Ombres et lumières du gros bon sens populaire.

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Mikaël
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Ombres et lumières du gros bon sens populaire.

#1

Message par Mikaël » 17 déc. 2009, 16:26

Bonjour,

Je me demande si, la plupart du temps, les tenants au paranormal ou au surnaturel ne sont pas des gens qui utilisent des bons outils pour des mauvais usages : je pense à ce qu'on appelle le "gros bon sens populaire". Je remarque, en effet, que beaucoup de tenants au paranormal et au surnaturel de mon entourage, sont ce qu'on appelle des gens "terre à terre", concrets, pragmatiques, tournés vers l'action ; tandis que les mêmes trouvent souvent qu'en revanche, je "plane", je suis abstrait, théorique, tourné vers la réflexion... On m'oppose souvent la vaine complexité de mon attitude sceptique toute en nuances subtiles et arguties, par rapport à la simplicité efficace de leur propre attitude, carrée, tranchée, frappée au coin du bon sens.

Or c'est assez paradoxal car, ayant effectué des études scientifiques (entre autres choses), les faits ont pour moi une importance toute particulière, et je ne manque pas l'occasion de citer des études expérimentales qui ont démonté telle ou telle allégation paranormale (et le plus souvent, sans le moindre effet perceptible chez les tenants :( ). Et en revanche, il n'y a pas plus abstrait que ce qui n'a pas l'existence (;)) et qui, s'il l'avait (car il ne faut jurer de rien), relèverait parfois d'un ensemble de principes au-delà de l'expérience commune, de la matérialité sensible, de la nature déterministe.

En fait, ces faits scientifiques, il faut l'avouer, ne ressemblent pas aux faits de la quotidienneté. Ils sont obtenus par respect d'un protocole précis, qui est chargé de matérialiser, finalement, une hypothèse, afin de tester cette dernière dans les meilleures conditions, sans se méprendre par des artefacts liés à des variables non-contrôlées. On est loin de la spontanéité et de la simplicité naturelle de l'expérience personnelle, laquelle est érigée en justificatif de toutes les "paranormalités". Pour ces gens-là, les expériences scientifiques font partie de ce même sac d'abstractions théoriques de haute voltige qui les rebute. Leur point commun étant qu'ils n'y comprennent que "pouic", ce qui leur suffit pour décréter que décidément, c'est fort lointain du réel, et que la meilleure et plus sûre source de la connaissance n'est autre que l'expérience personnelle (surtout si on l'a vécu soi-même) bien brute de décoffrage, comme la réalité du plancher-des-vaches... avec l'effet paradoxal de le faire quitter !

Et il est vrai que l'expérience personnelle, l'attitude dite "pragmatique", terre à terre, liée aux valeurs d'utilité, d'efficacité, de rapidité, est un outil bien rôdé, une heuristique habile, pour appréhender notre expérience habituelle, notre normalité quotidienne. De là à penser que cette attitude possède une valeur intrinsèque, universelle, absolue... il n'y a visiblement qu'un pas, qui est aisément franchi par certains. Il faut dire que pour qui n'a pas de formation scientifique très poussée (ou alors lointaine...), il est tentant, pour se rattraper, de clamer haut et fort son pragmatisme, afin de faire illusion. Par ailleurs, quand on n'a pas été confronté aux problèmes que se posent les scientifiques, on a tendance à croire que tous les problèmes se règlent de la même manière. Pourtant, pour qui n'a pas cette formation scientifique, un peu d'humilité suffirait à éviter les jugements hâtifs !

Mais j'ai remarqué que l'humilité effective était souvent inversement proportionnelle à celle qui serait normalement attendue, eu égard à sa propre situation cognitive... et on va donc juger de l'inhabituel comme l'on juge de l'habituel, et admettre, au gré des individus, toutes sortes d'entités puisées dans le grand prêt-à-porterpenser du paranormal et du surnaturel, de la mythologie "new age", de la culture religieuse populaire, du folklore traditionnel, du bestiaire de l'étrange et du fantastique... à coup d' "expériences incroyables mais vraies", de "témoignages saisissants et sincères", de "rencontres décisives et bouleversantes", etc.

Et comme, contrairement aux "entités scientifiques", celles-ci s'accommodent bien d'une absence totale d'action mesurable, du fait de l'indétermination quasi-totale de leur comportement, ainsi que de leur immatérialité revendiqués, elles demeurent - une fois installées - indélogeables de l'esprit qu'elles auront investi, à moins d'une conversion de ce dernier aux vertus et lumières de la démarche rationnelle :seeraphin: , ce qui reste toujours possible mais improbable, à raison du degré de l' "infection"...

