L'entretien prétend traiter de deux sujets : l'importance de la science (et de sa vulgarisation) et la nécessité de développer la pensée critique. On a droit a un exposé particulièrement mièvre de la part Barrette qui tente d'expliquer et de justifier notre naïveté par une considération empruntée à la biologie (en évitant d'expliquer comment ces caractères; même s'ils étaient vrais, et ils ne le sont pas, seraient-ils transmissibles). Ensuite, on fait un sophisme en disant que les émissions de science permetten aux gens intéressés par la science à satisfaire leur soif et ainsi, (et c'est là que ça ne tient pas la route) ces émissions favorisent la pensée critique. On apprend que Chastenay a une émission scientifique diffusée au même réseau (Télé-Québec) et que Barrette a publié un nouveau livre.
D'entrée de jeu, Chastenay dit que la plus grande distinction entre les sciences et pseudo-sciences est que la science se remet en question, s'améliore et avance, tandis que les pseudo-sciences ne remettent jamais leur savoir ancestral et millénaire en question.
Je décroche avec ces sceptiques (scientifiques ou non) qui, au lieu d'entrer dans les pseudo-sciences et les démanteler, font les paresseux et se limitent à leur attribuer un prestige qu'elles n'ont pas. Un savoir ancestral, les pseudo-sciences ?
Est-ce que Andrée D'amours se base sur des vieux manuels d'astrologie datant de la Renaissance (ou d'avant) pour faire ses prédictions ? Non! Elle se base sur quelques notions d'astrologie populaire de mouture moderne, et du reste, improvise largement sur les thèmes qui y sont développés. Même chose pour tous les faiseux d'astrologie de la planète, qui publient des colonnes dans les journaux, etc. Ils n'ont pas le nez dans des grimoires du 16e siècle.
Est-ce que la dianétique de Ron Hubbard (scientologie) se base sur un savoir ancestral ? Non, c'est un ensemble de conneries lancées ensemble, avec jargon emprunté ici et là à la psychiatrie et à la science.
On pourrait faire le tour de toutes les pseudo-sciences et ressortir avec le même constat : les pseudo-sciences qui ont beaucoup d'adeptes aujourd'hui ne s'appuient sur AUCUN savoir, ancestral, révolu ou non. Elles s'appuient sur des impostures et des fabulations, souvent vieilles d'un siècle ou deux, au plus.
Voilà entre autres ce qui différencie les pseudo-sciences des sciences. Pas juste la faculté de se remettre en question. Pas juste la méthode. Et la méthode, c'est aussi la cohérence. Pas juste la remise en question.
Barrette affirme dans son livre que notre penchant naturel n'est pas la rationalité, mais la crédulité. Je ne comprends pas ce qu'a Barrette (et d'autres Sceptiques du Québec officiels du même âge) à vouloir tout expliquer avec 3-4 applications très grossières de la théorie de l'évolution.
On sait que la sélection naturelle, combinée à la diffusion génétique et à la théorie sur les mutations génétiques, peut expliquer l'évolution de caractères héréditaires. Mais ici, Barrette nous dit que si la pensée critique a si peu de succès, c'est entre autres parce que l'être humain est programmé, comme résultat de son évolution, à être crédule. Il se base sur quoi ? C'est une petite théorie de gérant d'estrade.. Ce n'est pas naturel !, dit-il. Rien d'autre qu'un appel à l'autorité, cette dérobade.. un vieux sophisme.
Son premier argument est que l'enfant naît crédule, et que cela lui permet d'apprendre. S'il ne pouvait pas croire, il n'apprendrait rien. De quel type d'apprentissage est-il question ? Pas besoin d'être crédule pour apprendre à lire. Les mécanismes cognitifs qui entrent en ligne de compte quand une maman punit son fils qui fait quelque chose n'ont rien à voir avec la crédulité! Ce sont des trucs très élémentaires : punition, récompense.. C'est ainsi qu'on apprend ce qui nous permet de survivre : se tenir loin des sources dangereuses de chaleur, des hauteurs... Apprendre une technique, comme additionner des pommes, ne nécessite pas de suspendre son sens rationnel et d'être crédule. Ça demande de la patience, c'est tout. Oui, les enfants sont crédules (père Noël, etc), mais cela ne résulte que de leur manque d'expérience. C'est souvent temporaire.. et c'est nullement un facteur déterminant dans leur survie, ni même historiquement.
Barrette dit ensuite que ce qui nous permet d'apprécier la fiction est cette crédulité. Pas d'accord.. La crédulité permet d'apprécier, disons, la série télévisée sur les Lavigueur tout en pensant : wow, c'est comme ça que ça s'est passé. Mais pas d'apprécier le Seigneur des Anneaux (le livre, ou le film). Est-ce scientifique, est-ce du domaine biologique de dire que la crédulité est responsable de notre plaisir à aller au théâtre ou au cinéma ? Est-ce que les joueurs d'échecs sont crédules car ils se représentent parfois qu'un cheval mange un roi ?
Barrette en rajoute plus tard en disant que l'esprit critique ou rationnel va à l'encontre de notre nature animale ! Ça ne va pas plus à l'encontre de notre nature que le sudoku, se couper les cheveux, pratique un art ou faire du tricot. Avez-vous déjà vu un singe peindre ? Faire des opérations mathématiques ? C'est facile à dire que telle chose va à l'encontre de notre nature animale, car celle-ci est définie en regardant ce qui nous sépare du singe.
