Doherty a écrit :Cela dit, je ne suis pas historien non plus. Mais, je trouve intéressante la thèse développée sur ce site (très sommairement: le Jésus humanisé des évangiles est le résultat d'une évolution culturelle qui a "réifié" la parole divine). Tu peux aussi lire cet article de P.-E. Blanrue.
Juste une parenthèse, parce que je ne vais pas me relancer dans le débat qu'on avait déjà bien lancer il y a un moment, mais je dis un mot méthodologique quand même de la réfléxion de JF.
Je trouve ça drôle qu'il présente le site de Doherty, qui a eu un accueil très mitigé, si ce n'est assez mauvais au sein du milieux académique.
Comme quoi, dès que ça touche à un sujet cher aux athées, un scientifique en marge et avec peu de considération pour sa thèse dans le milieux scientifique devient soudainement digne d'être cité. A l'inverse, dès que c'est un sujet zozo, un scientifique peu considéré redevient ce qu'il est.
Si on élimine les sources chrétiennes (pour cause de "conflit d'intérêt" et de manipulation)
Doit-on également éliminé la Guerre des Gaules comme source de l'histoire de cette guerre, parce qu'elle a été écrite par le vainqueur? Doit-on éliminer la vie des douzes César de Suétone sous prétexte qu'il est payé par les Auréliens et fait donc un portrait trop sinistre des dynasties d'avant ?
La méthode historique a été spécifiquement conçue pour faire face à ce type de problème de sources, donc il n'y a aucune raison d'éliminer les sources chrétiennes, simplement, il faut les prendre avec un degré de certitude très bas, d'où la fragilité de ce type de thèse d'ailleurs (autant mythiste que non mythiste, puisque les deux repose essentiellement sur des témoignages chrétiens... même la thèse de Doherty.)
A partir du moment où l'on considère qu'il y a déformation de l'original (ce qui est vrai dans le cas de la Bible) c'est autant vrai pour un original parlant d'un personnage fictif que pour un original parlant d'un personnage réel, donc la manipulation dessert la connaissance, peu importe la thèse défendu.
si on considère que ce qu'a écrit Josèphe est reconnu pour être une interpolation
Il n'y a par contre, pas consensus à ce sujet, donc l'écrit de Josèphe n'est pas nécessairement une interpolation.
Ce qui est franchement étrange par contraste avec ce que dit la Bible de certains épisodes de sa vie.
Au contraire, ça n'a rien d'étrange. Hormis le passage à Jérusalem, l'essentiel de la vie de Jésus se réalise de façon locale, en palestine et il n'agit jamais à grande échelle (le mariage de Cana n'est qu'un mariage, ses prêches se font dans des villages, son combat contre Satan, il le fait seul dans le désert, le fait de marcher sur l'eau, il le fait devant une petite foule, le fait de multiplier les pain, pareil...)
Bref, hormis le passage à Jérusalem, probablement romancé (comme une partie du reste) le reste n'est qu'une histoire de gourou local qui parcours une partie de la palestine. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que personne n'en entende parler.
Pour les romains, si Jésus a existé, ça n'était qu'un gourou de secte juives de plus, comme il y en a déjà à l'époque, donc aucune raison que ça les inquiète plus que ça, sauf si le Jésus en question devient trop remuant. Pour le Sanhédrin, ce n'était pas le premier auto-proclamé messie qu'ils voyaient, donc pas de raison non plus qu'ils le notent partout.
C'est le Jésus Biblique qui est très connu, des siècles plus tard et pas le Jésus historique, dont l'action est très restreinte.
Comme toujours, la charge de preuve devrait revenir à ceux qui affirment l'existence de et non à ceux qui doute de l'existence de
Non, dans le cas d'un personnage historique, elle revient aux deux, parce l'on ne peut pas éliminer l'argument a silentio.
L'absence de preuve d'un personnage historique ne se traduit pas par une non existence par défaut, parce que sa non existence (et donc son caractère mythique) est autant un fait à démontrer que son caractère réel.
L'absence de preuve de l'existence de Jésus ne serait qu'un indice pour la thèse mythiste, mais ce ne serait absolument pas sufisant pour l'affirmer.
On n'évolue pas ici dans le cas d'une science exact, où l'absence d'un phénomène prouve par défaut l'absence du phénomène, parce qu'il faut prendre en compte la donnée temporelle qui fait qu'on reconstitue un puzzle dons on sait qu'il manque de plus en plus de pièce à mesure qu'on recule dans le temps.
Pour un personnage d'importance aussi restreinte que Jésus et qui a vécu il y a si longtemps, l'argument a silentio devient écrasant, d'où l'extrême difficulté de prouver aussi bien la thèse mythiste que la thèse historique, faute de source fiable.
Denis a écrit :Moi, je me représente les premiers chrétiens comme étant des espèces de "peace'n'love" aussi évaporés que ceux des années '60.
C'est quand ils ont pris le pouvoir que ça c'est gâté.
C'est à la fois vrai et faux.
Vrai parce qu'ils vivaient parfois en communauté et prônait un certaine notion de paix, faux parce qu'il ne le faisait pas par "évaporation" mais parce qu'ils pensaient la fin du monde proche.
Donc ils sont plus proche de certaines sectes actuelles que des hippies.
Sinon, ils n'ont pas formellement pris le pouvoir, c'est le pouvoir en place qui s'est servi d'eux et qui a permis, ensuite, à une frange de gens, déjà puissant, de conserver cette puissance par la religion.
L'Eglise catholique n'a pas pris le pouvoir en fait, elle l'a conservé à partir de son statut dans l'empire romain (les Patriarches et le Pape remplaçant l'empereur à sa tête, ce qui ne s'est pas fait sans heurt), puis a lutté pour le conserver face à une fragmentation que la société qui a rendu de plus en plus difficile l'unité de l'Eglise.
On peut presque voir le moyen-âge comme une lutte des autorités de l'Eglise pour adapter la prééminence de l'Eglise chrétienne de l'Empire romain à la nouvelle société et conserver ce pouvoir. On sait que ça n'a pas vraiment marché pour la partie occidentale, puisqu'il y a eut divers schismes, et sécularisation à plus ou moins brève échéances...
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)