Enfin, si ces prétendues "entités paranormales et surnaturelles" n'ont aucune espèce d'action concrète sur la réalité, et tâchent de se dérober à toutes les tentatives de mise en évidence rigoureuses, à proportion de la rigueur déployée, il faut bien admettre que la croyance à ces entités n'est pas, elle, dépourvue d'effets, pas toujours négatifs d'ailleurs, et même le plus souvent positifs, pour l'expérience personnelle ( :ouch: ) que j'ai des tenants au paranormal et au surnaturel : confiance accrue, joie de vivre, sentiment que la vie a un sens fort, courage, etc., et c'est peut-être dans cette dernière considération qu'on retrouve le sens et la valeur d'un authentique pragmatisme...

Bien cordialement,

Mikaël
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Zwielicht
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Re: Ombres et lumières du gros bon sens populaire.

#2

Message par Zwielicht » 17 déc. 2009, 17:43

Sujet intéressant

Je remarque deux aspects:

1)gros bon sens et croyance au paranormal
2)gros bon sens et attitude envers la science

Pour l'aspect (1), je ne remarque pas les mêmes choses que toi. Ceux que je connais qui croient aux esprits (mettons) ou à un aspect quelconque de l'ésotérisme, pour la plupart, sont des gens qu'on pourrait qualifier de rêveurs. Ils aiment suspendre leur activité quotidienne pour accorder un certain temps à ces choses invisibles qui semblent les réconforter. En fait ils me paraissent un peu moins empêtrés dans des tâches quotidiennes que les autres. Parfois j'ai l'impression que pour eux, cet ésotérisme est une arme ou une béquille pour espérer combler ce qu'il leur manque et que les "terre-à-terre" ont. J'aurais des exemples plus précis à donner.

Pour l'aspect (2), je suis tout à fait en phase avec toi. Le gros bon sens populaire poussé à l'extrême, c'est dire que le climat change toujours et a toujours changé et que quand j'étais jeune y a un hiver qu'il y a pas neigé et l'année d'après il a neigé en juin, donc on ne peut rien dire et les climatologues sont des imbéciles universitaires qui n'ont pas de vécu et qui ne connaissent rien d'autres que leurs petits graphiques. Ou encore, que si en physique on n'arrive pas à mettre en évidence des lois causales qui expliquent des phénomènes à l'échelle quantique, c'est surement uniquement parce qu'on n'a pas encore la technologie pour le faire. Ou encore, qu'accélérer un objet à une vitesse supérieure à la vitesse de la lumière est faisable, on n'a qu'à accélérer l'objet à 99% et ensuite, l'accélérer un peu plus :)

Le gros bon sens populaire a ses limites..
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Re: Ombres et lumières du gros bon sens populaire.

#3

Message par Jean-Francois » 17 déc. 2009, 18:47

Zwielicht a écrit :Pour l'aspect (1), je ne remarque pas les mêmes choses que toi
C'est peut-être parce que le "paranormal" n'est pas un ensemble homogène? Si je me souviens bien, la nature des croyances au paranormal est différente selon qu'on soit plus "intellectuel" ou plus "manuel". Les gens pratiquant des métier plus intellectuels - qui sont aussi généralement plus éduqués - ont tendance à croire à des phénomènes du genre télépathie, télékinésie, ufologie... bref, à des phénomènes plus "technologiques". Les gens qui pratiquent des métiers plus manuels, plus terre-à-terre ont plutôt tendance à croire en des phénomènes "traditionnels" ou "surnaturels" (miracles, vie après la mort, astrologie, etc.).

On trouve des tableaux de comparaison astrologie/paranormal en fonction des métiers et du niveau d'éducation sur cette page. Ces données datent pas mal et je sais qu'il existe des études plus récentes mais je n'ai pas de référence sous la main.

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Re: Ombres et lumières du gros bon sens populaire.

#4

Message par Cartaphilus » 17 déc. 2009, 19:24

Bonjour Mikaël ;

Vous avez écrit :
Il faut dire que pour qui n'a pas de formation scientifique très poussée (ou alors lointaine...)
Malheureusement, une formation scientifique, fût-elle de haut niveau, ne met pas à l'abri des tentations de l'explication paranormale, (Brian Josephson et la télépathie), des dérives dans la rigueur de la méthodologie scientifique (Jacques Benvéniste et la mémoire de l'eau), du recours à la pensée mystico-religieuse (Jean Kowaleski et l'existence divine).
Le sommeil de la raison engendre des monstres. Francisco de Goya.

