Mirages a écrit : 20 nov. 2022, 18:04
Challenges.fr a écrit :Pour comprendre ce magnifique raté, il faut se plonger dans le passé. Le dernier des 58 réacteurs français, celui
de Civaux, est livré en 1996. Pendant dix ans,
la filière est à l’arrêt. Les techniciens -soudeurs, chaudronniers, tuyauteurs, robinetiers etc.- partent à
la retraite [et ça a aussi été le cas des projeteurs, ingénieurs d'études et Responsables techniques]
EDF et les électriciens allemands. "Il fallait satisfaire les deux autorités
de sûreté nucléaire, raconte un témoin du programme. C’était d’autant plus compliqué que le ministre
de l’Environnement allemand
de l’époque était écologiste. Résultat, le prototype, ultra sécurisé, requiert quatre fois plus d’acier, deux fois plus
de béton." Le réacteur grossit, le prix
de l’EPR s’envole.
Je confirme ce point. Il découle aussi d'un manque
de compétence dans le management et le maintien des compétences. Ce problème a effectivement été agravé par une longue période d'inactivité dans
la fabrication
de centrales nucléaires nouvelles (et d'autres aspects non techniques, sujet à débat, dont l'évocation n'aurait pas d'effet favorable) et quelques autres erreurs
de management, en particulier :
- un appel excessif à la sous-traitance, bien pratique pour faire face aux fluctuactions de charge, mais néfaste à la capitalisation des savoirs et des savoir-faire.
.
- Le choix de faire des économies en supprimant toute hiérarchie intermédiaire (des gens d'expérience, coachant de petites équipes de 5-6 personnes, en apportant leur support technique, leur oeil aiguisé et en les aidant à progresser), bref un organigrammen avec d'énormes rateaux avec un chef (qui plus est pas toujours techniquement compétent) responsable de 20 à 50 personnes auxquelles il ne risque pas de transmettre un savoir faire que parfois, de toute façon, il n'a pas, ni non plus en mesure de vérifier la qualité de ce qui est produit, s'occupant exclusivement de 2 critères, le coût et le délai (ou plutôt ce qu'il en comprend, pas grand chose s'il n'a pas été bien choisi).
Evidemment, au bout de quelques années, coûts et délais explosent et la qualité se dégrade considérablement car la courroie de transmission des savoir-faire a été coupée. Ce problème est agravé par l'émergence de nouvelles techniques, de nouveaux produits et de nouvelles exigences.
.
- Une insuffisance, et parfois une absence d'action de formation/transfert de compétence en accompagnement des départs à la retraite.
.
- Une tendance à bombarder, pour les fidéliser, de jeunes ingénieurs à des postes de management avant qu'ils aient acquis la maîtrise technique et le métier des activités et des équipes dont on leur confie le management.
.
- Une tendance à valoriser les fonctions de management global par rapport à la compétence technique. C'est lié au fait que le niveau technique ayant été correct (dans le passé) celui ci ne posait pas de problème critique et donc semblait être quelque chose d'acquis, donc pourquoi le soigner ? On voit maintenant ce qu'il se produit quand on perd de vue la nécessité de veiller à la capitalisation des savoirs et des savoirs faire et d'accorder de l'importance à la compétence technique.
.
- une évolution à caractère générationnel. La culture de la rigueur et du travail bien fait, s'est un peu perdue. Le travail est parfois considéré comme une activité intéressante seulement pour faire bouillir la marmite. La rigueur, l'auto-contrôle et la fierté du travail bien fait, quel que soit ce travail, ont parfois un peu perdu de leur vigueur.
.
- Une spécialisation excessive des grands donneurs d'ordre dans "le faire faire" en laissant systématiquement "le faire" à la sous-traitance. C'est rentable à court terme, tout particulièrement quand le grand donneur d'ordre est en position de force et en profite pour mener une gestion de la sous-traitance de type maître-esclave, mais à terme, le grand donneur d'ordre perd tellement la compétence de faire qu'il devient peu à peu inapte à savoir juger si un sous-traitant est moins cher parce que qu'il est meilleur ou parce qu'il est moins bon (et donc pas en mesure d'identifier les difficultés techniques, voir les infaisabilités, du contrat auquel il propose son offre technique en réponse).
La stratégie de gestion de la sous-traitance de type maître-esclave, au lieu d'une relation de confiance et de partenariat, devient peu à peu une stratégie perdant-perdant (et le diagnostic de cette erreur tarde trop à venir).
Challenges.fr a écrit :Pour 2030, l’électricien veut que les EPR soient moins chers que les énergies fossiles, charbon et gaz. EDF pense pouvoir diminuer les coûts
de 30% pour atteindre à terme un prix situé entre 60 et 70 euros le MWh. Il ne reste plus qu’à s'y mettre.
D'une façon générale, pour atteinde un objectif aussi louable soit-il, il ne faut pas se contenter d'incatations ou d'a priori fondés sur telle ou telle croyance ou encore d'objectifs louables mais irréalistes car incompatibles avec le délai disponible (genre changement profond
de société au lieu d'un petit nombre
de modifications efficaces et bien choisies), il faut s'informer, écouter, dialoguer, se former, travailler, analyser, recouper, soigner l'économie
de moyens et l'efficacité (on n'a pas
de temps et nos moyens sont limités, donc pas
de gaspillage), y compris en matière
de communication car il faut :
- apprendre à motiver et à convaincre,
.
- apprendre à changer d'avis sur des points relativement auxquels on a été longtemps convaincu d'une vérité indiscutable quand les faits nous montrent que, finalement, nous avions tort,
.
- apprendre comment parvenir à limiter l'effet des messages :
- négatifs (les ignorer ou encore y répondre plus tard dans un message non directement adressé à l'émetteur me semble être souvent une bonne solution)
.
- ou, moins grave mais difficile quand même en cas d'ancrage culturel profond, des messages tendant à se focaliser sur les causes (pas toujours correctement hiérarchisées d'ailleurs) plutôt que sur les solutions.
Un point crucial est
de ne pas se leurrer sur son niveau
de compétence. Il est bien moins grave, et peu fréquent
de toute façon,
de le sous-estimer que
de le surestimer. Il faut éviter
de se lancer trop tôt dans une action, quelle qu'elle soit, sans savoir si on en a les compétences et si les plus induits vont dépasser les moins quand l'enjeu est d'importance.
On ne doit pas s'autoriser à être superficiel, inconséquent, mal informé ou déformé par des biais
de sélection dans ses jugements ou son recueil d'information ou encore maladroit quand on s'aventure sur un sujet sociétal à fort à enjeu. On n'en a pas le droit.