Barrette identifie à nouveau cette crédulité à l'émerveillement, et parle d'un émerveillement discipliné chez le scientifique. Qui a besoin de discipline pour s'émerveiller devant un paysage ? Je me considère comme rationnel et ayant l'esprit critique, je suis scientifique, et pour moi, rien de ces "facultés sceptiques" ne me semble contre-nature ni nécessite de la discipline. Si j'ai l'esprit critique, c'est parce que je n'aime pas me faire avoir. J'ai moins de plaisir si je me fais avoir. J'aime avoir du plaisir. Avoir du plaisir est plaisant. Pourquoi construire des théories sans queue ni tête ?
Chastenay dit que ceux qui les premiers à constater que certains fruits dans les arbres et oiseaux apparaissaient en même temps et aux mêmes endroits étaient crédules !! Pas du tout. Appelons ça essai et erreur, appelons ça curiosité. Tu vois des oiseaux s'attrouper, tu t'en vas voir ce qui se passe.. y a des couleurs, du bruit, tu vas voir. Y a des chances que tu penses manger les oiseaux. Et tu vois des fruits.. t'en ramasses. La prochaine fois que tu vois des oiseaux au loin, tu re-vas voir! Y a des bonnes chances qu'il y ait des fruits. C'est tout!! Aucune crédulité là-dedans. Y a pas de "ah tiens, c'Est un signe de dieu, je vais aller voir". C'est de la curiosité, de l'essai et erreur, du tâtonnement, rien d'autre. Ils ne s'interrogeaient pas nécessairement sur la cause ou l'effet. C'est rationnel d'aller là où il y a de la bouffe. Ce n'est pas la recherche de coïncidences. Ça n'a rien à voir avec les coïncidences dans lesquelles certains zozos peuvent voir des signes du destin.
La naïvité qui pousse une personne a appeller à une ligne 1-800 à 2h du matin pour commander un bracelet porte-bonheur n'a rien à voir avec l'ingéniosité des premiers singes-humains qui ont établi des correspondances entre la présence de certains fruits et d'oiseaux dans les arbres. Le raisonnement inductif et la stupidité n'ont rien en commun.
Marie-France Bazzo demande, avec le charmant ton sautillant qu'on lui connait :
La réponse est facile : si ça ne nous intéresse pas, c'est justement parce qu'on n'a PAS besoin de la science sans arrêt. Je sais ce que Marie-France pense : on est plongés dans un mode qui dépend de la science, de la technologie de plus en plus . Justement, Marie-France, tout est fait pour qu'on n'ait pas besoin de savoir comment ça marche pour se servir de quoi que ce soit. Pas besoin de connaître les circuits intégrés pour utiliser un iPOD. Pas besoin de connaître la biologie pour se guérir d'un mal. Pas besoin de conaître la physique pour démarrer sa voiture. Même pas besoin de connaître la programmation pour utiliser un ordinateur. La réponse est dans la question. On n'a jamais besoin de la science à moins de travailler dans un domaine relié à la science, voilà la réalité.Marie-France Bazzo a écrit :Nous avons besoin de la science sans arrêt, dans no-tre monde. Comment se fait-IL que l'on soit SI peu armé, et que ça nous intéresse SI peu à l'école mais comme citoyen tout au long de no-tre vie ?
Or Chastenay y va d'une longue réponse qui commence en s'offusquant et niant énergétiquement : "non non, pas du tout !!!". Il mentionne une enquête de 2002 selon laquelle les citoyens sont intéressés par les questions de sciences, mais ne trouvent pas, entre autres dans l'entourage médiatique, assez de ressources. Examinons ce que ça veut dire.
Plus tôt dans l'émission, Chastenay prend la peine de spécifier que la science n'est pas qu'un ensemble de connaissances, théories et lois, mais que c'est une faqçon d'aborder le réel avec le doute, ce qui permet de séparer ce qui est vrai ou non dans le fonctionnement de la nature. C'est en ce sens qu'elle peut aider à développer la pensée critique et vice-versa. Mais est-ce cet aspect de la science qui intéresse les citoyens de l'étude? J'en doute. J'ai l'impression que ce qui intéresse, dans l'étude que rapporte Chastenay ici, ce sont les dinosaures, les catastrophes naturelles, la découverte du cosmos, le clônage.. tout ce qui est sensationnel et possible. C'est bien, je ne m'en plains pas. Mais ce n'est pas ce genre d'intérêt qui amène nécessairement à connaître la méthode scientifique et appliquer la pensée critique. C'est un intérêt vers les résultats sensationnels. Bref, les gens ne sont pas plus intéressés à apprendre à penser scientifiquement. La science fascine plus qu'elle n'intéresse, et ce qui intéresse n'enseigne pas beaucoup, si ce n'est que pour nous avoir délogé de nos vieilles conceptions anthropiques (la position de la terre dans le système solaire, de celui-ci dans l'univers, le long processus de l'évolution, l'âge de la terre, etc!). Ce n'est pas en voyant des simulations de comètes qui s'écrasent sur des planètes (de type reportage BBC traduit à Découverte) qu'on développe la pensée critique.
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Je trouve horrible le fait que ces deux clowns s'improvisent porte-paroles de l'esprit critique et de la science, et que du fait même on regroupe dans le même panier science et Sceptiques du Québec. Ces gens là ne peuvent pas représenter le scepticisme, et encore moins la science, sans dévider leur petite socio-biologie à la con, faute d'avoir découvert quoi que ce soit de scientifique ou de vaguement utile.