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Re17:Caractère absolu de la morale


Re: Re:Re:Re:Re:Re:Re:Re:Re:Re:8Caractère absolu de la morale -- Sébastien
Posted by Stéphane , Sep 28,2000,18:09 Index  Forum

On commence à tourner en rond, là. Absolu=s'applique sans égard aux circonstances ou conséquences. Or, les «considérations religieuses» que tu rejettes, il y a pas plus «absolu» que ça! Ou du moins, c'est une «saveur» d'absolu, ce qui démolit immédiatement ton hypothèse par un paradoxe incontournable.

Pour ce qui est de l'acte de tuer, pas besoin d'aller dans des sociétés exotiques. Le Canada a récemment bombardé le Kosovo et la Serbie, et bien qu'on ne visa pas directement des civils, on savait parfaitement qu'il y aurait des «pertes colatérales». On l'a tout de même fait parce qu'on poursuivait un plus grand bien (qu'on soit d'accord ou non, là n'est pas la question). Tu vois donc que le droit à la vie est relatif, et qu'il y a bien des situations où il peut mener à des difficultés où il faut trancher: peut-on tuer pour sauver d'autres? Quand un policier tire sur un malfaiteur, on dit qu'il l'a fait pour nous protéger. Ne peut-on pas en conclure qu'on peut juger l'acte de tuer comme légitime ou illégitime qu'en tenant compte du contexte?

Mais, des fois, je ne crois pas qu'on soit entièrement en désaccord. Parce quand tu dis que la morale est «absolue», tu décris souvent cet absolu comme je décrirais le contraire. Par exemple: tu écris que la morale est justifiée par son but. Je ne m'y opposerai pas, car ceci n'est pas une discussion normative mais bien une exploration des faits. Pourtant, une morale utilitariste, qu'elle soit souhaitable ou non, n'est pas absolue. En fait, c'est beaucoup plus relatif que mon idée personnelle de la morale.

Deuxième exemple: tu sembles baser ta morale absolue sur des faits empiriques, comme l'égalité présumée de l'homme et de la femme. Or, une morale empirique n'est pas une morale absolue. En fait, c'est probablement même pas une morale! Il n'y a pas de précept normatif que je connaisse qui puisse être directement et indiscutablement tiré d'un fait ou d'une série de faits empiriques. C'est malheureux, mais c'est comme ça. La moralité se joue au niveau de l'action volontaire. Or, il n'y a pas de raison fondamentale et incontournable de dire que l'action volontaire doive suivre des conclusions empiriques. On peut parfaitement agir contre la nature, et on le fait tous les jours dans nos hôpitaux.

En fin de compte, tu utilises le mot «absolu» au lieu de «idéal» ou «indiscutable» ou «universellement juste et bien indépendemment de l'universalité ou non de sa pratique». Dans ton second paragraphe on dirait même «autoritaire». Écoute, je travaille pour Amnistie internationale depuis 10 ans, et la majorité de ce travail implique des tentatives répétées d'imposer des standards de décence et d'éthique de base dans des pays où on nous réplique constamment que ceci équivaut à de l'impérialisme culturel. Ma position n'est donc pas qu'on peut faire n'importe quoi. Par contre, je ne prétends jamais détenir la morale absolue. Pourquoi? Simplement, parce que lancer des préceptes sans égard à la culture dans laquelle ils doivent s'imbriquer c'est s'assurer l'échec. Pourquoi ceci serait-il le cas si la morale était effectivement absolue? La seule façon de s'en tirer est de décréter qu'on a raison envers et contre tous. C'est un pas énorme que je ne suis pas prêt à faire et que je trouve dangereusement arbitraire. C'est aussi risquer la complaisance et la sclérose éthique.

Ne peut-on pas être raisonnablement sûr d'avoir raison sans en appeller à l'absolu, mais plutôt en en faisant une démonstration rationnelle?

Je suis certain que si on entrait dans les détails on s'entendrait presque parfaitement sur ce qui est juste. Mais là n'est pas la question. Moi je te dis qu'on s'entendra non pas parce qu'une idée objective, uniforme et invariable de la moralité existe, mais simplement parce que nous sommes de la même culture. Cette hypothèse, en plus d'être économe et simple, est également largement supportée par la recherche.


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