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Caractère idéal de la morale


Re: Re:Re:Re:Re:Re:Re:Re21:Caractère absolu de la morale -- Florence
Posted by Stéphane , Oct 03,2000,09:31 Index  Forum

Cette discussion est intéressante, car elle nous permet d'exercer notre scepticisme sur des sujets souvent «tabous». Comme je le disais à je ne sais plus qui, même les plus grand sceptiques sont souvent des crédules qui s'ignorent: ils n'hésitent pas à prendre pour indiscutables une série de faits sociaux interprétés à la sauvette ou simplement généralement acceptés (les anglos disent «folk psychology» «common sense» ou «popular wisdom»).

Enfin, pour en venir au sujet, la réponse est non, l'idéal n'est pas universel. Disons tout de suite que le concept et la possession d'idéaux est certainement très répandu, mais pas le contenu. Tout le monde comprend très bien qu'il y a des idéaux, qu'il devrait y avoir des idéaux, qu'on perd nos idéaux, qu'il y a une «dérive des valeurs» etc. autrement dit il y a tout un discours très répandu qui met les idéaux, les valeurs, etc. bien en vue. Là où tout s'écroule, c'est à la confrontation sur le contenu: quels sont ces idéaux, au juste? Et il faut noter que dans ce genre de question une simple *nuance* peut avoir des effets pratiques hallucinants. En fait, on n'a qu'à ouvrir un journal pour s'apercevoir que les gens qui se tapent dessus le plus fort sont généralement ceux qui se ressemblent le plus. Comme si l'importance pratique de ces nuances culturelles était inversement proportionnelle à son importance sémantique/conceptuelle.

On pourrait facilement aller plus loin: en fait, bien qu'en macro sociologie ce qu'on étudie c'est à toutes fins pratiques un troupeau de gens faisant la même chose au même moment de façon parfaitement prévisible, en micro on s'aperçoit que même les communications les plus simples sont difficiles, cad que les idéaux (entre autres choses) sont probablement impossibles à communiquer d'une personne à l'autre sans modification. En fait, l'expérience quotidienne nous montre qu'on ne s'entend jamais parfaitement avec qui que ce soit qu'en s'assurant de ne discuter de rien.

Évidemment on pourrait en tirer la conclusion que l'être humain est faillible et donc que les désaccords sur les idéaux sont simplement le produit d'erreurs. C'est un point de vue assez périmé, dont je ne discuterai pas parce que ce n'est pas nécessaire: pour juger d'une erreur il faut comparer à autre chose, et tout ce qu'on a sous la main, c'est nous-mêmes. Il est donc inutile, en pratique, de postuler des erreurs objectives impossibles à identifier. Ce serait comme jouer et «gagner» une partie de bataille navale sans jamais savoir ce qui se passe de l'autre côté.

C'est pourquoi je disais à Sébastien que tout rentrait dans l'ordre en qualifiant la morale d'idéal plutôt que d'absolu: une des caractéristiques principales de l'idéal est d'être propre à celui qui a l'idée. On peut bien identifier des idéaux de groupe ou nationaux etc. mais il faut comprendre que chaque individu en aura sa version personnelle. Mais justement, ce qui est intéressant dans la démocratie c'est la confrontation des idées et les conflits pratiques, et pas les consensus sclérosés, boîteux et pleins de cataractes auxquels nous arrivons parfois. Enfin, ça c'est mon point de vue mais le fait est qu'on ne peut pas idéaliser la démocracie pour démontrer la possibilité d'atteindre un idéal théorique. C'est pas logique.



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