Tania a écrit :je n'ai pas l'intention de développer plus que cela avec toi.
Ravi de l'entendre. Si tu préfères parler boutique, autorise-moi à remettre un peu d'ordre dans le vilain bazar qui réside entre tes deux oreilles.
Le Jazz est une musique savante à part entière, et beaucoup de ses plus grands représentants sont des musiciens très cultivés qui connaissent leurs classiques. À moins que tu considères que Chick Corea, Keith Jarrett ou Thelonious Monk ne sont pas de vrais jazzeux. Libre à toi de prôner l'ignorance, mais les gens qui ont construit et développé la musique que tu joues savaient de quoi ils parlaient. Eux.
Je suis au regret de t'apprendre que tes explications théoriques sont erronées, quel que soit le cadre dans lequel on les place.
Tania a écrit :De plus, le DO 7/4 ne se résout pas immédiatement de la note SIb à la note LA de l'accord de Fa, sinon j'aurais parlé de Fa quarte. Lorsqu'à la basse on a un Do et qu'on veut aller sur l'accord de Fa on résout d'abord le Do en passant de la note Fa à la note Mi, et seulement ensuite on va vers le Fa.
Cher ange, tu fais fausse route, et tes principes me semblent complètement ringards. On peut parfaitement résoudre directement sur un deuxième renversement de fa majeur sans recourir à la sensible. Par exemple, on peut imaginer que l'accord précédent était un si bémol majeur, et nous obtenons une cadence plagale. Ou alors, si l'accord précédent était un ut majeur en position fondamentale, on obtient une cadence imparfaite. Je te suggère ensuite de poursuivre sur une neuvième de dominante sans fondamentale, toujours en gardant le do à la basse, puis de revenir à l'ut majeur. C'est ce qu'on appelle une pédale de tonique. Bien sûr, les possibilités sont infinies.
Tania a écrit :Il existe des règles classiques, du style on ne met jamais la tierce de l'accord en basse, qui sont complètement dépassées.
Cette règle est d'autant plus dépassée qu'elle n'a jamais existé. La tierce à la basse, ou premier renversement, a toujours été abondamment utilisée. Mais tu faisais peut-être référence au deuxième renversement, celui dont la quinte est à la basse, et dont le caractère fortement tonal est volontiers mis à profit pour préparer une cadence parfaite. Utilisé tel quel au milieu d'une phrase, il risque de dérouter l'oreille, ce qui peut être délibéré mais ne doit pas être amené maladroitement. Il n'a cependant jamais été interdit.
Tania a écrit :dis-moi sur un accord de Do 7/4 statique, c'est à dire sans suite harmonique et sans résolution, qu'est-ce que tu emploierais comme gammes tonales et pentatoniques pour improviser
La réponse courte serait que je n'improviserais pas sur cet unique accord parce que ce serait chiant. La réponse longue serait que, au regard de ma formation, je n'emploierais probablement pas de gammes pentatoniques mais une gamme de fa, mineure, majeure, les deux, que sais-je ? Naturellement, je pourrais toujours avoir recours à des altérations sans proprement changer de mode. Ou alors, je pourrais me prendre pour Liszt et me lancer dans des explorations atonales au nez et à la barbe des degrés et fonctions. Si tu essayes de prouver que ma réponse est différente de la tienne, c'est un but contre ton camp, car ça démontre justement la prépondérance du contexte culturel.
Tania a écrit :si tu t'y connais en improvisation spontanée, ce qui me parait très peu probable pour un gars qui ne parle que de technique et de réflexion
Quand tu auras terminé d'étudier le contrepoint et l'histoire de la musique, tu comprendras qu'il existe une longue tradition d'improvisation dans la musique savante occidentale. Pas seulement des licences liées à l'interprétation, pas seulement du continuo (une technique comparable à ce qu'on trouve dans le Jazz, sauf qu'au lieu d'une grille d'accords, on improvise sur une basse chiffrée), mais aussi de l'improvisation libre à proprement parler.
Vois-tu, mon garçon, des siècles avant les fameux récitals de Liszt, les clavecinistes et organistes se livraient déjà à des duels d'improvisation, et à en croire les témoignages d'époque, ça chiait régulièrement des bulles. L'orgue, par excellence, est un instrument d'improvisateurs. Buxtehude improvisait, Bach père et fils improvisaient, Mozart improvisait, Chopin improvisait, Saint-Saëns improvisait, Fauré improvisait, et la tradition est encore vivace de nos jours pour qui sait où chercher. Mais l'improvisation, fiston, ça s'apprend. Ce n'est rien d'autre que l'application en temps réel d'un savoir théorique que tous les bons musiciens partagent dans une certaine mesure. Même Django, autodidacte proclamé, connaissait ses gammes et ses degrés sur le bout
du des doigts. Notre point de désaccord principal, que je vais maintenant publier dans sa troisième édition, reste donc la définition du mot "spontané" :
Piobaire a écrit :J'ai l'impression que toi, Mireille et d'autres, chacun à sa façon, parlez d'intuition comme on parle de hasard : pour rationaliser des systèmes complexes dont les détails nous échappent. Peut-être pourras-tu donner une définition plus précise à ce terme équivoque.
Au plaisir d'obtenir une réponse de l'un d'entre vous.