@ lldefonse :
Vous pouvez y croire, mais non prétendre que votre croyance est vraie. vous ne détenez pas l'information objective selon laquelle la licorne rose invisible existe, et votre croyance n'engage alors que vous et ne doit pas influer sur vos travaux de recherche si vous êtes chercheurs, ni conditionner une idéologie politique si vous êtes politicien, etc. Effectivement, l'irrationnel a généralement à voir avec l'imaginaire, mais c'est le cas de toute représentation. ne pas se référer à l'imaginaire est justement ma démarche, et cela conduit à refuser également toute image négative (représentation d'un monde qui serait nécessairement sans l'objet dont il est question). Je préfère de loin la prudence consistant à prendre mes représentations pour ce qu'elles sont : des représentations subjectives et non des connaissances objectives. Dès-lors je ne peux ni affirmer ni infirmer l'existence de dieu (je n'y crois pas mais ça n'engage que moi), de l'âme (j'aurais tendance à y croire mais ça n'engage que moi, et je ne sais absolument pas si elle est immortelle ni ne connait rien de sa nature) ni de quelque autre objet métaphysique. Ce sont des questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre, et tout avis à ce sujet demeurera pure spéculation totalement subjective en l'absence de faits objectifs dont nous ne saurions disposer.
@ Jean-François :
C'est ce qu'il me semblait, et je vous remercie pour ces éclaircissements : vous faites la promotion d'une attitude scientifique, mais non sceptique à strictement parler. Effectivement dans ce cadre, la plupart de mes objections ne tiennent plus. Je défends quant à moi un scepticisme philosophique, stricto sensu, ce qui signifie la suspension du jugement lorsqu'on n'a de preuve ni d'une chose ni de son contraire. En ce sens, « ceux qui ne croient pas en l'âme parce qu'il n'existe rien (pas de fondement rationnel) pour l'étayer » sont tout à fait sceptiques, en revanche, ceux qui affirment comme un savoir et le présentent à autrui comme un fait objectif, le fait que l'âme n'existe pas, sortent d'un cadre purement sceptique.
Si ma défense de l'âme vous paraît confuse, c'est qu'il ne s'agissait pas d'argumenter en ce sens en réalité : je prévenais en effet quelques objections d'irrationalité de la croyance qui ne tiennent pas la route, mais mon propos n'est aucunement n'est de défendre la thèse de l'existence d'une âme immortelle, thèse indéfendable (autant que celle de sa non existence) : on peut croire ou ne pas croire, mais on ne peut avoir aucun savoir objectif concernant ce fait sans sortir d'un cadre sceptique.
C'est quoi le rapport entre l'âme et la pensée? Plus précisément: comment savez-vous que l'âme est responsable des pensées? Vous n'en savez rien à mon avis.
Exact : je n'en sais rien, et ne prétends justement rien en savoir. Je voulais simplement indiquer que la thèse de l'existence d'une âme immatérielle, non causée par le cerveau, n'est pas en soi irrationnelle, ce qui ne donne aucune raison sérieuse d'y croire. Mais la seule manière de démontrer la fausseté de cette thèse serait un raisonnement objectif sur un fait qui formellement invaliderait cette possibilité. Malheureusement, ou heureusement selon les points de vue - personnellement j'aimerais savoir – l'on ne dispose pas d'un tel fait.
Quant à dire que « c'est bien joli l'expérience personnelle, mais très subjectif et conditionné par ce qu'on ignore » c'est justement tout mon propos.
Je connais partiellement le fonctionnement du cerveau mais j'avoue que ce n'est pas ma spécialité, contrairement à l'esprit. Merci de vous soucier de ma connaissance de l'âme : il se trouve que le raisonnement sur ces questions fait partie de ma formation et de ma profession, et que je n'ai nulle part affirmé que l'âme causait la pensée ni même que quelque chose comme l'âme existait, bien au contraire puisque tout ce que j'ai affirmé à propos de l'âme, c'est qu'on ne peut rien affirmer à son sujet ! De plus, il est clair qu'il s'agit d'une notion confuse ayant reçu de nombreuses définitions contradictoires, comme souvent en métaphysique.
Tenez, expliquez-moi quelque chose: Si on présente à certaines personnes qui ont subi une lésion du corps calleux (un grand faisceau d'axones reliant les deux hémisphères cérébraux) un objet de manière à ce que celui-ci ne soit visible que dans le champs visuel gauche, ces personnes sont capables de pointer dans la direction de l'objet mais incapables de le nommer. Si on présente l'objet de manière à ce qu'il soit visible dans les deux champs la personne est capable de nommer l'objet. L'explication scientifique est que la perception de l'objet est faite au niveau de l'hémisphère droit (qui analyse le champs visuel gauche) mais que les échanges entre les deux hémisphères ayant été interrompu, l'information traitée du côté droit ne parvient pas aux aires, situées du côté gauche, qui servent à la vocalisation (autant donner un nom que l'énoncer verbalement). Comment expliquez-vous ça, par votre histoire d'"âme"?
