Hibou a écrit :Ma question initiale est très simple: de quoi je suis fait? En quelle matière je suis?
Votre question n'est pas simple car elle repose sur le flou de ce qui est désigné par "je". De plus, vous supposez que votre question doive absolument avoir une réponse définitive. Celle-ci n'est pas encore disponible, personne ne le nie... sauf les zozos pour qui "un truc dont on ne sait rien situé quelque part et qui interagit on ne sait comment avec le cerveau" constitue une Vraie Réponse. On a la Vérité qu'on peut.
Ma remarque visait à vous faire comprendre que, d'un point de vue rationnel, la réponse la plus "simple" est que vous êtes composé de molécules; molécules agencées en cellules, certaines étant des neurones, eux-mêmes connectés de manière complexe pour former un organe extrêmement complexe, le cerveau, et que c'est cet organe qui génère la conscience.
C'est la réponse la plus rationnelle car, d'une part, même si on ne connait pas tout sur le fonctionnement du cerveau on en connait suffisamment pour soutenir cette réponse. D'autre part, l'alternative proposée étant "quelque chose dont on ne sait rien situé quelque part on ne sait où et fait on ne sait quoi on ne sait comment mais qui fait qu'on est conscient", cela entraine un degré d'ignorance immensément plus grand. On peut évidemment donner l'impression que tout peut s'expliquer par ce "quelque chose" car c'est une sorte de joker auquel on peut prêter toutes les propriétés que l'on veut. Sauf que si on peut tout expliquer avec, on n'explique rien du tout dans les faits.
Si je ne suis qu'un amas de molécules produisant des pensées et une conscience, alors ce "machin" devrait fonctionner tout seul, sans que j'intervienne
Votre cerveau fonctionne beaucoup "sans que vous interveniez". On peut démontrer que vous n'êtes conscient que d'une assez faible portion de ce que votre cerveau effectue comme tâches* ou de ce que vous percevez de votre corps et de votre environnement. Surtout, lorsque votre cerveau ne fonctionne pas ou mal, cela affecte votre "je" au point même qu'il peut "disparaitre". Et s'il disparait, vous ne savez même pas qu'il disparait.
* Exemple: lorsque vous avez les yeux ouverts, vos corps genouillés latéraux sont constamment actifs. (Les CGL sont les principales structures de relais des inputs provenant de la rétine vers le cortex visuel primaire.) Vous n'êtes absolument pas conscient de cette activité mais vous ne verriez rien s'ils n'étaient pas actifs. Pas du noir, rien. Et si cette condition perdurait depuis un moment vous n'auriez même pas l'impression de ne rien voir.
Or je vois bien que c'est "moi" qui au final prend une décision, pas le tas de molécules que je suis. Donc, qui est celui qui prend la décision?
Différentes études montrent qu'il existe un décalage entre une prise de décision et la conscientisation de cette prise de décision (expériences de
B. Libet, par exemple). Le second phénomène arrive toujours après le premier, parfois longtemps après (cela peut aller jusqu'à quelques
secondes après). Cela suggère fortement que la conscientisation découle de la prise de décision réelle et non l'inverse. En d'autres termes, dans une situation donnée nous ne faisons pas réellement des choix conscients, qui s'expriment plus souvent qu'autrement par des comportements. (Comme nous sommes conscients de - certains - de nos comportements, nous pouvons éventuellement apprendre à les modifier par la suite.) On peut voir la conscience comme une sorte d'illusion résultant de l'analyse rétroactive et sélective de l'activité du cerveau (et du reste du corps). Si je dis sélective, c'est parce que les réseaux qui font cette analyse ne sont jamais concernés par toute l'activité cérébrale à un moment donné.
L'approche bouddhiste est intéressante: il n'y a rien, nous ne sommes que du vide
Pas sûr que ce soit l'"approche bouddhique".
Jean-François