groucho_max a écrit :Mikaël a écrit :- Définition n°1 : Le réel comme ensemble de dispositions à produire des expériences (+ les expériences en question). [NDLR: a quoi j'ajoute ce que tu as ecrit a Jean-Francois] 'Selon cette définition, ce qui caractérise les objets sont leurs capacités à engendrer des expériences d'un certain type en fonction des individus et des autres objets. Par exemple, une "balle" "ronde" et "rouge" (les guillemets sont importants) engendrera une expérience perceptive de balle ronde et rouge chez un humain ordinaire, mais peut-être de balle ovoïde et bleue chez un extraterrestre.'
- Définition n°2 : [modifiee par tes soins, NDLR] Le réel comme ensemble de toutes les expériences (possibilité pouvant devenir concrète, pas possibilité dans l'absolu) et qui ont lieu effectivement. [NDLR: a quoi j'ajoute ce que tu as ecrit a Jean-Francois] 'Selon cette définition, ce qui caractérise les objets est ce qui apparait dans notre expérience perceptive. Et comme, pour un même objet, il peut y avoir différentes expériences perceptives en fonction des individus et des autres objets, ces différentes expériences perceptives constituent toutes l'objet. Ainsi, une "balle" "rouge" et "ronde" (les guillemets sont importants) est réellement rouge et ronde, mais si elle apparait ovoïde et bleue à, par exemple, un extraterrestre, alors, elle est non seulement rouge et ronde, réellement, mais elle est aussi bleue et ovoïde, réellement. C'est comme lorsque l'on dit "voici ma maison" alors que on en voit une certaine face et "voici encore ma maison" alors qu'on en voit une autre face complétement différente.'
Je vais faire le plus court possible (... c'est rate, mais je peux pas faire mieux). Cela implique un taux d'approximation critique. Qu'on veuille bien m'en excuser.
Une balle
est rouge parce que, tres tres grosso modo,
la substance qui la recouvre absorbe les
rayonnements qui ne correspondent pas a la
longueur d'onde (dominante)
"rouge". En outre, nous la
percevons "rouge" parce que, tres tres grosso modo, nous possedons des
photorecepteurs qui recouvrent
un certain spectre (dont le "rouge", ou plutot, certains "rouges") ou
une portion d'un certain spectre, puis
des cartes neuronales qui associent
une sensation de couleur a
un certain flux informationnel (qui passe au travers des
photorecepteurs, etc.). Un individu sans aucune pathologie visuelle ou cognitive
verra cette balle "rouge" (ou
a peu pres "rouge"). J'ai abrege drastiquement - et je vais continuer a le faire -, i.e. j'approxime grossierement, ce qui existe deja dans la litterature scientifique. Une abeille – ou un extraterrestre -
la verra bleu-violet - ou
ultraviolette - pour des raisons a peu pres similaires. Alors, la baballe, elle est "rouge" ou elle est "bleu-violet" (ou "ultraviolette")? Scientifiquement parlant, elle n'est ni l'un ni l'autre (ni l'autre): ce qui est mesure (par
l'"oeil" ou par
n'importe quel appareil de mesure dedie a cet effet), ce sont en tres gros
des longueurs d'ondes, certaines d'entre elles etant dominantes et d'autres negligeables voire absentes. Mais
la "fenetre" du spectre d'emission d'un truc X (la peinture qui recouvre la baballe par exemple), lui, est un invariant (modulo certaines alterations). Cette stabilite spectrale – bref,
le spectre d'emission - est une des
caracteristiques chromatiques de la baballe.
La "couleur" que l'observateur attribue a cette baballe depend evidemment des
proprietes de son systeme cortico-visuel: un etre humain
la verra "rouge", une abeille
"bleu-vert" et un extraterrestre (de Xulutl364)
ultraviolette (c'est ce qui se fait d'ailleurs quotidiennement en spectrometrie, en optique ou en radioastronomie: choisir une partie du
spectre d'emission d'
un truc afin de voir
des choses que l'on ne voyait pas en considerant une autre partie de son spectre). Cependant,
le spectre d'emission de
l'objet en question peut etre determine de facon absolument independante de l'observateur (... je me repete un peu). Ainsi, une fois determine
le spectre d'emission et
les modalites cortico-visuelles d'un observateur, il n'y a plus d'ambiguite a parler de
"rouge" pour un etre humain moyen, de
"bleu-violet" pour une abeille moyenne ou d'
"ultraviolet" pour un extraterrestre moyen (avec lequel on pourrait peut-etre etablir un dictionnaire chromatique base sur
le spectre d'emission traite par
nos systemes cortico-visuels respectifs) pour un meme
truc. La science a toutefois encore beaucoup de boulot sur la planche, en particulier en ce qui concerne un modele vraiment satisfaisant de
traitement de l'information visuelle. Bref.
