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Conférence de Jacques G. Ruelland, 13 avril 2005
Voici quelques commentaires sur le paragraphe « Définition... » au début et sur
« Les 8 thèses... » vers le milieu du compte-rendu.
Ce qui est en vert est le mot à mot du compte-rendu. Il a été rédigé à partir de
l'enregistrement audio de la conférence et le texte a ensuite été révisé par une autre
personne par rapport à cet enregistrement.
Définition de la sociobiologie
La sociobiologie est l’étude systématique du fondement biologique des
comportements sociaux des animaux et des humains. Formulée en 1975 par
Edward O. Wilson, cette théorie, que Ruelland considère doctrinaire, a eu une
histoire scientifique mouvementée. La sociobiologie s’est rapidement intégrée à la
culture occidentale et possède encore aujourd’hui certains adeptes,
particulièrement dans le domaine des sciences humaines.
Je crois surtout que la sociobiologie possède beaucoup d'adeptes parmi les biologistes.
On peut distinguer la sociobiologie animale de la sociobiologie humaine.
Oui on le peut toujours mais je ne pense pas que les sociobiologistes le souhaitent. Il est
clair que lorsqu'on aborde l'humain, peu importe la discipline, on doit faire montre de
prudence et de discernement. Ce qui s'applique aux fourmis s'applique à l'humain mais,
dans ce dernier cas, on doit tenir compte de paramètres additionnels comme sa faculté de
s'informer et de raisonner.
En fait, ces « paramètres additionnels » ne changent pas la nature génétique de l'être
humain. Lui aussi est programmé pour se reproduire mais ils expliquent pourquoi il ne
répond pas au programme aussi simplement qu'une fourmi ou un gorille.
Alors que la première a des prétentions à la scientificité, ce n’est pas le cas de la seconde.
Facile à dire mais un survol rapide des travaux scientifiques en sociobiologie démontrent
que c'est totalement non fondé.
Pourtant, la plupart des études portant sur la sociobiologie confondent ces 2 types,
Évidemment, pour la raison que je viens de donner.
[...] ce qui met en évidence le désir des sociobiologistes de fonder la sociobiologie
humaine sur les avancées de la sociobiologie animale.
Premièrement, il n'y a qu'une sociobiologie et, oui, c'est une voie qui doit être explorée
parce qu'elle peut apporter une lumière nouvelle et inédite sur la compréhension de l'être
humain. Selon moi c'est, avec un siècle de décalage, la suite logique des travaux de
Darwin dans la compréhension de la nature humaine.
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Passons maintenant aux 8 thèses.
Les 8 thèses de la sociobiologie (À peu près au milieu du compte-rendu de la conférence)
Selon Ruelland, la sociobiologie permet d’expliquer, de justifier certains comportements
à travers les 8 thèses suivantes. Les voici rapportées presque textuellement :
1 - Les hommes et les animaux développent des comportements sociaux qui tout en étant
semblables dans leurs manifestations (par exemple l’altruisme) sont identiques quant à
leurs causes communes : la présence de gènes appropriés dans le bagage génétique de
l’individu.
Que dire là-dessus ? Je suis bien d'accord. C'est à se demander si M. Ruelland n'a pas été
mal cité...
2 - Le comportement social humain est le fruit d’un déterministe génétique et non le fait
d’un choix délibéré de l’individu résultant de son seul arbitre, [...]
Voilà ! On commence à tomber dans la démagogie. La sociobiologie n'a jamais prétendu
que le comportement social humain, d'aujourd'hui, et dans son ensemble, était déterminé
par les gènes. Il faut s'en tenir à la partie du comportement social qui a une incidence avec
la reproduction. Je dirais même un rapport direct avec le succès reproductif. Le gène qui
ne passe pas le test de la reproduction est éliminé, il n'y a pas de pardon.
Quand au choix délibéré de l'individu résultant de son seul arbitre, il existe et personne
ne le nie. Ce choix, non programmé génétiquement a lui aussi une incidence sur le succès
reproductif mais il ne compte pas en sociobiologie. C'est un peu comme l'héritabilité des
caractères acquis lorsqu'on parle de sélection naturelle : ça n'a pas de rapport.
C'est pourquoi, pour parler de sociobiologie, je préfère éviter les exemples pris dans notre
monde contemporain et m'en tenir à Cro-Magnon, ou aux sociétés animales. Quand je
parle de Cro-Magnon je veux dire des débuts de la vie, jusqu'à Cro-Magnon. D'un autre
côté, je suis le premier à admettre que ce qui fascine dans les thèses sociobiologiques c'est
lorsqu'on les applique à des situations bien quotidiennes et bien réelles d'aujourd'hui. C'est
fascinant pour moi mais, semble-t-il, c'est choquant et déplaisant pour d'autres.
Ruelland terminait cette deuxième thèse ainsi :
[...] ou d’un déterminisme global (matériel, social, etc.) ou d’un destin transcendant.
Bon, le destin transcendant, on peut passer. Quant au déterminisme global... je ne sais pas
de quoi il parle.
3 - L’altruisme n’est pas moins essentiel que l’égoïsme à l’évolution des espèces, car ce
qui était compris comme un comportement instinctif est en fait la conséquence d’un gène.
