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Message
par Dave » 16 oct. 2011, 09:46
Bonjour à tous!
Mon apport au sujet de la conscience est — pardonnez-moi — vraiment très modeste et plutôt de nature philosophique.
Il existe plusieurs définitions possibles de la conscience qui sont plus ou moins précises, voire contradictoires. Je suggère de ne pas considérer la conscience comme étant l’âme (ou l’esprit) qui soit une substance complètement distincte du corps « dit » matériel. Il me semble plus adéquat de chercher une compréhension dans le monisme que dans le dualisme corps-esprit. En effet, je pars du principe que tout serait fondamentalement relié. Comment deux substances complètement distinctes pourraient-elles interagir ensemble? Pour que deux substances puissent interagir, ne faut-il pas qu’il existe forcément « une » réalité qui englobe chaque substance (qui « apparaît » distincte de l’autre) dans un fonctionnement plus large? Comprendre intellectuellement un phénomène n’est-il pas, en partie, justement de trouver ce genre de réalité (théorique)?
J’entends ici la conscience comme étant la connaissance (ou la perception consciente) de quelque chose de façon immédiate (ou presque). Je n’arrive pas à lui donner une définition positive explicite sans faire intervenir le terme lui-même dans sa définition. Il semble que cette difficulté viendrait en partie du fait qu’elle serait intrinsèquement subjective (pourtant bien réelle).
La conscience, dans son sens le plus élémentaire (l’éveil), est-elle un sujet d’étude scientifique? Oui, il le faut! Est-ce que tous les problèmes dits difficiles de la conscience pourront se ramener à des problèmes dits faciles de la conscience?
Bonjour Jean-François!
J’affirme que le savoir n’est jamais complet en soi, qu’il est relatif et qu’il y aura toujours des découvertes (scientifiques) à faire. Donc, inévitablement, il y aura toujours une certaine ignorance en lien avec notre condition humaine qui nous limite. Cette ignorance n’est évidemment pas la même qu’il y a 2000 ans. Comment pourrait-on penser le contraire? J’ai l’impression que l’ignorance se tasse progressivement vers des points de singularités et des points extrêmes souvent éloignés de notre vie quotidienne, ce qui est tout à l’honneur de la connaissance. La science est la meilleure façon de progresser.
Par contre, il me semble hautement improbable que l’activité scientifique s’épuise un jour et donc qu’une limite indépassable dans la connaissance apparaisse. C’est dans ce sens-là que je dis que le savoir est inséparable de l’ignorance. Pourquoi est-ce que je privilégierais l’ignorance? Ce n’est pas le cas. Je dis seulement que l’ignorance existera toujours (ç’a toujours été le cas jusqu’à maintenant) et qu’il existe une certaine beauté potentielle (étonnement, humilité) à cela, puisqu’il y aura toujours la possibilité de découvrir quelque chose de nouveau.
La beauté (façon de parler) se situe, à mon avis, surtout dans le processus de découverte scientifique même que dans un éventuel résultat définitif (qui resterait quand même relatif). Dans ce sens, il existe une grande humilité dans l’esprit scientifique lorsque l’humain faisant preuve de cet esprit est stimulé par le processus même de la découverte (même si cela demande parfois de pénibles efforts de préparations) et non par la trouvaille d’une supposée vérité finale.
La science est une définition qui prône une démarche qui permet inévitablement le progrès. Pour moi, dire « progrès scientifique » est un pléonasme. La réalité, c’est qu’il y a d’abord des scientifiques qui ont la volonté de faire de la science et donc d’être les plus objectifs possible. Je crois ainsi qu’il peut y avoir un progrès scientifique même si une infime subjectivité persiste. Plus cette subjectivité s’atténue (ou se détache si vous préférez) pour faire place à l’objectivité (ce qui est souhaitable), plus il y a de chance de progrès véritable. Je dis seulement que le scientifique est d’abord un humain, avec sa conscience, ces impressions, sa subjectivité inévitable, et qu’il y a toujours une mince possibilité qu’une subjectivité (minimale, ce qui est, pratiquement, négligeable) ou qu’une erreur de compréhension persiste malgré le succès d’un modèle scientifique. Je propose simplement qu’il faille en tenir compte dans certaines études scientifiques.
