BeetleJuice a écrit :
Si le Jésus des évangiles est un personnage fictif, sur quoi se basait alors les écrivains qui racontait cette histoire mais étaient déjà des chrétien? Pourquoi n'a-t-on pas de mythe antérieur à l'origine de celui-ci?
Orphée, Dionysos, Attis de Phrygie sont des dieux humanisés que les humains sacrifient. Le culte de Mithra a toujours le vent en poupe (l'argument d'une religion purement militaire est depuis longtemps invalidée car Irénée s'énervait déjà contre ce culte qui était pour lui une copie du démon...) Le terreau est déjà là. On ajoute l'eschatologie messianique qui existe depuis l'époque Perse et qui a explosé à partir des Séleucides et des Ptolémés (Apocalypse de Daniel, d'Hénoch) et ça nous donne déjà un bon cocktail. On est loin de la création d'un Evangile ex-nihilo.
L'objection seraient valable si les premières version de l'histoire n'était pas des chrétiens (donc croyant déjà dans le mythe qu'ils seraient en train de crée, or ce n'est pas le cas. A moins de considérer que le christianisme est vraiment née après les premières évangiles.
Le Messianisme existait avant Jésus et le Christianisme n'est qu'un messianisme de plus qui attache le nom de Oint (Christ) au nouveau Jésus. Il est époustouflant que Paul ait accompli toute sa carrière missionnaire sans connaître une seule parole de Jésus, ni le Notre Père, ni le Sermon sur la Montagne, ni citer un seul miracle : je n'ai jamais rencontré personne me prêchant le Christ ainsi. D'ailleurs le Christ de Paul, qui apparait 30 après la mort de Jésus est un autre personnage qui n'a aucune attache humaine.
L'objection est donc inverse. Il faut réussir à prouver par les textes des premiers chrétiens que ces derniers connaissaient l'histoire d'un Jésus né à Nazareth (au passage une ville que l'archéologie a prouvé inexistante au Ier siècle, ça l'a fout mal quand même), dont la mère s'appelait Marie et Joseph était son père adoptif. Il faut prouver qu'ils parlent d'un procès devant un représentant de Rome (au passage, un procès ubuesque que tous les historiens reconnaissent, ce coup-ci, comme étant impossible et tellement entaché de symbolismes qu'on ne peut y voir un évènement historique.)
On ne peut pas créer un culte avant d'en avoir inventé les mythes, or il existe des chrétiens au premier siècle. Comment expliquer leur existence, en sachant qu'un récit mythologique se raconte au passé (tout les exemples cités ont une dates de rédaction très postérieur à la date supposé des évènements décrit).
Mais ils le font tous ! Et chacun va de sa version personnelle. Par exemple, tout le monde est d'accord pour dire que Jésus est passé devant Hérode. Mais est-ce l'Hérode du procès de Jésus qui parle dans les Actes ? Interrogeons Flavius Josèphe (
La Guerre des Juifs) qui nous donne :
- un Hérode le Grand, fils d'Antipater II, mort rongé par les vers (I, 33, 5) en -4.
- un Hérode, fils du Grand et de Mariamne II, écarté de la succession pour une histoire de poison (I, 30, 7).
- un Hérode Antipas, dit le Tétrarque, fils du Grand et de Malthacé, dont la femme s'appelait Hérodiade, mort en Espagne (II, 9, 6).
- un Hérode, petit fils du Grand, fils d'Aristobule, frère d'Agrippa, époux de sa nièce Bérénice, roi de Chalcis en Coélé Syrie, mort sous Claude, en 48.
- un Hérode Agrippa, fils d'Aristobule, roi de Judée et de Samarie en 38, mort à Césarée en 44 (II, 11, 5-6).
Donc, si Hérode meurt rongé par les vers (Ac 12,23),
les Actes se déroulent autour de -4. et Jésus aurait vécu entre - 37 et -4.
La situation se complique avec Irénée (+ 208) qui, dans sa
Démonstration Evangélique (§ 74), place
la mort de Jésus sous Claude (41-54) (cf Selon Jean 2, 21 et 8, 57), Alexandre, évêque de Jérusalem vers 210, qui la place en
58, sous Néron, et Origène (écrivant vers 240) qui situe l'arrivée des rois mages sous Hérode le Tétrarque (
Contre Celse, I, 58, ). Il est donc impossible que les versets de Matthieu (14, 1) et de Luc (9, 7) soient antérieurs à Origène.
