Cogite Stibon a écrit :Je ne vous comprends pas : sur quels critères vous appuyez-vous pour dire que l'affirmation "Jésus est ressuscité d'entre les morts" ne peut pas faire l'objet d'une analyse historico-critique ?
Bonjour Cogite stibon,
La préoccupation de l'exégèse moderne est de savoir ce qui, dans les évangiles et les autres sources disponibles, peuvent remonter à un Jésus historique ou non. Le but premier est de repérer les données qui sont fiables à l'aide de critères précis. Elle ne s'inscrit que dans le cadre historico-critique et s'occupe du "réel" en fonction de ce qui existe dans ce monde du temps et de l'espace, en fonction de ce qui peut être expérimenté en principe par tout observateur et en fonction des déductions ou conclusions que l'on peut raisonnablement tirer de cette expérience.
C'est la théologie qui affirme l'existence de réalités ultimes qui sont au-delà de ce qui est strictement empirique ou accessible par la seule raison : par exemple le Jésus ressuscité dont vous parlez.
Ainsi, s'interroger sur la relation entre le Jésus historique, reconstruit à partir de la recherche historique moderne, et le Jésus ressuscité revient à passer du domaine strictement expérimental ou rationnel au cadre plus large de la foi et de la théologie.
Si exégèse et théologie peuvent s'interpénétrer et ne sont pas totalement étrangères l'une à l'autre, elles demeurent néanmoins deux disciplines distinctes.
J'en profite pour ajouter quelques éléments.
La façon de travailler de l'exégète n'est pas différente pour Jésus que pour n'importe quel autre personnage de l'antiquité. Il n'est pas plus simple de reconstituer les vies de Thalès ou ou d'Apollonios de Tyane, d'Akhénaton ou de la plupart des personnages de l'Antiquité que celle de Jésus. Le problème du manque de sources n'est pas propre à Jésus.
Les chercheurs n'ont pas la prétention d'exhumer le "Jésus réel" qui restera à jamais hors de portée si l'on entend par là une biographie raisonnablement complète. C'est pourquoi ils parlent plus volontiers du "Jésus historique".
L'exégète moderne met entre parenthèses tout ce qui a trait à la foi chrétienne, ce n'est pas son objet d'étude. Les résultats obtenus n'ont pas pour finalité de fournir un objet de foi. L'exégèse n'a pas pour ambition de se positionner sur, par exemple, la résurrection de Jésus, tout simplement parce que cela est au-dessus de ses compétences.
Il existe deux types d'individus qui sont opposés à ce type de recherches : d'un côté, les partisans du "Jésus mythique" (dont Rodolph Bultman est le principal représentant) pour lesquels cette recherche est illégitime et historiquement impossible et de l'autre, les fondamentalistes pour lesquels elle représente une menace pour leur foi. Les premiers considèrent que les sources sont trop minces, trop fragmentaires et trop marquées théologiquement pour espérer dégager une quelconque vérité historique. Les seconds prennent naïvement le Jésus présenté par les quatre évangiles pour le Jésus historique. Toutes les tensions et contradictions existant entre les quatre récits sont harmonisées au prix de surprenantes acrobaties mentales...