Jules était-il même le légitime empereur de Rome? Dans mes souvenirs, il a pris le pouvoir sur un coup de force et les sénateurs ne l'ont jamais vraiment reconnu.
Oui et non.
D'abord, parce que la notion d'empereur est une notion qui est apparue tardivement et de facto à partir d'une construction politique d'abord floue. Octave n'a techniquement pas été empereur dans le sens où il n'existait pas de fonction d'empereur. Il prétendait restaurer la République et s'est simplement érigé en une espèce d'arbitre de cette restauration en s'octroyant de manière personnelle des pouvoirs au nom de l'autorité morale acquise par son ascendance et sa victoire sur Antoine. Techniquement il n'était qu'un citoyen auquel le Sénat avait accordé des honneurs particuliers en récompense de sa moralité, de sa piété et de son statut de défenseur de la République.
La fonction d'empereur est apparu après lui, lorsque c'est posé la question de sa succession et petit à petit, à mesure que, par habitude, on transmettait les même honneurs d'empereurs en empereurs, jusqu'à finalement créer de facto une fonction qui confère ces honneurs automatiquement et qui les reliait entre eux de manière informelle via le surnom d'Auguste et ceux de César d' imperator.
Ensuite, parce qu'il ne faut pas confondre ce qui est légitime et ce qui est légal.
César était clairement dans l'illégalité, mais ça faisait un moment que la République était grippée et il n'a finalement qu'exploité une tendance à justifier l'illégal par le légitime.
Pour un romain, la notion d'égalité entre citoyen n'existe pas. César, pour ce romain moyen est un général victorieux (imperator), un ancien consul et un riche patron (dans une société marqué par l'évergétisme).
Or ces trois éléments font de lui à la fois un homme politique légitime à revendiquer la dictature, un protégé des dieux puisqu'il est victorieux et un citoyen de l'élite puisqu'il est à la tête d'une nombreuse clientèle.
Pour la population de Rome, il était légitime à revendiquer le pouvoir, même si c'est illégal, parce qu'il a, d'une certaine façon, une respectabilité et une autorité morale supérieure, qui compte à Rome.
La primauté qu'a acquis le Sénat dans la République, alors qu'aucun texte légal ne le fait dépositaire d'un réel pouvoir coercitif (potestas et impérium des magistrat) lui vient d'ailleurs de cette importance de l'autorité morale dans les concepts politique romains et l'empereur, en se faisant nommer Auguste, surnom qui est à la fois relié à l'augure et à l'auctoritas, s'appropriait se concept pour être le primer inter pares parmi les citoyens romain.
Donc César n'a pas réellement fait un coup d'Etat militaire, celui-ci avait déjà été fait en plusieurs temps par les épisodes des Gracques, puis de Marius et Sylla et enfin le premier Triumvirat de César, Crassus et Pompée. Au moment où César prend le pouvoir, il chasse en fait un rival du pouvoir qui est déjà militaire à cette époque en combattant Pompée et obtient la légitimité par cette victoire. S'il se fait ensuite nommer dictateur et consul, c'est pour disposer légalement du pouvoir, mais il a déjà pour lui la légitimité de sa victoire.
Auguste fera pareil en plus subtil en faisant reposer son pouvoir uniquement sur cette légitimité et en ôtant tout cadre légal à son pouvoir, puisqu'il obtient, détaché de toute magistrature, la puissance tribunitienne, l'impérium et l'auctoritas (respectivement le droit de proposer des lois et d'intervenir au sénat à son gré, le droit de commander militairement et de punir civilement et la primauté morale sur les autres citoyens).
C'est toute la complexité de cette période, parce que si la politique repose sur la légitimité plus que sur la légalité à ce moment, les romains restent malgré tout profondément attacher au cadre de la loi. Ainsi, la population de Rome a accepté qu'Octave deviennent consul directement sans avoir à faire le cursus honorum parce qu'il était l'héritier de César et donc un citoyen de bonne ascendance, il était légitime. Malgré tout, ils n'auraient jamais été accepté qu'il face un coup d'Etat militaire. Ici la légitimité sert de garant à la légalité, jusqu'à une certaine limite.
Dans le cas de Césarion, c'est l'inverse. Césarion n'est pas reconnu par César, ce qui équivaut pour un romain à ce qu'il soit orphelin (le père a toute autorité sur ses enfants, y compris le droit de ne pas les reconnaître et donc de refuser d'être légalement leur père). Il n'aurait donc jamais pu revendiquer l'héritage moral de César faute d'être considérer comme légitime, parce que sans base légale à sa revendication.
S'il était un danger pour Octave, c'était moins comme héritier de César à Rome que comme pharaon d'Egypte et en capacité de rallier les populations de l'est de l'empire, moins enclines aux mœurs romaines.
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)