Elle met surtout l'accent sur la lutte entre la faction ultra-conservatrice du Sénat (appelée les Boni) et les réformistes qui n'hésitent pas à prendre le pouvoir par la force pour faire aboutir leurs réformes. Ceux-ci ont comme hypothèse que la République a évolué depuis sa fondation et que sa constitution est devenue obsolète. Les Boni, eux, veulent faire respecter le mos maiorum, la coutume des ancêtres.
Mouais...c'est une vision un peu trop moderne et anglo-saxone ça.
Je suppose que les factions présentées se réfèrent à ce qu'on appelle classiquement Populares et Optimates, mais je ne sais pas si on peut vraiment parler de faction dans le sens moderne que le terme a pris en politique et surement pas voir des conservateurs et des réformistes de la même manière que les partis politiques qu'on trouve aux USA ou au UK.
Les optimates (les conservateurs si on veut...) prennent tout autant le pouvoir par la force que les populares à cette époque, et imposent tout autant des réformes. En fait, les deux factions sont réformatrices et conservatrices en même temps, ça dépend des gens et de leurs ambitions. Un type comme Pompée, par exemple, est en général considéré comme optimates et pourtant il met en place une structure totalement hors des cadres républicains classiques en établissant le triumvirat avec César et Crassus. A l'inverse, le chef des files des populares que devient Octave, s'appuie sur une idéologie très conservatrice tout en vidant en fait la République de sa substance en prétendant la restaurer.
Donc le clivage est plus une question d'ambition et de vision du pouvoir, sachant que tous sont des sénateurs fortunés qui prennent la République pour leur terrain de jeu personnel quelque soit leur bord.
En fait, s'il fallait trouver un clivage idéologique, c'est plus dans la manière d'exercer le pouvoir que dans le fait de réformer ou pas la République.
La République romaine repose sur plusieurs principe de droit reliés à la religion dont les principaux sont la "postestas" (le pouvoir d'agir du magistrat), "l'imperium" (le pouvoir de commander aux citoyens et de juger) et "l'auctoritas" (terme difficile a traduire, mais qui décrit plus ou moins une autorité morale qui fait qu'on a le dernier mot).
A ça, s'ajoute les qualités individuelles du citoyens dont les plus importantes sont la "virtus" (la force morale) et la "pietas" (le dévouement envers la cité).
Les optimates se réfèrent largement à une vision du pouvoir qu'on pourrait qualifier effectivement de traditionnelle, s'appuyant sur l'arme politique du mos maiorum (arme politique, parce que dans les faits, le mos maiorum n'est pas quelque chose de figé) et les mythes d'origine pour prétendre que la nobilitas romaine (les sénateurs donc) a une sorte d'autorité morale sur la République qui justifie leur droit à la gouverner. De ce fait, le peuple n'est pas considérer comme celui qui fait la loi, même s'il la vote ou qui fait les magistrats, même s'il les élit, mais uniquement comme celui qui avalise le choix des sénateurs dont l'autorité est naturelle, en votant les lois que le Sénat aura validé au préalable et en élisant les magistrats parmi les sénateurs. Il considère également que la virtus des sénateurs est évidente, puisqu'ils sont de familles anciennement dévouées à la république.
Tout ça se cristallise autour de la lutte contre les pouvoirs du tribun de la plèbe, qui sort justement de ce cadre sénatorial optimates et qui peut se servir de son pouvoir contre l'auctoritas du Sénat, ce qui est insupportable aux optimates (d'où la quasi destruction du titre sous la dictature de Sylla.)
Mais sous des dehors conservateurs, ils entendent en réalité bien réformer la République, puisque leur idée de la République revient à abolir des pratiques et des magistratures qui sont en réalité bien ancrée et ancienne (le tribunat de la Plèbe notamment est ancien).
Au delà de tout ça se joue aussi un enjeu de pouvoir, puisque les optimates sont en majorité de grands propriétaires terriens faisant partie de la nobilitas depuis de nombreuse génération et qui écrase la petite paysannerie italienne. C'est contre eux que les Gracques, alors tribuns de la Plèbes, tentent d'aller en réformant le système au profit des petites propriétés, conduisant à cette coupure du Sénat en deux factions qui étaient moins évidente avant.
Les populares, à l'inverse, considère plus volontiers le pouvoir du peuple comme ressort du vote des lois et refusent en partie l'idée d'une autorité légitime des membres de la nobilitas (dont ils font cependant partie en majorité). S'ils sont d'accord avec l'idée que le prestige familial et la virtus individuelle compte (César s'inventera même une ascendance divine), ils sont moins enclins à adhérer à la vision "aristocratique" des optimates.
Après, les populares sont une faction moins structurée qui est composé à la fois de personne entendant briser les blocages politiques et sociaux sur lequel s'appuie les optimates, mais aussi d'ambitieux qui voit dans cette faction une possibilité d'acquérir des alliés politique qu'il n'aurait pas eu ailleurs.
Le terme de réformateur ne s'applique pas forcément à eux, dans la mesure où il s'appuie aussi sur des mécanismes républicains déjà en place, mais ils refusent la conception qu'on les optimates de la manière dont ces rouages doivent fonctionner.
Evidement, tout ça finit par dégénérer quand la lutte devient un terrain de jeu pour les ambitieux et s'il y a un certain nombres d'idées communes entre les chefs de files qui obtiennent tour à tour le pouvoir (Les Gracques, Marcus, Sylla, Pompée, César, Marc-Antoine, Octave...), leur manière de les exprimer varie considérablement (les Gracques, ou Marcus, par exemple, pourtant populares, passeront par la voie "légale", quand Sylla se fera sans vergogne nommer dictateur bien que partisan d'un sénat optimates).
Quand au mos maiorum, c'est un contresens d'en faire une constitution. La République est largement un élément coutumier et jurisprudentiel à l'époque, il n'existe aucune réelle constitution, ni texte fondateur, seulement des mythes qui justifie les grandes institutions et les principaux mécanismes de fonctionnement. Comme dans la majorité des cités antiques d'ailleurs.
Là encore, tout ça est assez compliqué à appréhender pour quelqu'un de maintenant, parce qu'on aura tendance à avoir une lecture de la question selon des grilles de politique moderne, en voyant dans le mos maiorum une constitution, dans les factions des partis politiques luttant pour des idéaux et dans l'opposition entre les deux une querelle essentiellement politique.
Alors qu'en fait, la querelle va bien au delà, elle est politique, mais aussi sociale et d'une certaine manière religieuse, car la République est par définition religieuse.
Le meurtre des Gracques par exemple, qui est un élément fondamental dans la cristallisation de cette opposition, est vu comme un sacrilège et le fait d'attenter aux pouvoir du tribun de la plèbe pour faire du Sénat le seul centre de la République est aussi l'objet de querelle avec un fond religieux (ça n'est d'ailleurs pas pour rien si la puissance tribunitienne que s'octroie par la suite les empereurs est un fondement essentiel de l'établissement de leur pouvoir, parce qu'au delà de la question institutionnelle, l'enjeu religieux que pose l'origine sacrée des pouvoirs politiques est considérable).
Mais bon, on s'écarte pas mal du sujet des pyramides.
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)