Encore une fois, mon propos n'est pas de démontrer l'existence de l'âme (c'est impossible) ni même de défendre son existence (qui est une hypothèse comme une autre) mais seulement la possibilité de son existence, ce qui est tout autre chose puisque rien ne l'interdit. Mais pisque vousme demandez mon avis, je vais répondre avec l'analogie que j'ai déjà évoquée. Que les choses soient claires : il ne s'agit nullement de dire que j'adhère à cette thèse mais simplement de démontrer qu'elle n'est pas en soi irrationnelle. Je ne suis pas un défenseur de l'âme mais un sceptique refusant d'affirmer A ni non A lorsque les deux sont indémontrables.
Ceci étant dit, imaginons une personne devant un ordinateur muni d'une caméra. L'ordinateur traite l'information mais ne prend pas de décision (certains définissent l'âme comme la faculté émotionnelle et désirante, donc ce qui décide in fine indépendamment du jugement purement rationnel, par inférences déductives). L'utilisateur voit l'image sur son ordinateur,voire même ne voit pas l'image mais reçoit des données qu'il sait interpréter, une description de l'image prise par la caméra.
Supposons maintenant que l'ordinateur soit défectueux, physiquement. Exemple classique : une barrette de RAM est physiquement endommagée et tout ce qui y est stocké se volatilise.
Que se passe-t-il alors ?
Si l'ordinateur cloisonne l'information, stocke dans une partie de la mémoire les informations d'un certain type, et dans une autre ls informations d'un autre type, alors l'utilisateur recevra lui-même des informations tronquées : il lui manquera le nom, ou la position dans l'espace, ou la couleur, etc. de l'objet. Qu'on lui demande de décrire ce qu'il voit à travers son écran et l'on jugera qu'il est mentalement défaillant : son outil de traitement d'information est lésé ; est-ce à dire que l'utilisateur a disparu ou n'a jamais existé ? Non, pas même qu'il est lui-même défaillant.
De même, si un bus système est endommagé, il se peut que l'information soit correctement stockée mais que selon la configuration une partie seulement soit accessible, tantôt un type d'information tantôt l'autre, ce qui répond à votre problème et expliquerait en outre, si cette thèse (ou une autre, d'ailleurs) s'avérait fondée (l'est-elle ? je n'en sais rien. Ce qui est en revanche certain c'est qu'elle n'est pas irrationnelle, ni contradictoire avec les faits, ni impossible, ce qui n'a rien à voir avec dire qu'elle est vraie) que certaines personnes ayant perdu des fonctions cérébrales en raison de lésions d'une zone donnée puissent voire après quelques années une autre aire prendre le relais : il pourrait (et j'insiste sur le « pourrait ») s'agir d'une reconfiguration par l'utilisateur de sa machine pour compenser les parties abîmées.
Cette thèse ne prouve rien, et il n'y a aucune raison d'y croire. Elle relativise cependant notre jugement au sens ou tout ce que nous savons sur le cerveau ne donne aucune raison de croire absolument que l'âme n'existe pas, pas plus que cela ne nous donne de raison de postuler son existence. Là le rasoir pourrait trancher, mais il ne s'agit alors plus d'une méthodologie purement sceptique. C'est une méthode à laquelle vous pouvez adhérer, mais un vrai sceptique, au sens strict, ne peut vous suivre sur ce terrain pas plus qu'il ne suivra les mystiques qui croient à l'âme pour des raisons esthétiques.
L'âme en-dehors de l'"espace-temps" userait de "procédés biochimiques" dans l'espace-temps? Belle spéculation, basée sur aucune évidence. En plus, vous semblez donner un drôle de sens à "espace-temps" (voir plus loin).
Pure spéculation en effet. Ai-je prétendu le contraire ? Je clarifie plus loin la notion d'espace-temps.
Vous mettez en parallèle des choses qui n'ont rien à voir : j'évoque différentes thèses, qui ne sont pas les miennes qui plus est, et vous faites comme s'il s'agissait d'une et même thèse. D'autre part, l'idée d'un élément non spatio-temporel agissant sur l'espace-temps n'a rien d'irrationnel en elle-même, mais passons.
Vous pouvez préférer l'attitude scientifique au scepticisme, mais simplement ne confondons pas les deux. Quant à le juger plus optimiste, cela ne fait aucun doute, mais il est en revanche moins fiable et c'est à mon sens problématique.