Par ailleurs, une théorie demeure néanmoins une approximation (dû à la limite des instruments) de la réalité, quelle que soit la qualité de l’approximation par rapport à la réalité qu’elle décrit ou prévoit. La théorie peut fonctionner sans que l’on sache exactement pourquoi. L’important, c’est qu’elle fonctionne. Par exemple, la fonction d’une machine n’a pas de subjectivité comme telle, mais cette machine a pu se concrétiser grâce, en partie, à la volonté (le rêve, une subjectivité) d’hommes déterminés. C’est dans ce sens que la subjectivité me semble toujours potentiellement existante. Si l’homme pouvait se détacher complètement de sa subjectivité, il deviendrait un jeu d’enfant (comme marcher sans devoir y réfléchir, voire un automatisme) pour lui de faire de la science.
Puisque la science se veut purement objective, il serait théoriquement possible un jour d’inventer un automate faisant de la science. Personnellement, je crois cela possible. M’enfin, c’est un autre sujet. J’ai l’impression de me perdre dans la sémantique. Peut-être aurait-il été plus simple de simplement dire qu’on ne peut pas ignorer la conscience dans la démarche scientifique. Mais, êtes-vous d’accord, au moins, sur le fait (ou la très grande probabilité) que le savoir, pour l’homme, ne sera jamais complet (ce qui n’est pas négatif, loin de là)?
Lorsque j’ai évoqué ce qui me semble être un paradoxe, c’était surtout pour montrer l’extrême complexité (à mes yeux, du moins) de comprendre « complètement » la conscience, même de manière scientifique. J’essaie de dire qu’il serait envisageable d’accepter la réelle possibilité qu’un « trou » (mystère) persiste dans la compréhension complète et acceptable de la conscience, ce qui n’empêche pas qu’il soit impératif de poursuivre les études sur tout ce qui touche ce sujet, évidemment.
Vous dites que la philosophie se « contente » (terme inadéquat, à mon sens) de fabriquer des thèses. Pour moi, l’activité philosophique se veut surtout une réflexion logique qui a pu amener à l’élaboration progressive d’une base scientifique solide. Elle permet en particulier d’établir des concepts qui aideront réellement les scientifiques. Elle n’est pas inutile. Mais dès qu’il y a l’expérience scientifique, par définition, elle devient absente, puisqu’on la remplace par le terme « science ». La science est l’outil le plus puissant pour s’éloigner du faux, mais pas le seul qui soit essentiel. De toute façon, la séparation entre la philosophie et la science n’est pas totale, puisque la logique les relie.
J’ai évoqué Gödel en supposant que la question de la conscience pouvait provoquer un paradoxe semblable à certains paradoxes (comme « cette phrase est fausse ») que Gödel a, semble-t-il, formalisé pour en montrer une incohérence associée. D’ailleurs, l’analogie d’Invité va dans le sens d’un possible paradoxe (où contenant et contenu sont confondus). Gödel a montré, si j’ai bien compris, la futilité de démontrer la cohérence des mathématiques… par les mathématiques, redonnant ainsi à l’intuition (donc à l’imagination et une certaine subjectivité) sa juste importance et son côté essentiel, même en science. Admettons que je ne l’ai pas mentionné, car, je vous l’accorde, j’ai probablement évoqué abusivement sa contribution dans notre contexte.
Néanmoins, pour moi, la question demeure. Comment, par exemple, comprendre complètement la pensée… par la pensée? Comment est-ce possible sans faire intervenir un paradoxe ou une sorte d’infini? Comprendre clairement la conscience ressemble étrangement à essayer de prouver un axiome. Autrement dit, peut-on faire mieux (scientifiquement) que d’établir des corrélats neuronaux avec des états de conscience ou d’inconscience (ce qui est déjà immense, je l’admets)?