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Mikaël
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Re: Ombres et lumières du gros bon sens populaire.

#5

Message par Mikaël » 17 déc. 2009, 23:38

Bonjour Cartaphilus,
Cartaphilus a écrit :Bonjour Mikaël ;

Vous avez écrit :
Il faut dire que pour qui n'a pas de formation scientifique très poussée (ou alors lointaine...)
Malheureusement, une formation scientifique, fût-elle de haut niveau, ne met pas à l'abri des tentations de l'explication paranormale, (Brian Josephson et la télépathie), des dérives dans la rigueur de la méthodologie scientifique (Jacques Benvéniste et la mémoire de l'eau), du recours à la pensée mystico-religieuse (Jean Kowaleski et l'existence divine).
Certes, mais déjà, je n'ai pas prétendu que c'était le seul et unique facteur explicatif. Par ailleurs, les exemples que vous citez ne jouent pas, il me semble, dans la même catégorie. Leurs "zozoteries" sont quand même un peu plus subtiles, ou plutôt moins grossières. Moi je parlais de personnes qui vivent dans un monde remplis de toutes sortes d'entités occultes et qui sont convaincues de l'existence d'un bon Dieu avec ses cohortes d'anges, d'un méchant diable avec tous ses démons, des fantômes, de la communication avec les défunts, voire des différentes -mancies, de l'astrologie, de la numérologie, du magnétisme animal, etc., tout ça parce qu'ils ont eu "leurs preuves"... En général, les personnes que vous citez sont assez sceptiques par rapport à ces "énormités", même si elles se font piégées par d'autres illusions plus fines...

J'ajoute (et j'avais malencontreusement omis de le noter dans mon précédent message) que dans la formation scientifique dont je parlais, il me paraît indispensable d'avoir un minimum de notions en psychologie cognitive et sociale (voire en psychopathologie). Sans connaissances sur les biais liés à la perception, à la mémoire, au raisonnement, etc., il est malaisé de prendre la mesure du gouffre épistémologique qui sépare l'expérience personnelle et l'expérience scientifique, le témoignage du vécu et le compte-rendu rigoureux... Or, il me semble que beaucoup de scientifiques dont la spécialité est étrangère à la psychologie, quoique fort érudits dans leur matière, peuvent souffrir de lacunes graves dans la compréhension de la psyché humaine. En conséquence de quoi, ils mésestiment les biais dont elle peut être victime, et accorde trop de confiance à des affirmations qui n'en méritent pas tant, ou ne sont pas suffisamment vigilant à la rigueur de leurs propres protocoles. La philosophie de Descartes - dont se revendiquent fièrement certains scientifiques - n'est peut-être pas étrangère à cette situation. En prétendant à tort que l'âme est plus aisée à connaître que le corps, elle conduit à surestimer les capacités perceptivo-cognitives des gens, et fait le lit de l'irrationnel.

Bien cordialement,

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Re: Ombres et lumières du gros bon sens populaire.

#6

Message par Cartaphilus » 18 déc. 2009, 19:07

Bonjour Mikaël et à tous.



Ces scientifiques, intervenant dans leur champ de compétence, utilisent une méthodologie ou un raisonnement qu'ils prétendent être de la science ; leur zozoterie est sans doute plus précise et peut-être plus fine que les les systèmes mystico-religieux et~ou magico-supersticieux que vous évoquez, mais pour les premiers, il y a, pour le moins, remise en cause des principes d'un mode de pensée, de critères et de principes qu'ils sont censés incarner par leur position et leus travaux antérieurs.



Quant aux seconds, que connaissent-ils vraiment du raisonnement scientifique, de la recherche de preuves objectives, de la rigueur des protocoles des études expérimentales ? Le gros bon sens n'est-il pas pour eux le seul instrument de connaissance du monde ?



Il me semble ainsi que la dérive des premiers est aussi contestable que l'adhésion des seconds.
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Re: Ombres et lumières du gros bon sens populaire.

#7

Message par Mikaël » 19 déc. 2009, 13:34

Bonjour Cartaphilus,

Brian Josephson est physicien, Jacques Benveniste était médecin et immunologiste, Jean Kowaleski je ne sais pas (mais à en croire sa comparaison entre les accélérateurs de particules et les visions mystiques... je m'aventurerais à supposer qu'il est physicien).

