animiste de la Terre représentée par le concept de Gaïa, qui fait voir la planète comme un organisme vivant, cela au sens plus ou moins littéral. S'il fallait un jour que ce concept de Gaïa devienne la nouvelle vedette du discours pseudoscientifique ou nouvelâgeux, le scepticisme en aurait peut-être plein les bras.

« D'un autre côté, je me demande si l'apparition d'une "nouvelle autorité" est forcément souhaitable ? »

- Peut-on ou pourra-t-on s'offrir le luxe de ne pas en constituer une ? Mais je préfère plutôt penser (et rêver à) un consensus « sceptico-scientifique » (plutôt qu'à une autorité, le terme autorité comportant pour certains l'idée d'une coercition), et un consensus pas nécessairement conscient ou explicite, qui permettrait sinon de hiérarchiser, du moins de décrire et classer les concepts et modes de pensée nouvelâgeux, et d'offrir cette description au bon jugement du plus grand nombre.

Exemple concret : je me trompe peut-être, mais le discours écologique est souvent (voire de plus en plus) teinté d'un animisme à saveur nouvelâgeuse. Si un jour ce discours, dans sa dimension planétaire, prend devient aussi nettement populaire que peuvent l'être l'astrologie ou l'homéopathie, il faudra bien un consensus opposé d'une ampleur égale pour y faire voir le bon grain et l'ivraie.

« Que les idées théoriques aient plus de valeur que la réalité vécue. »

- Si on synthétise (en coupant peut-être un peu court), n'y a-t-il pas en fait deux types de réalité vécue ? La réalité vécue personnelle, autrement dit le mot expérience au sens d'« expérience personnelle », et la réalité vécue collective, soit les résultats les plus évidents et couramment admis de l'observation empirique ? Je dis cela parce qu'il me semble que pour un raélien, l'expérience personnelle est aussi importante que l'appareil théorico-idéologique.

C'est en fait à cela que je pense lorsqu'on j'évoque le recul de l'empirisme : les réalités vécues personnelles (disons, maladroitement mais pour pour être clair, les « empirismes personnels »), égalitarisme aidant, sont mieux vues que la réalité vécue collective dans ce qu'elle comporte de plus spontanément évident pour le plus grand nombre.

Et tu donnes un piste pour expliquer que la science n'est plus tout à fait le leader pour contrebalancer cela : elle ne se met en effet en évidence que lorsqu'elle a des résultats tangibles.

Et de surcroît (ici je poursuis à partir de ton idée), ses champs de recherche, sauf grossière méconnaissance de ma part, n'ont que peu ou pas du tout à voir avec les champs des expériences personnelles du nouvel âge, le plus souvent, j'imagine, pour l'évidente raison que ces expériences personnelles ne se prêtent pas ou pas toujours à la vérification expérimentale.

Exemple : un tel est persuadé que le tunnel de lumière et l'univers qu'il a vu alors qu'il était entre la vie et la mort est un univers parallèle aussi concret que la réalité de tous les jours ; une Susan Blackmore va habilement expliquer le phénomène en fondant une spéculation scientifique sur des observations physiologiques. Mais il y sûrement bien d'autres prétentions basées sur des expériences personnelles qui au mieux n'auront comme contrepoint qu'une spéculation scientifique beaucoup plus ténue que la précédente.

Bref, entre la théorie (comprise et intégrée par une minorité) et la réalité vécue (mode de connaissance de la majorité des gens), il y a une passerelle trop peu construite, entretenue et véhiculée par la science, celle de la spéculation scientifique. Et il me semble que le nouvelâge profite largement de ce manque.

Si je ne m'abuse, en fait, je ne fais ici, en partie, que reformuler ce que tu mentionnes : « Le problème c'est qu'alors, les résultats/explications échappent à nos sens et à notre réalité, ce qui les rend tout aussi valables que d'autres explications qui sont, elles, totalement dénuées de relation avec la réalité. »

Et encore, me semble-t-il, y a-t-il une autre cause à cette vision élevée de la réalité vécue personnelle : la flagornerie (pour reprendre ici l'idée avancée par P. Thiriart). On vit dans une société beaucoup plus individualiste qu'avant, où le moi est vigoureusement caressé. Aussi est-ce normal qu'un rationalisme limité ou destructeur comme celui des skinheads que tu mentionnes soit senti par ceux qui l'ont comme aussi valable qu'un rationalisme plus largement partagé par la société : nous encourageons nous-mêmes cela, serait-ce par inadvertance, et le nouvel âge, renchérit, avec par exemple l'idée qu'on a tous un Mozart en soi, et en y ajoutant le déguisement de la science.

« La rationalité pure et aveugle ne doit pas être le seul moteur du regard que l'on porte sur les choses. »

- Je suis tout à fait d'accord. On aura compris par ce qui précède que par autorité ou concensus, je ne parlais nullement de scientisme ou d'un scientisme excessif.

Ch. Bertrand