La
rondeur de la balle est un probleme structurellement similaire. Il existe
des outils qui permettent de determiner
la courbure (meme variable) d'
un objet ainsi que
sa forme (meme si parfois seulement de facon grossiere ou parcellaire) et ce independemment des proprietes perceptives de l'observateur. Je simplifie, bien sur. Ainsi, si
le systeme visuel d'un extraterrestre etait de type thermique (la
forme d'une baballe pourrait alors
ressembler a l'union disjointe de deux calottes et d'une trace de main humaine: les calottes seraient les portions de surface chauffees l'une par le sol et l'autre par le soleil et la trace de main humaine aurait ete provoquee par le contact recent entre une main humaine moite et la baballe), grace a
ces outils, il n'y aurait aucune difficulte majeure (j'exagere) a etablir
les proprietes intrinseques de
l'objet puis eventuellement un dictionnaire qui permettrait de passer d'un langage visuel a l'autre (cela se fait par exemple en zoologie, en neurosciences - voir p.e. quelques liens deja cites ici-meme -, en astrophysique "observationnelle", en informatique (appliquee ou non), en recherche militaire, etc.). J'ai evoque un extraterretre, mais j'aurais pu par exemple parler de serpent a sonnette (meme si, je l'admets volontiers, il lui serait difficile de piger quoi que ce soit audit dictionnaire).
Bref, la demarche scientifique permet d'aller au-dela des
apparences et en-deca des mots (du langage naturel): elle ne s'interesse pas vraiment au fait de savoir si ta baballe est "rouge" ou "verte", mais plutot au comment et au pourquoi on parle de couleur d'une baballe, aux
"conditions au bord" de tout ceci, a
ses proprietes "intrinseques", etc.. Ainsi, ce qui semble te poser probleme parce que tu en restes au niveau de la description "brute" des choses inherente au langage naturel, n'en pose aucun, ou en tous cas beaucoup moins, lorsque la demarche scientifique y met son grain de sel (cette derniere permet en effet de formuler de facon precise et constructive des hypotheses qui passeront ou non le crible du controle empirique, et ainsi de suite, par approximations successives). Pour reprendre la metaphore proposee par Denis: la demarche scientifique cree des
cartes de plus en plus fines par tentative/erreur/tentative/..., des ponts entre
ces cartes et
le terrain, et le mode d'emploi de
ces cartes.
La chose ama interessante que m'inspirent tes exemples (couleur et forme) – et qui me turlupine just for fun depuis ma plus tendre enfance, ou presque - serait de savoir si la science et en particulier les mathematiques d'une hypothetique forme de vie extraterrestre dite avancee (encore faudrait-il s'entendre sur tous ces termes) seraient semblables aux notres. Je pense que oui, meme si leurs outils et leurs preoccupations pourraient etre extremement dissemblables aux notres. Bref, la nature a
ses "lois",
ses invariants,
ses structures et
ses sous-structures, ou que ce soit et pour qui que ce soit. Ainsi, par exemple, on pourrait imaginer qu'il existe une forme de vie dont le systeme cognitif repose sur les sons et qui, de ce fait, privilegierait peut-etre une topologie "exotique" basee par exemple sur la notion de forme puis de distance musicales/sonores (grosso modo, cela existe deja sur Terre, mais il ne s'agit pas de formes de vie "avancees" (a definir)). Cette forme de vie creerait donc, peut-etre, une science dont les outils formels seraient bases sur ces notions-la. Ces outils privilegieraient peut-etre a leur tour des aspects de la nature que nous delaissons. Mais, ama, "cette" science serait forcement 'isomorphe' a la "notre", i.e. si probleme il y a, il serait de traduction des langages et des outils formels respectifs et non pas de confrontation de "deux sciences structurellement differentes": la gravitation ou les nombres premiers auraient egalement un sens pour cette forme de vie, bien qu'elle puisse peut-etre les exprimer d'une facon un chouilla differente de ce a quoi nous sommes habitues. Bref, deux langages (au sens logique du terme) peuvent sembler extremement differents, voire incompatibles, alors qu'il s'agit de deux trucs isomorphes (=i.e. ayant la meme structure mais “contenant”
des objets/trucs ayant des noms differents, en gros).
Cependant, n'ayant strictement aucun element sous la main pour pouvoir appuyer mes dires (si ce n'est quelques vagues hypotheses concernant la nature), ce que je viens d'ecrire, dans ce dernier paragraphe, n'est evidemment que du vent, ludique et parfois peut-etre stimulant, mais que du vent quand meme.
Pour finir, revenons a
ta maison. Tu peux
la voir sous plusieurs angles. Chacun d'eux est
une "carte", i.e.
un "modele", de
ta maison. Avec un nombre suffisant de
cartes, et un mode d'emploi opportun, tu peux reconstituer
ta maison, i.e. tu peux fournir
un modele satisfaisant de celle-ci. Bref,
le "reel" n'est pas le fruit d'une 'definition a priori': il est "constructif"; on pourrait meme dire qu'en toute rigueur - et honnetete - il ne peut etre defini qu'"operativement" (au fur et a mesure, au cas par cas et par encerclements successifs).
groucho max