Historicité de Jésus

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Jeff604
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Re: Historicité de Jésus

#76

Message par Jeff604 » 18 juin 2009, 23:16

BeetleJuice a écrit : Il faut bien penser que l'antiquité et le moyen-âge sont un monde où l'art de l'écriture et plus encore l'art de bien écrire selon une rhétorique précise est réservée à une élite très restreinte.
Ce sont peut-être également des époques où la notion de vérité n'était pas la même que la nôtre. Cela pour dire qu'il faudrait s'entendre sur la notion de faux. Par ailleurs, ton propos ne me paraît pas très bien s'accorder avec celui développé par Bart Ehrman dans son Orthodox Corruption of Scripture :
Ehrman's thorough and incisive analysis makes a significant contribution to our understanding of the social and intellectual history of early Christianity and raises intriguing questions about the relationship of readers to their texts, especially in an age when scribes could transform the documents they reproduced to make them say what they were already thought to mean, effecting thereby the orthodox corruption of Scripture.
Certes, les corruptions dont parle Ehrman sont en général mineures, mais la manipulation à visée idéologique (si l'on se place suivant une perspective moderne) est bien là.

Par ailleurs, si les copistes s'en tenaient scrupuleusement à leur rôle, d'où proviennent les différentes versions connues du Testimonium, avec certains passages controversés qui disparaissent mystérieusement ?
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BeetleJuice
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Re: Historicité de Jésus

#77

Message par BeetleJuice » 19 juin 2009, 00:28

Ce sont peut-être également des époques où la notion de vérité n'était pas la même que la nôtre. Cela pour dire qu'il faudrait s'entendre sur la notion de faux. Par ailleurs, ton propos ne me paraît pas très bien s'accorder avec celui développé par Bart Ehrman dans son Orthodox Corruption of Scripture :
Je ne connais pas ce bouquin, mais si l'on a pu déterminer les faux et les modifications, ça s'accorde avec ce que je disais, à savoir la difficulté de faire un faux qui passe inaperçue et surtout le peu de personne capable d'en faire un de qualité.

Je n'ai pas dit que faire un faux était impossible, ni que ceux qui copie respecte scrupuleusement le texte d'origine, mais la structure même de l'enseignement littéraire au moyen-âge et dans l'antiquité fait qu'elle était réservée à une petite élite restreinte (surtout au moyen-âge) et l'absence de trace d'un courant littéraire qui possédait, dans ses apprentissages, le fait de faire un faux dans le même style que l'auteur d'origine, rend l'idée d'une interpolation problématique car reposant sur le postulat d'un falsificateur dont on n'a aucune trace. Justement, le fait que la vérité n'avait pas la même notion qu'aujourd'hui est moins un argument envers l'interpolation qu'on pourrait le croire.
On a des traces de courants littéraires adeptes du faux, cependant, ceux -ci n'apprenait pas à faire des faux dans le style de l'auteur, mais plutôt a utilisé la notoriété d'un auteur en réécrivant un passage qu'on lui attribue, alors même que le passage est dans le style du faussaire. C'est un peu l'aboutissement de la pratique de l'anecdote réinventé que l'on retrouve chez les auteurs de l'Hitsoire Auguste ou chez Suetone, qui fait parler les personnages historique dont il traite en leur prétant des paroles qu'ils n'ont en réalité, par prononcé.

Le fait qu'Eusèbe ou Origène prenne la peine de cité Josèphe et de recopier un passage qui n'est clairement pas dans leur propre style et, d'en faire le commentaire plutôt que de l'intégrer dans leur récit est plus un argument en faveur d'une copie d'un passage et non d'une invention. Ce qui voudrait dire que s'il y a interpolation, elle repose sur un faussaire antérieur, inconnu, utilisant une technique venant d'une école de littérature elle même encore inconnue...
Par ailleurs, si les copistes s'en tenaient scrupuleusement à leur rôle, d'où proviennent les différentes versions connues du Testimonium, avec certains passages controversés qui disparaissent mystérieusement ?
C'est ce que j'ai dit au dessus, la notion de vérité n'étant pas la même, les copistes ou les historien antique ne s'embarrassait pas d'un faux qui ait l'air authentique, ils corrigeaient simplement le passage du bouquin et c'est ce qui fait qu'on les repère facilement. La notion de droit d'auteur ou de propriété intellectuelle n'existant que pour la bible (si on peut dire) personne ne se posait la question de savoir si le texte avait l'air vrai ou pas, c'était un non sens. Si une version était corrigée c'était qu'elle devait l'être, surtout si le copiste était quelqu'un de connu (ne pas confondre un faux pour raison idéologique et un commentaire.)