Ce n’est pas parce que j’en parle dans un sens philosophique (sur ce forum) que je nie l’importance capitale de l’expérience scientifique. (Je n’ai pas de laboratoire, ni l’expertise requise malheureusement.) J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop de ne pas dire grand-chose jusqu’à maintenant ou d’exposer des questions prématurées.
Lorsque je dis que la conscience est l’essence de l’existence, je n’entends pas le terme existence dans le sens d’une existence relative et temporaire. Une conscience moins développée serait moins sensible consciemment au temps qui passe. Si l’individu (son corps) est mort, alors il n’y a plus de conscience de cet individu. Que se passe-t-il alors pour l’individu? Il ne se passe plus rien pour cet individu, car il n’existe plus.
L’individu est un concept en lien avec une observation évidente d’une différenciation avec son environnement. Il n’existe pas en soi. Mais, il est nécessaire d’utiliser le concept d’individu pour décrire une réalité anthropologique. Par exemple, la roche n’est pas fondamentalement différente de son milieu. Elle existe temporairement selon une apparence (forme) relative. N’est-ce pas la même chose pour l’individu? Je ne crois pas à une existence ontologique de l’individu qui n’est, en réalité, qu’un élément apparent temporaire parmi d’autres de l’environnement, comme la roche.
La science, par la description des mécanismes qui nous apparaissent, tend à montrer l’unité des choses en établissant sans cesse des liens entres les choses qui apparaissent totalement contradictoires ou complètement différence. Il me semble sensé de dire que tout est fondamentalement lié d’une certaine façon. Tout est dans tout. Comprendre consiste donc, en une certaine mesure, à bien distinguer et à bien relier les choses.
Si je meurs, je n’ai plus conscience de rien, ni du temps qui passe. Je ne peux donc pas faire l’expérience de l’inexistence. C’est dans ce sens simpliste que je pense que la conscience est l’essence de l’existence en soi (non relative), intemporelle. Il ne peut pas y avoir rien en soi. L’inexistence n’existerait pas (en soi), seulement de façon relative, ce qui permet l’expérience dans un système implicite de conscience/inconscience. Tout ceci est de nature métaphysique, j’en conviens. Je voulais simplement préciser le sens (que j’ai employé) du terme existence.
Chacun existe (est conscient) d’une façon différente. Je pourrais préciser beaucoup plus ma proposition philosophique (fort probablement infalsifiable, malheureusement), mais je crois sincèrement que ça deviendrait vraiment trop long (pour discuter sur un forum comme celui-ci), ennuyeux, hors contexte et inutile. Mon texte est déjà très long et je m’en excuse, ce n’est pas voulu. Comme je l’ai mentionné (et vous aussi, je crois), il faut attendre les données expérimentales sur les études des corrélats neuronaux avant même de commencer à peut-être penser modifier les lois de la physique.
Par contre, je ne dis pas que la conscience se niche au niveau atomique ou quantique. Mais, on ne peut quand même pas ignorer l’existence d’un lien entre ce qui est plus petit et ce qui est plus grand. Je pense à l’ADN, ou aux conséquences de la théorie du chaos. Il est clair, comme vous le soulignez avec rigueur, que la conscience est en lien avec l’échelle du cerveau. Cependant, il ne me semble pas exclut (pas encore) que certains mécanismes dynamiques et observables de neurones puissent parfois dépendre d’une échelle plus petite (niveau chimique, moléculaire, groupe d’atomes), sans nécessairement faire intervenir la physique quantique.
