Bravo, vous venez de réinventer le diffusionnisme avec un siècle de retard et la sociologie de la contrainte sociétale sur l'individu avec 90 ans de retard.M'enfin a écrit :Je prends votre premier service au bond, commençons par la manière dont se forment nos idées. Pour moi, nos nouvelles idées se construisent à partir d'anciennes, soit par modification au hasard d'une de leurs parties, soit par intégration au hasard encore de deux ou plusieurs d'entre elles.
Blague à part, il s'agit d'une forme très résumé de ce qui se pense actuellement en sociologie, donc je suis globalement d'accord avec vous. La psychologie a largement montré que l'humain était un animal qui fonctionnait beaucoup par mimétisme au travers de l'apprentissage, de la preuve sociale, de l'instinct de groupe, ce qui fait qu'un humain vivant en société n'a jamais une idée tout seul, celle-ci est toujours le fruit d'une abstraction à partir d'une expérience (immédiate ou souvenir) qui sera ensuite influencé par les éléments de contrainte sociale et environnementale de l'individu (un individu ne pouvant concevoir une idée que dans les limites de sa conception de la réalité et si l'idée par la suite peut modifier cette conception, à l'origine, elle en est tributaire. Après, j'admets que "conception de la réalité" c'est un terme flou pour décrire quelque chose de vaste).
Cela dit, ça m'amène à être quand même critique sur le raccourci que vous faites et j'aimerais que vous développiez ce que vous entendez par "les idées se construisent à partir des anciennes".
S'il s'agit de dire qu'on ne fait que reprendre ailleurs les idées et donc que l'humain n'est qu'un vecteur de diffusion modifiant parfois une idée à la marge (thèse des diffusionnistes mais aussi des méméticiens et qu'on sait actuellement incapable d'expliquer toutes les situations d'émergence d'idée dans des sociétés). Je ne suis clairement pas d'accord avec ce prémisse.
Je pense que voir l'humain comme un vecteur d'idées passées et un facteur de modification aléatoire du stock d'idée, outre que ça me rappelle furieusement Platon et son monde des idées (je n'ai rien contre Platon, mais avoir l'impression de retrouver sa filiation dans des thèses scientifiques sérieuses quand on sait la valeur "scientifique" de ses écrits, ça me laisse un peu perplexe), est surtout passer à coté de la complexité des processus de pensée.
Je peux me tromper et je ne suis pas spécialiste du fonctionnement du cerveau humain, donc un spécialiste se chargera de sortir le baton à clou si je dis une trop grosse bêtise, mais selon moi, les idées ne sont pas des éléments distincts, dissociable de celui qui les emploie et qu'on pourrait catégoriser facilement comme des briques de connaissances délimitées et mesurables.
Selon moi, l'idée est avant tout le produit finit d'un processus de pensée et c'est en ça que personnellement je suis très opposée à la mémétique même si c'est une théorie séduisante, parce qu'elle ne prend en compte que le produit finit comme si c'était l'essence de la pensée.
L'idée, c'est un processus qui part de l'abstraction d'élément divers (idées plus anciennes, expériences, souvenir...) et abouti à un concept exportable ensuite à autrui, dans la mesure où l'humain est un animal social qui passe énormément par la transmission. La conceptualisation d'une idée (ce qui nous la rend distincte et explicable à autrui, est ce qui permet ensuite de la transmettre sans que le récepteur ait à reproduire le processus de pensée pour en comprendre l'essentiel.
En ce sens, l'idée est donc forcement dépendante du savoir précédent qui sert à la conceptualiser, mais pas une simple reproduction dans la mesure où une idée que l'on reçoit, si on peut la transmettre quand même, devient aussi un souvenir qui servira à d'autres idées.
Et c'est là, à mon avis, que la mémétique se trompe, en considérant qu'il existe une sorte d'essence des idées dans le mème, alors qu'une idée émise n'est pas l'équivalent d'une idée reçue. Une idée reçue est pour celui qui l'obtient, un souvenir, une expérience souvent indissociable de son contexte de réception, et sera donc interprétée selon ce contexte aussi quand elle resservira, soit à la création d'autres concepts, soit à une transmission pure et simple, mais qui demandera quand même un effort d'abstraction pour être transmise afin d'en détacher le contexte de réception.
Il n'y a donc pas "d'essence" des idées qui se transmettrait de proche en proche, mais systématiquement transformation d'un concept en souvenir et d'un souvenir en concept et ainsi de suite.
En cela, dire qu'il y a simple diffusion des idées comme si l'humain était vecteur et non acteur, me pose quand même problème, même en imaginant qu'il y a parfois mutation de l'idée, parce que, mais je peux me tromper, il y a, selon moi, transformation systématique, ne serait-ce que parce que le cerveau humain ne stocke pas les données sur un disque dur pour les ressortir à l'identique par la suite.
Quoi qu'il arrive, l'humain est acteur et une idée est en fait un mot à mon sens trop flou pour décrire tout un processus de transmission où l'humain transmetteur est toujours acteur parce qu'il réinterprète sans cesse l'idée qu'il transmet et cela même quand il pense la retransmettre à l'identique.
Mais je suis globalement d'accord avec l'idée que les idées humaines se "transmette" même si c'est ça pose le problème de définir ce qu'est une idée.
Voilà, j'espère ne pas être trop flou, mais je suis contraint par le flou qu'il y a dans le terme "idée", d'où une explication de mon point de vue peut-être difficile à suivre (et j'attends le bâton à clou des neurobiologistes ou des psychologues qui ne manqueront pas de m'expliquer qu'un humain ne pense pas de cette façon.)
Promis, si c'est trop confus ou trop mémétique-bashing (j'en fais la critique surtout parce que c'est la dernière mouture en date d'un dualisme idée/réalité, comme si l'un et l'autre était indépendant, qui remonte aux grecs et que je trouve passablement discutable d'un point de vue scientifique), promis je reformulerais mieux la prochaine fois.
Pour un peu d'histoire du diffusionnisme et du dualisme idée/réalité:
http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/l ... platon.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Diffusionnisme
http://ispef.univ-lyon2.fr/IMG/pdf_ADCM1.pdf