Enfin, Eusèbe de Césarée (265-340) envoie promener les Actes, Jean, et les Pères en plaçant la mort de Jésus sous Hérode Antipas (
Histoire Ecclésiastique, II, 4, 1).
Pour corser ces errements chronologiques, Matthieu y va de sa dose : Jésus aurait accusé les Juifs d'avoir assassiné Zacharie, fils de Barachie, "entre le sanctuaire et l'autel" (Mt 23,35), meurtre que Flavius Josèphe
situe en 70, pendant le siège de Jérusalem (IV, 5,4), les Zélotes tuant Zacharie "au milieu du Temple" (il ne s'agit donc pas du Zacharie de 2 Ch 24, 22, assassiné "sur le parvis du Temple", et fils de Yehoyada, par dessus le marché).
Et on corse l'affaire, car en -4 et d'après les écrits de Qumran, le messie Ménahem, rejeté par les pharisiens, est rejeté et mis à mort par les romains puis aurait été considéré comme ressuscité par ses disciples.
En -65, Le Maître de justice de la secte des Esséniens a douze disciples, il passe pour le Messie descendant de David, est persécuté, torturé et exécuté comme martyr de la foi et devait ressusciter. Il fonda une secte dont les fidèles attendaient son retour
Il y a donc des Messianistes qui ont le même CV que les chrétiens avant même l'arrivée de Jésus. Et comme les chrétiens ne peuvent prendre ce nom de manière définitive qu'après 135 (la-dessus, Marguerat le reconnait aussi) lors de leur expulsion des synagogues; il est absurde de chercher des "chrétiens" au Ier siècle.
Le contexte du premier siècle est bien plus favorable à l'émergence d'un auto-proclamé messie en chair et en os qu'à une ouverture religieuse des juifs à des influences extérieures, qui aurait conduit à l'intégration d'un nouveau mythe, ou alors à l'invention d'un messie fictif dont l'existence est raconté quasiment au présent (au contraire de l'ensemble des récits mythologique que l'on connait...)
Nous sommes d'accord que le contexte est bien favorable (celui du siècle précédent aussi) à cette époque. L'idée reçue est de croire qu'il y a une orthodoxie chez les Juifs alors que c'est l'hétérodoxie qui prime. Avant Yabneh en 90, les Pharisiens eux-mêmes n'ont pas vraiment de canon des écritures et acceptent sans problème de communier avec les autres courants dans les synagogues (voir Moore à ce sujet)
Le contexte historique ne prouve pas l'historicité des Évangile, mais il rend plus crédible une inspiration par un personnage réel, par la suite romancé, qu'une construction ad hoc.
Le contexte historique d'Astérix est tout aussi crédible, pourtant je suis sûr que tu ne parierais pas un seul euro sur l'existence du personnage. Mais je peux te donner les mêmes arguments que les historicistes de Jésus à propos d'Astérix, car ils possèdent le même effet barnum. On fait appel à de la logique, faute de preuve. Et quand il y a des témoignages écrits, qui sont donc nos preuves, on prend ce qui nous semble plausible et on rejette le merveilleux et on continue l'évhémérisme comme Renan, nous faisant de Jésus un doux illuminé de Galilée, ou un révolutionnaire comme Marx.
Je sais ce qu'est l'évhémérisme, je vous demandais simplement une preuve du fait que:
-c'est un courant majoritaire en Palestine et ayant eu une influence sur les premiers chrétiens.
La Palestine est héllénisée depuis Alexandre le Grand et suite à la tentative d'éradication du culte Juif par Antiochos en -167, qui place une statue de Zeus dans le Temple, les Juifs sont bien au courant de la culture grec. D'ailleurs, Philon d'Alexandrie (+ 40), philosophe juif ne voyait dans la Bible que des récits symboliques (pas mal pour la vision d'un judaïsme historiciste à l'époque !!) Pareil pour Origène qui déclare qu'il est idiot d'imaginer un dieu jardinier dans la Genèse (
Contre Celse, livre V). Les apologistes chrétiens présentent leur religion comme une "philosophie" au IIe siècle . Ainsi Justin Martyr s'inscrit dans une tradition déjà bien établie dans le judaïsme hellénistique: Flavius Josèphe qui assimile les différentes "sectes" juives aux écoles philosophiques grecques, ou encore le quatrième livre des Maccabées qui use et abuse du vocabulaire "philosophique".