Personnellement je n'étais pas sceptique à l'origine, et c'est à regret que je le suis devenu. Mais ne dites-vous pas vous-mêmes que même si une idée est belle cela ne nous donne pas de raison pour autant d'y croire ?
Devant une porte fermée, j'ouvre la porte si j'ai de bonnes raisons de lefaire. Distinguons un jugement pratique d'un jugement théorique. C'est une chose de se fier à son intuition, ses sens voire des idées préconçues pour agir au quotidien, c'en est une autre d'affirmer connaitre ce que l'on ne connait pas. Des probabilités n'ont jamais fait un fait, d'autant plus lorsqu'elles sont construites à partir d'autres probabilités. Cela peut paraitre anodin, mais d'où viennent les religions, la morale et toutes nos constructions sociales absolutisées et imposées par la contrainte, sinon d'une attitude non strictement sceptique dans le champ théorique ? Les religieux ne disaient pas autre chose que vous lorsqu'ils postulaient l'existence de Dieu parce qu'« on a de bonnes raisons de le croire ». et résultat on a eu les croisades, l'inquisition et 2000 ans d'obscurantisme. Pour ma part je peux me fier à mes sens, toujours avec prudence, mais jamais je n'affirmerai comme un savoir ce qui n'est que spéculation irrationnelle, comme fait certain ce qui n'est que fait probable selon mon point de vue, ce qui aura d'importantes répercutions d'un point de vue socio-politique et éthique notamment, puisque cela interdit d'ériger le relatif en absolu.
Si l'on étudie votre exemple de la porte, on peut y retrouver l'imdécidabilité : pour le monstre bien sur j'ouvre la porte ; si j'ai des raisons de croire que mon voisin est derrière et veut me casser la gueule, mais que j'ai aussi des raisons de croire que mes clés de voiture y sont et que je suis attendu au boulot... Que dois-je faire ? Le fait que je prenne une décision arbitraire ou probabiliste n'invalide pa l'une des deux thèses : j'ai agit au mieux, mais cela n'implique acunement que je détenais un quelconque savoir sur ce qu'il y avait derrière la porte. 0n peut jouer au poker, bien sur, maisla prudence demeure de mise avec l'interprétation : penser qu'Untel bluffe ne signifie pas savoir qu'il bluffe, et à être trop sur de soi on perd tout, ce qui ne veut pas dire que l'on ne doive pas du tout agir en robabliste... Mais élaborer des développements théoriques sur une base non certaine, cela me parait vraiment audacieux et faillible.
Disons que le scepticisme strict s'impose dès que les enjeux de la prise de décision deviennent relativement importants, ce qui est typiquement le casde la recherche scientifique, de l'éthique, de la philosophie ou de la politique.
exemple simple : je roule vite surune route habituellement non fréquentée. Il n'y a aucune raison de croire qu'un poid lourd surgira de la prochaine intersection, en sortie de virage sans visibilité. qi risque de se lanter ? Le sceptique qui ralentit en l'absence de certitude, ou le probabiliste qui fonce en jugeant les probabilités de l'apparition du poid lourd comme infimes ?
Cetes en général nos ne raisonnons pas en sceptiques, mais à trop se fier à noscroyances et à trop raisonner sur l'indéterminé voire l'indéterminable (pour le cas qui nous occpe, notamment), les conséquences peuvent être désastreuses.
Je pense que vous n'avez pas compris mon histoire d'espace-temps : lorsque je dis que mon clone et moi-même n'occupons pas le même espace-temps, cela veut simplement dire que nous n'occupons pas la même place au même moment. Nous n'occupions pas la même portion d'espace-temps, si vous préférez : c'est sans doute plus clair dit ainsi ; j'ai formulé cet argument (qui n'est pas de moi mais de Kripke me semble-t-il) tel qu'on le présente habituellement. L'idée est que même si nous étions en tous points identiques, le clone et moi-même n'aurions pas exactement les mêmes propriétés puisque nous n'aurions pas en commun la propriété d'être là où je suis au moment où j'y suis. Cela fait un critère de différenciation qui rend difficilement tenable l'identité numérique de mon clone et de moi-même, même s'il existe des arguments qui tentent de réfuter cette thèse en affaiblissant notamment la notion de propriété (l'emplacement spatio-temporel ne serait pas une propriété intrinsèque donc pas une propriété tout court de l'objet, pour faire simple. Mais après tout dépend de quelle identité on parle : numérique, qualitative ; et surtout synchronique ou diachronique. L'interprétation du principe d'indiscernabilité des identiques, large ou faible, en dépendra).