Pour ce qui ait de la disparition de certain passage, ça n'a rien de mystérieux, les copistes avait pour tache de copié, mais commentait souvent aussi, et écrivait donc le livre comme il leur paraissait judicieux de l'écrire, d'où les déplacement de passage d'un endroit à un autre. Les manuscrits qui nous sont parvenu sont médiévale et d'endroit différent, donc pas du même copiste, donc si interpolation il y a, elle est antérieure et ça explique le pourquoi du fait que les copies ne sont pas identique.
si l'on se place suivant une perspective moderne
Chose qu'il faut absolument gardé de ce faire. D'une certaine façon, vous prenez ce problème comme s'il avait s'agit d'un problème récent, et certain de vos raisonnements me font penser que vous voyez le faux comme il pourrait être fait aujourd'hui. Or c'est faire abstraction des contraintes matériels imputable à la fabrication d'un faux aussi long et surtout qui existe sur toutes les copies et dans plusieurs manuscrits où il est recopié, chose qui ne poserait qu'un problème mineur aujourd'hui, mais majeur dans l'antiquité/moyen-âge.

En soit, ça ne réfute pas l'interpolation, mais ça risque de biaiser votre raisonnement.
mais la manipulation à visée idéologique
Oui mais justement, quel intérêt de faire parler un juif de l'antiquité alors que l'on a les évangiles? (dans l'idée où les évangiles sont un texte authentique pour les gens de l'époque) Pourquoi le faire parler du christ alors que c'est mettre un doute sur le fait que les juifs ne reconnaissait pas Jésus (chose qui est d'ailleurs dit dans les évangiles il me semble)? Mettre un frein à l'antisémitisme me parait une raison un peu...anachronique, donc il y en a probablement d'autre, mais ça me parait étrange de faire parler un juif historien, peu connu des chrétiens. A ce compte là, il aurait été plus facile d'écrire complètement un faux venant d'un témoin oculaire fictif. Vu le nombre d'Evangile selon...qui ont été écrite, ça ne posait pas forcement de problème.
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(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)

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Re: Historicité de Jésus

#78

Message par Jeff604 » 19 juin 2009, 08:27

BeetleJuice a écrit : En soit, ça ne réfute pas l'interpolation, mais ça risque de biaiser votre raisonnement.
Ah, je me rends compte que j'ai dû mal m'exprimer : je ne "défends" pas la thèse de l'interpolation du passage, je m'interroge sur la pertinence des arguments en faveur de l'authenticité intégrale.

J'ai relu le texte du colloque, j'aurais dû le faire avant, c'est toujours dangereux de parler de mémoire : le texte n'est pas aride du tout, c'est simplement que je n'apprécie pas trop son style d'écriture. Il va effectivement à l'essentiel, mais il est bien entendu impossible de développer un raisonnement complet dans le cadre d'un article, j'imagine qu'il en va autrement dans le livre. Et je me suis rendu compte qu'il fournissait des références bibliographiques sur les falsifications.
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Re: Historicité de Jésus

#79

Message par BeetleJuice » 19 juin 2009, 08:52

je m'interroge sur la pertinence des arguments en faveur de l'authenticité intégrale.
Autant pour moi. Cela dit, comme moi je défends la thèse de l'authenticité pour le moment, faute de mieux, ça ne change pas tellement ma rhétorique.
J'ai relu le texte du colloque, j'aurais dû le faire avant, c'est toujours dangereux de parler de mémoire : le texte n'est pas aride du tout, c'est simplement que je n'apprécie pas trop son style d'écriture. Il va effectivement à l'essentiel, mais il est bien entendu impossible de développer un raisonnement complet dans le cadre d'un article, j'imagine qu'il en va autrement dans le livre. Et je me suis rendu compte qu'il fournissait des références bibliographiques sur les falsifications.
Le livre est en effet une thèse détaillé qui étudie chacun des arguments de l'interpolation, mais aussi ceux de l'authenticité et qui en remets en cause un bon nombre. C'est autant une étude historiographique qu'une étude historique.
Mais il faut s'accrocher, parce que si l'étude est intéressante, c'est écrit dans un style très académique donc c'est difficile à lire et peu accessible.
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Re: Historicité de Jésus