Bref, l'influence de la culture grecque n'est plus à démontrer. Et quand on lit les commentaires des Pères sur les dieux grecs, ils les traitent comme des hommes que l'on a humanisé car pour eux (cf. mon précédent message), c'est comme ça que l'on pense. On ne nie pas l'historicité d'un dieu. Et le reproche fait au chrétien dans les premiers temps (Celse, Porphyre) est que leur dieu n'a pas d'histoire et donc manque de crédibilité. Les écrivains se chargent de lui en donner une avec la cacophonie donnée plus haute.
Quand à Paul Veynes, j'ai lu son livre et il ne développe pas l'évhémérisme comme source de la croyance dans les dieux en général, il ne s'agit que d'un courant d'érudit, soit une portion faible de la population.
Effectivement, il ne l'aborde pas dans son ensemble, c'est pour cela que j'ai ajouté la référence de Salomon Reinach qui lui la détaille beaucoup plus.
Si Jésus faisait déjà l'objet d'une forme de culte, il est parfaitement logique que les observateurs extérieures ait vu en lui une divinité. A l'inverse, les évangiles, elles, ne le mentionne pas nécessairement et de façon explicite comme une divinité, même si elle lui en donne certain attribut (ce qui ne remet pas en cause son humanité d'origine, l'ajout d'attribut divin n'était pas signe d'un personnage mythologique divin dès l'origine) , signe que c'est un à priori extérieur.
euh, on parle bien des mêmes Evangiles ? Parce-que là, moi je suis 100% d'accord avec les chrétiens. Jésus dans les Evangiles est Dieu descendu sur Terre.
Pour ce qui est de Josèphe je ne comprends pas bien votre objection en fait. En quoi le fait qu'il ne mentionne pas les chrétiens comme faisant partie des sectes principales parmi les juifs (ce qu'ils ne sont pas) montre quelque chose.
Donc les chrétiens apparaissent à Jérusalem mais ne sont pas Juifs.... Ils sont quoi alors ?
Quand à la qualification de christ, si on considère que ce n'est pas une interpolation (ce qui n'est pas certain), il faut bien voir que Josèphe écrit pour des romains et que Christ est simplement le nom que connaissent les romains. Il ne le reconnait pas comme le christ, il nomme simplement selon le nom le plus répandu parmi son public (comme tout les écrivains de l'antiquité, Josèphe adapte son texte au couleur politique et au public du moment, à savoir ceux qui le paie...)
En étant anachronique ? Allons, la retouche est tellement mal faite. D'ailleurs, Freke et Gandy le font remarquer : tous les philologues reconnaissent que c'est un faux, les seuls à soutenir une totale ou semi authenticité sont des théologiens. Cherchez l'erreur....
En passant, l'article de Theolib est vraiment très intéressant et conforte une idée que je soutiens moi même, à savoir la création d'un Jésus des évangiles non pas à partir d'un unique Jésus historique, mais par syncrétisme entre les traditions locales et les courants messianistes de l'époque avec, peut-être, un ou plusieurs messie auto-proclamé comme déclencheur du mécanisme d'écriture de la fable.)
Après les arguments que j'ai évoqué plus haut, on pourrait croire que je cherche à nier l'existence historique de Jésus. Mais comme pour l'article de Didier Fougeras, je pense possible l'existence d'un "messie de base" déclencheur. Toutefois, j'ai voulu répondre aux objections des historicistes par les arguments des mythistes que j'ai trouvé. ça vaut ce que ça vaut, mais les différentes thèses mythistes répondent à toutes les objections, et c'est pour cela que je trouve la thèse mythiste plus explicative et logique que la thèse historiciste. Comme je l'ai déjà dit plus haut, l
a thèse historiciste n'explique pas l'hétérodoxie originelle chez les chrétiens (qui n'est plus à démontrer, Cf. Bart Ehrmann), la multiplicité des contradictions et l'ultra abondance du recyclage des textes de l'AT et des courants de pensée de l'époque.
