Pardalis a écrit :La Corée du Nord est une cause sans issue. Elle ne peut pas être réformée de l'intérieur, aucune révolte populaire n'est possible, et les pourparlers avec les grandes puissances n'ont jamais fonctionné, puisque le régime est incontrôlable et irraisonné
Ca c'est faux.
La stratégie diplomatique nord-coréenne a au contraire toujours été parfaitement maîtrisée et raisonnée (selon un raisonnement dangereux, mais un logique quand même).
Les deux dictateurs précédents ont toujours su manier la rhétorique guerrière pour énerver la communauté internationale juste ce qu'il fallait pour obtenir des concessions, concessions qui arrangent en fait tout le monde, puisque ça maintient le statu-quo que tout le monde souhaite. En fait, le cycle entre menace, sanction et concession se répètent depuis longtemps et arrange tout les partis en présence, que ça soit
-les USA qui garde par ce biais un positionnement stratégique pour éviter une main-mise de la Chine sur la mer de Chine
-la Chine qui garde à la fois un épouvantail et un Etat tampon bien commode sur une frontière avec une Corée qui, réunifiée, ne serait probablement pas pro-chinoise
-la Corée du Sud, qui s'évite le chaos au nord si le régime chute et la perspective, soit d'avoir la Chine encore plus près si la région est mise sous tutelle chinoise en cas de fin du régime, soit de devoir dépenser des milliards pour se réunifier ou du moins contrôler le chaos au nord.
-le régime nord Coréen qui trouve une légitimité bien commode avec un état de guerre constant permettant de désigner des boucs émissaires et un soutien tacite de tout le monde pour s'éviter le chaos et préserver le statu-quo.
Dans tout ça, c'est la Corée du Nord qui a les cartes en mains en fait, et les menaces de rompre le statu-quo que personne ne veut rompre ont toujours répondu à une stratégie rodée et maîtrisée. Derrière la rhétorique apparemment folle, il y avait une vraie stratégie de négociation et une vraie diplomatie.
Là où c'est différent actuellement, c'est qu'on a visiblement un jeune dictateur qui ne maîtrise pas ce jeu correctement et n'arrive pas à s'imposer chez lui ou plus précisément, la faction qui le soutien n'arrive pas à s'imposer.
Il y a aussi le contexte qui a changé et la Corée du Nord ferait peut-être bien de le voir, car l'évolution de la géopolitique de la région est en train de bouger et il n'est pas sur qu'une Corée du Nord profitant d'un statu-quo pour jouer les trublions soit encore possible lorsque les équilibres de la région auront changé.
Pas sur que la Chine continue de tolérer un tel allié alors qu'elle essaie de se développer au delà de la mer de Chine. Possible que la Corée du Nord finissent par devenir un encombrant vestige d'une stratégie politique de la Chine qui évolue doucement, mais évolue tout de même.
Si ça arrive, qu'est-ce que fera la Corée du Nord...
Sven003 a écrit :Je suis toujours un peu sceptique quand nous regardons le passé et que nous disons: "cela devait nécessairement se produire, c'était seulement le prétexte!"
Si je me réfère à mes cours d'épistémologie, c'est un raisonnement qu'un historien doit s'éviter d'avoir. La téléologie est l'un des plus insidieux sophisme qu'on puisse faire, parce que ça nous amène souvent à conforter une idée reçue plutôt qu'à analyser des causes.
Connaissant la "fin", on analyse les éléments antérieurs en fonction de cette fin que l'on a parfois préalablement associée avec une idée préconçue.
Il faut au contraire garder à l'esprit qu'au moment des faits, ça aurait pu se passer autrement et que les acteurs en présence, eux, n'avait pas forcement idée des conséquences d'une décision ou avaient des prévisions différentes de la réalité.
Ceux qui, actuellement, regardent la situation actuelle en se référant aux années 30 (rhétorique éculée en Europe en général et en France en particulier, que j'entends, avec une exaspération croissante de ma part, dans de plus en plus de bouches...à croire que les gens ont envie d'un retour du contexte puant des années 30 et vont finirent par l'auto-réaliser) font une analyse superficielle à partir de ressemblance éparses sans prendre le temps de faire un tableau plus général des deux époques pour en voir les dynamiques et surtout, sans s'interroger pour savoir si les ressemblances glanés ça et là dans les deux périodes forment des tableaux cohérents.
On peut pointer les ressemblances et craindre que ça n’amène certaines dynamiques similaires, mais faire du décalque ne mène à rien, d'autant qu'on peu aussi pointer les divergences, au moins aussi nombreuses.
Le problème, c'est que visiblement, beaucoup de monde s'adonne à cet exercice de jeu des 7 erreurs et ne tirent jamais aucune conséquences des échecs pourtant nombreux qu'entraine cette méthode d'anticipation. J'ai des gens dans mon entourage ou sur internet qui m'ont dit, convaincus, en 2010, que la crise allait provoquer la révolution en France, sous peu, parce qu'on était dans une situation qu'ils estimaient proche de 1789 et que la preuve, c'était les mouvements des indignés qui allait se répandre. Ce à quoi, j'ai répondu avec dédain que je n'y croyais pas un instant.
Résultat, 3 ans plus tard, les révolutions ont eu lieu en Afrique du Nord, la France n'a pas eu le début de quoi que ce soit de violent et les indignés ont disparus de la scène médiatique...
Et ceux qui m'ont dit ça prédisent toujours que "ça va péter".
La prochaine fois, je parie une grosse somme d'argent avec eux...

This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)