#80

Message par Jeff604 » 19 juin 2009, 09:18

BeetleJuice a écrit : Mais il faut s'accrocher, parce que si l'étude est intéressante, c'est écrit dans un style très académique donc c'est difficile à lire et peu accessible.
J'ai bien noté que tu ne souhaitais pas détailler son argumentation ici. Néanmoins, il me semble qu'il aborde un point très intéressant souvent vite évacué dans les discussions sur le sujet, à savoir que la fameuse phrase "c'était le messie / Christ", qui faisait dire à Voltaire "si tu le crois christ, fais-toi donc chrétien", n'a en fait rien d'étonnant si l'on prend en compte le contexte de l'époque (critique externe donc). Pourrais-tu nous en dire plus ?
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Re: Historicité de Jésus

#81

Message par BeetleJuice » 19 juin 2009, 09:58

(critique externe donc)
Ba non, interne en fait :mrgreen:

Je vais faire simple parce qu'il développe plusieurs arguments mais je n'ai plus le bouquin a disposition donc je ne me souviens pas de l'ensemble. Je chercherais plus lorsque je retournerais à la Bibliothèque de ma fac.

Pour le terme Christ, il développe plusieurs thèmes, mais il ne faut pas prendre seulement ce terme, mais tout le morceau de phrase "c'était le Christ" pour bien comprendre.

En fait, mais ça ça n'est pas de lui, l'utilisation de l'imparfait est déjà un indice de l'absence de connotation religieuse, parce qu'un chrétien désigne le christ au présent, puisque pour lui, il n'est pas mort (à moins d'être tombé sur le seul chrétien du haut moyen-âge qui remet en cause la résurrection mais fait quand même une interpolation).

A partir de là, on en tire plusieurs possibilité:
-soit c'est que Josèphe est chrétien (chose que l'on suppose fausse, parce que c'est démenti dans d'autre ouvrage)
-soit c'est qu'il utilise ce terme à une fin pratique.

En fait il faut replacer FJ dans sa situation (critique externe pour le coup), il s'agit d'un proche du pouvoir impérial qui sera lu par des romains et éventuellement quelques juifs en diaspora. Or, un auteur de l'antiquité se doit d'être compris. Il parle ici d'un personnage tout à fait méconnu à Rome et très peu connu aussi dans le cadre des juifs de la diaspora (et même possiblement des juifs de palestine, si l'on considère que Jésus était soit une mythe, soit un obscur gourou à la base).
Le terme christ est donc le seul nom par lequel les romains sont susceptible de connaître ce personnage et donc de comprendre ce que FJ explique dans son livre (l'interêt de se faire comprendre dans l'antiquité est un intérêt important, l'écrivain s'adapte souvent à son lecteur étant donné que ce lectorat est très restreint)
Dès lors, FJ ne peut pas ne pas utiliser le terme Christ pour désigner Jésus parce que c'est le pratiquement le seul nom que lui donne les chrétiens et donc le seul nom qui est venu jusqu'à Rome (Suétone et Pline le Jeune le nomme uniquement par ce nom si je me souviens bien)

En somme, le terme de Christos (qu'il faut traduire comme un nom propre et non comme le terme messie en grec) est une appellation visant à qualifier Jésus et non un acte de foi, d'autant que, par la suite, il ne fait que dire qu'il est un homme sage, oubliant son caractère divin. Son utilisation vise simplement une meilleurs compréhension de la part des romains qui le liront.

Je sais que vu comme ça, ça semble un peu faible comme argument, mais il faut bien voir que de l'autre coté, prétendre que le terme est religieux pour dire que Josèphe ne peut pas avoir utiliser le terme, est tout aussi faible, surtout si on considère l'imparfait impliquant la mort du christ et donc la non-croyance de celui qui l'emploie. L'utilisation du terme christ par Suétone et Pline vienne même fournir des arguments en faveur de ça étant donné que c'est effectivement le seul nom que les romains connaissent explicitement.