La thèse mythiste répond à la question du flou historique dans les dates de naissance, de prédication et de mort de Jésus. La thèse historiciste répond par "à cette époque on s'en fout un peu des dates". Allons bon ! On s'en fout pas des dates pour tous les autres messies de l'époque (cf. Flavius Josèphe) mais le principal, l'ultime réformateur du judaïsme, n'a même pas une biographie digne de ce nom !! C'est quoi c't'affaire ! (
ah, mais c'est une manière d'écrire l'histoire nous répond Marrou,
et ne pas l'accepter c'est être hypercritique....bonjour, l'ouverture du débat !!)
Pourquoi Jésus est-il crucifié par les Romains ? Les historicistes "c'était un agitateur politique". Allons donc, agitateur de quoi ? Le scénario était déjà écrit dans l'Evangile avant Jésus:
* Sa nature :
Le Seigneur suscitera quelqu'un de Lévi, en tant que grand prêtre, et de Juda, en tant que roi, dieu et homme à la fois. C'est lui qui sauvera les nations et la race d'Israël Testament de Siméon 7, 2. le Livre d'Hénoch (1,9), à la fin des temps « dieu visitera la terre » ; autre source : .
jusqu'à ce que le Très-Haut visite la terre et qu'il vienne lui-même (.) Il sauvera Israël et toutes les nations, dieu assumant un rôle d'homme. Testament d'Aser 7, 3-->
ces textes sont une sacré réfutation à ceux qui imaginent que les Juifs ne pouvaient envisager que Dieu prenne forme humaine.... et que c'est une invention de Paulo....
* Le jugement par les Romains :
C'est par les ordres des Gentils que cet homme sera mis à mort (Écrit de Damas, 9, 1) voir Luc 18,31-32
* Le choix : c'est, dixit Origène, Jésus Bar Abbas (le fils du Père) qui va accomplir le Lévitique. Un bouc émissaire
* La crucifixion :
Une bénédiction te sera donnée, ainsi qu’à toute ta descendance, jusqu’à ce que le Seigneur visite toutes les nations par la miséricorde de son fils [le Messie] à jamais ; mais tes fils [tes descendants : les prêtres] porteront les mains sur lui pour le crucifier. (
Testament de Lévi 4,4)
* Les crachats :
J'ai exposé mon dos à ceux qui me frappaient. Je n'ai point soustrait mon visage aux crachats. (Is 50.6)
* Les larrons :
Il a été compté parmi les malfaiteurs. (Is 53.12)
* Le partage des vêtements :
Ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement. (Ps 22.19)
* Les insultes : T
ous ceux qui me voient me bafouent. Leur bouche ricane. Ils hochent la tête. "Il s'est remis à Yahvé : qu'il le délivre puisqu'il est son ami!" (Ps 22.8-9)
* Les ténèbres :
Il adviendra ce jour-là que je ferai coucher le soleil en plein midi. (Amos 8.9)
* Le vinaigre:
Ils m'ont donné à manger du fiel. Dans ma soif, il m'ont abreuvé de vinaigre. (Ps 69.22)
* Le voile du Temple :
Frappe le linteau et que les seuils s'ébranlent. (Amos 9.1 ; erreur de copiste : hébreu KPTR = linteau, PRKT = voile)
* Les morts sortant des tombeaux :
Vous saurez que je suis Yahvé lorsque j'ouvrirai vos tombeaux et que je vous en ferai remonter. (Ez 37.13 / Mt 27.52)
* La contrition des Juifs :
Et le pays se lamentera clan par clan. (Za 12.12 / Lc 23.48)
* Le coup de lance :
Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé. (Za 12.10)
* Les jambes non brisées :
On ne lui brisera pas un os. (Ex 12.46)
* Le tombeau du riche :
On lui a donné un sépulcre avec les impies et sa tombe est avec le riche. (Is 53.9)
Allez, j'arrête d'en jeter. ça fait mal aux yeux. De toute façon, c'est déjà terminé le match. L'article Thèse mythiste du Wiki (ou plutôt les pages de discussion) l'a très bien indiqué. Si ce n'est pas académique, tout auteur arrivant avec une thèse sur Jésus qui ne confirme pas le principe que nous avons affaire à un personnage qui a existé, est nulle, non avenue et on peut la jeter au feu.
A vrai dire, la majorité de la population mondiale s'en fiche complètement des arguments sur le sujet. On a classé l'affaire depuis belle lurette : "personnage historique dont la biographie a été romancée par ses disciples". Voilà, fin du débat sur le sujet. Affaire suivante...