Toutes ces personnes, en se penchant sur la parapsychologie, l'homéopathie, etc., se sont intéressés en fait à un domaine qui sort de leur domaine de compétence. Or la méthodologie qui convient pour la physique ne convient pas forcément à la parapsychologie, etc. Par ailleurs, certaines choses peuvent paraître a priori plausible quand on ignore un domaine et beaucoup moins plausible quand on le connaît mieux. Ainsi, sans doute que Benveniste n'a pas mesuré à quel point la mémoire de l'eau était hautement improbable, compte tenu de ce que l'on connaît en physique et chimie, et nécessitait donc un protocole hautement rigoureux (surtout compte tenu de l'effet mesuré qui est somme toute faible). Enfin, aucune de ces personnes, apparemment, n'avait de connaissances poussées en psychologie. Il n'est pas dit, donc, qu'elles avaient clairement conscience de tous les biais qui peuvent affecter la perception, la mémoire, la transcription de témoignage, le raisonnement, etc. (l'exemple le plus clair de cette naïveté c'est la mise sur un même plan des expériences de physique et des expériences mystiques par Jean Kowaleski).

Donc il me semble bien qu'on reste (le plus souvent) dans le cadre de ce principe général que j'avais suggéré : utilisation de bons outils (méthodes d'une certaine discipline, où les effets ne sont pas supposés déroger aux lois connues de la nature et servent à confirmer/infirmer une hypothèse, où la composante affective et les biais psychologiques jouent un rôle faible) pour un usage inapproprié (une autre discipline, où les effets sont supposés déroger aux lois connues de la nature, où il n'y a pas d'hypothèse à tester, où la composante affective et les biais psychologiques sont susceptibles de jouer un grand rôle).

Bien cordialement,

Mikaël
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Re: Ombres et lumières du gros bon sens populaire.

#8

Message par Cartaphilus » 20 déc. 2009, 12:21

Boujour Mikaël.


Pour reprendre les trois exemples cités :

1 - Brian Josephson, physicien, est lauréat du prix Nobel pour sa découverte des effets quantiques de la supraconductivité ;

2 - Jacques Benvéniste, médecin, immunologiste, découvreur du PAF-Acether (agrégant plaquettaire), avait mis au point un test de dégranulations des basophiles ;

3 - Jean Kovalevski, membre de l'académie des sciences, est astrophysicien, [*] et à ce titre, on peut le supposer, appréhende parfaitement la théorie de la relativité.

Le premier se lance dans des spéculations censées expliquer la télépathie par la mécanique quantique, extrapolations rejetées par de nombreux physiciens ; le second a précipité la publication de sa découverte [*], en refusant, semble-t-il, l'utilisation d'un autre test qui aurait permis de trancher définitivement [*] ; le troisième accorde aux témoignages d'expériences mystiques la rigueur des preuves d'une théorie démontrée. Dans ce dernier cas, cependant, l'exemple se révèle moins pertinent, puisque l'intéressé ne fait qu'énoncer une opinion sans autre élément qui concourrait à l'étayer.

Tous les trois prétendent utiliser la méthodologie de la science, mais de façon à confirmer une idée préconçue, ou, à tout le moins, insuffisamment établie ; c'est là que je vois une dérive dans leur parcours de scientifiques : ils justifient plutôt qu'ils n'expliquent, ils rationalisent au lieu de démontrer. Ils remettent donc en cause l'outil même qu'ils maîtrisaient si bien dans leur travaux antérieurs, en intervenant sur des sujets qui ne sont certes pas l'objet de recherches dans leur spécialité, mais en employant soit l'assise théorique de celle-ci, et~ou les techniques et les méthodes de leur champ de compétence.

Ils tentent, ou ont tenté, d'établir soit la matérialité d'un phénomène (le « psi », la « mémoire de l'eau »), soit l'existence d'une entité explicative du monde, à partir de leurs connaissances scientifiques, en modifiant - j'allais écrire en pervertissant - la méthodologie qu'ils avaient jusque-là si bien appliquée.

Partant du principe que ces éminents personnages sont (ou étaient) parfaitement sincères - pas de fraude, pas de manipulation de leur part - je dirais, en reprenant la métaphore de l'outil, qu'ils en ont changé les réglages ou ont oublié d'en affuter le tranchant. L'introduction des biais que vous évoquez altère ce fameux outil qui n'est donc plus celui dont ils s'étaient auparavant si bien servi ; en faisant preuve d'obstination ou d'aveuglement, ils commettent un « péché contre l'esprit » (scientifique). :a4:
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