En replaçant aussi Josèphe dans son contexte, à savoir celui d'un Juif qui est malgré tout un juif loin de Jérusalem et proche du pouvoir impérial, donc un juif cultivé et pas fanatique (puisqu'il vit chez l'occupant et destructeur de son temple), son utilisation du terme n'a rien de choquant.

C'est évidement juste une présomption dans un ensemble d'argument, mais ça me parait aussi censé comme raisonnement que celui de l'utilisation d'un terme religieux dans un passage qui clairement, ne met pas tant que ça en avant le caractère religieux du christ (surtout que le terme christ est réutilisé dans le passage qui parle de Jacques, alors même qu'il ne fait pas débat, celui-là.)
Au final, l'argument du "FJ n'aurait pas pu écrire Christ" repose sur le même genre d'argumentaire que celui que tu prennais avec des pincettes il y a quelque post, c'est à dire l'impossibilité catégorique prononcé qui est toujours problématique en histoire. On peut lui opposé le fait qu'un chrétien n'aurait pas pu écrire Christ à l'imparfait, ni le décrire seulement comme un homme sage (les deux raisonnements son aussi faible l'un que l'autre ça l'impossibilité ne repose sur rien.)

PS: je regarderais l'argumentaire plus en détail si j'ai l'occasion, là j'en fais un résumé de mémoire.
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Re: Historicité de Jésus

#82

Message par Jeff604 » 19 juin 2009, 13:27

BeetleJuice a écrit :Dès lors, FJ ne peut pas ne pas utiliser le terme Christ pour désigner Jésus parce que c'est le pratiquement le seul nom que lui donne les chrétiens et donc le seul nom qui est venu jusqu'à Rome (Suétone et Pline le Jeune le nomme uniquement par ce nom si je me souviens bien)
Ca c'est intéressant car j'avais justement lu un texte expliquant qu'employer le terme "christos" pour qualifier le personnage vis-à-vis de Romains n'aurait eu aucun intérêt explicatif. Mais comme tu le dis, Suétone et Pline utilise bien le terme. Il faudrait que je retrouve ce texte pour revoir le détail de la démonstration.
BeetleJuice a écrit : surtout que le terme christ est réutilisé dans le passage qui parle de Jacques, alors même qu'il ne fait pas débat, celui-là.
J'ai vu débat sur ce passage également (chez Doherty par exemple. OK, ce n'est pas un scholar officiel). Le dernier en date m'est passé relativement au-dessus de la tête car il s'agissait principalement de considération syntaxique sur la construction circonvoluée de la phrase en grec qui aurait été suspecte.
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Re: Historicité de Jésus

#83

Message par BeetleJuice » 19 juin 2009, 23:25

Ca c'est intéressant car j'avais justement lu un texte expliquant qu'employer le terme "christos" pour qualifier le personnage vis-à-vis de Romains n'aurait eu aucun intérêt explicatif
Le terme christos n'est pas en soit explicatif si on le prend comme un nom commun, parce que le terme de messie n'a pas de sens pour les romains. Il en a, en revanche un si on le prend comme nom propre, étant entendu que la culture romaine a fortement popularisé la fonction comme surnom, voir prénom (l'empereur était impérator mais c'était aussi son prénom et il était auguste, mais c'était aussi son surnom).
Le terme christ comme surnom de Jésus était même le terme qu'utilisait les chrétiens, Christ, pendant longtemps, a été un nom avant d'être séparé pour que ça deviennent: Jésus le christ. On en a gardé l'usage de dire Jésus Christ, Christ devenant une partie de son nom que tout le monde connait sans forcement en connaître la signification.
J'ai vu débat sur ce passage également (chez Doherty par exemple. OK, ce n'est pas un scholar officiel). Le dernier en date m'est passé relativement au-dessus de la tête car il s'agissait principalement de considération syntaxique sur la construction circonvoluée de la phrase en grec qui aurait été suspecte.
Possible qu'il y ait débat, mais il est restreint et beaucoup moins virulent qu'il a pu l'être sur le Testimonium.
Je ne parles pas le grec, donc je ne peux pas dire là dessus.
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