Scientifiquement, il me semble difficile de dissocier la conscience individuelle (celle qui est construite) de la pensée et des processus cognitifs. Tout dépend de comment on décide de définir le terme conscience. On n’a pas le choix scientifiquement de la définir comme étant (en lien avec) un certain mécanisme dans le cerveau. Le scientifique tente de mettre ce mécanisme en évidence. J’imagine toute l’ampleur du travail. C’est impressionnant. Comment pourrait-on faire mieux (pour l’instant) de toute façon? Je suis d’accord qu’il est primordial de commencer par là. En ce sens, je ne peux qu’être en accord avec vous. Mon propos n’avait pas pour but de suggérer une étude à l’échelle atomique dès le départ. J’essayais simplement de vous faire part de l’argument de la lampe magique d’Aladin.
La locomotion est d’abord un concept. Cependant, mettre la conscience au même niveau qu’un concept me semble un peu facile. Je ne suis pas prêt à dire que lorsque je souffre, ce n’est qu’une illusion ou un concept, même si c’est effectivement en partie une illusion, une construction, un concept. Je trouve seulement que le problème de la conscience est plus profond que la seule compréhension de l’activité neuronale, ce qui n’empêche pas que je sois d’accord avec pratiquement tout ce que vous dites. D’ailleurs, j’apprends beaucoup de choses captivantes en vous lisant. Je ne peux que vous en remercier. Désolé encore pour la longueur du texte. Ça ne devrait plus se reproduire. Merci de prendre tant de temps à écrire sur ce sujet.
Bonjour Denis!
Votre nuance est intéressante et montre bien toutes les subtilités de la question.
En effet, il y a des stades de conscience qui semble fortement en lien avec les capacités cérébrales. Ça me fait penser à une idée. On peut imaginer bien décrire le monde (disons) avec deux couleurs de base. C’est juste une analogie. On pourrait y incorporer toutes les subtilités de teinte pour les faire correspondre à différentes facettes de la réalité dans un certain modèle ou algorithme en conformité avec les observations. Imaginons une troisième couleur de base (la protoconscience). Il y aurait de nouvelles palettes de teintes pour y faire correspondre différents stades de conscience.
Évidemment, cette idée n’a rien de scientifique. (Je préfère le spécifier régulièrement pour être mieux compris.) Il est évident qu’il faut y aller une étape à la fois dans l’étude de la conscience qui risque de prendre vraiment beaucoup de temps. L’aspect philosophique nécessaire à la préparation d’une base solide pour entreprendre l’étude scientifique semble actuellement bien complété.
Avant de continuer cette réflexion, il est donc primordial de laisser le temps au travail scientifique de faire son œuvre. J’avoue que mes interrogations sont malheureusement prématurées et que je suis quelque peu impatient. C’est que j’aime partager mon opinion sur ce forum (ça m’a pris du temps avant d’en trouver un aussi pertinent que celui-ci), car vos réponses sont souvent très intéressantes.
Bonjour Dash!
Votre commentaire me fait grand plaisir. On dirait que vous m’avez parfaitement saisi. Je suis étonné par votre perspicacité d’esprit. Quoi dire de plus? J’ai parcouru quelque peu le forum avant de m’y inscrire, et je dois avouer qu’il y a certains commentaires (zozos) d’une incroyable absurdité. Ça peut réellement faire peur à des personnes moindrement équilibrées. Je comprends que les sceptiques scientifiques (sur ce forum) peuvent se méfier ou amplifier une interprétation pour savoir à qui ils ont à faire.
J’ai étudié les mathématiques à un niveau universitaire (je n’ai pas dit que j’étais le meilleur cependant) et, pour moi, il est important d’être précis et logique dans ses propos. En ce sens, je préfère mentionner régulièrement ce qui m’apparait relever de la science et ce qui m’apparait relever du contraire, en espérant être repris en cas d’erreur. Ce forum et ce site sont merveilleux pour y apprendre des choses pertinentes. J’espère, en retour, que mes quelques idées plutôt d’ordre philosophique ne seront pas trop endormantes. J’ai simplement le désir de les exprimer à des gens qui font preuve d’un esprit critique et d’une honnêteté intellectuelle. Je suis content que ça ne t’ennuie pas trop.
Cordialement.