Ainsi, le comportement agressif aussi bien que le maternage (l’acte par lequel une mère
allaite son petit) et certaines préférences (par exemple l’homosexualité ou le fait que
certaines personnes sont attirées par les sucreries) sont dictés par le bagage génétique.
Comment donc peut-on guérir quelqu’un de l’agressivité ? Selon la sociobiologie, il n’y
aurait rien à faire, si ce n’est que l’éliminer.
Je n'ai pas voulu couper cette perle. Prenons la première phrase : Ruelland semble dire
qu'il y a une différence entre un comportement instinctif et un autre qui serait la
conséquence d'un gène. Bizarre...
Un comportement instinctif c'est quelque chose d'inné. Tout le monde est d'accord ? Donc
quelque chose de génétique, autrement dit la conséquence d'un (ou de plusieurs) gène.
Ensuite, pourquoi guérir quelqu'un de l'agressivité ? Si, comme il dit, ça fait partie du
bagage génétique pourquoi utilise-t-il le terme « guérir » ?? Ce n'est pas une maladie.
L'agressivité fait partie des comportements naturels que l'on retrouve partout chez les
êtres vivants.
Il n'y a que chez l'homme où ça peut parfois causer un problème mais l'éducation devrait
facilement convaincre tout être humain que l'agressivité, toute naturelle qu'elle soit, doit
être contrôlée pour que la vie en société demeure harmonieuse.
Dire, comme Ruelland le fait, que la sociobiologie suggère d'éliminer les personnes
agressives est de la pure démagogie, sinon du délire.
4 - L’accent mis sur le caractère de la dominance dans le monde naturel amène
naturellement à une stratification de la société et des sexes. Ainsi, puisque les hommes
sont plus forts que les femmes, il est naturel au sens génétique que les premiers frappent
ces dernières.
Cette idée est complètement insensée !! La mère est plus forte que son enfant aussi ; est-il
naturel qu'elle le frappe ? On ne voit même pas ça chez les animaux.
Dans la nature, la violence gratuite n'existe pas. Il y a toujours une raison, la plupart du
temps on tue pour manger.
Quant aux humains, il n'y a qu'à regarder l'histoire pour voir que la violence est
omniprésente. Mais la raison peut venir à bout de la violence. Comme je le répète
souvent, l'humain est doté d'émotions et de raison. Les premières sont innées alors que
dans le cas de la seconde, ce qui est inné c'est uniquement un potentiel qui se développera
avec le temps et l'expérience de la vie.
L'image caricaturale qui nous montre l'homme de Cro-Magnon qui traîne sa femme par
les cheveux nous fait rendre compte du chemin parcouru depuis cette époque en terme de
prise de conscience de notre humanité.
5 - La sociobiologie prouve de ce fait que les hommes sont naturellement inégaux. Cette
inégalité consacrée dans la nature rend vaines toutes les tentatives que nous pourrions
faire pour nous sentir égaux.
La sociobiologie ne prouve rien du tout. Si elle fait quelque chose c'est simplement
d'expliquer un fait qui est connu depuis toujours : les hommes ne sont pas égaux. Pas plus
que les animaux. Je ne sais pas si cette inégalité est « consacrée » dans la nature,
consacrée par qui ? Par quoi ? Pourquoi ? C'est comme ça et nous ne pouvons rien y faire.
Chez les humains c'est autre chose. Bien avant la sociobiologie, les religions, puis les
philosophes, puis les humanistes ont prêché pour la justice et l'égalité entre les humains.
On a inventé la démocratie, on a écrit les chartes des droits, on a construit des hôpitaux et
mis sur pieds toutes sortes de programmes sociaux dans le but de créer artificiellement
une égalité qui n'existe pas naturellement.
Quels propos démagogues et malhonnêtes que de blâmer la sociobiologie pour une
situation qui existe depuis que le monde est monde et depuis que l'homme existe. La
sociobiologie tente d'expliquer et non de justifier.
6 - Le comportement humain n’est qu’une technique par laquelle les gènes voient à leur
survie et à leur reproduction. Ainsi, nos comportements sont un moyen d’assurer la survie
de notre bagage génétique. Par exemple, si on choisit de devenir prof de philo, c’est pour
plus s’épanouir, donc être heureux et ainsi vivre plus vieux. Ce sont donc les gènes qui
ont déterminé ce choix pour que ce corps puisse assurer la survie de son bagage génétique
et, de ce fait, sa descendance.
Je ne peux pas croire qu'un homme soit capable d'écrire des livres et de donner des
conférences et en même temps tenir des propos aussi insensés. Suis-je le seul à m'en
rendre compte ? Cette thèse est tellement tordue qu'on reste interloqué quand vient le
temps de répondre. On a plutôt le goût de dire à son auteur de retourner à l'école et de tout
réapprendre à partir de zéro.
Alors, oui, le comportement humain est une technique par laquelle les gènes voient à leur
survie et à leur reproduction (c'est la même chose).
Et oui encore, nos comportements sont un moyen d'assurer la survie de notre bagage
génétique. (On se répète là)
Quand à devenir prof de philo ou joueur de pipeau c'est local et contemporain alors que la
sociobiologie s'applique à l'humain et aux animaux sociaux dans leur ensemble et depuis
qu'ils existent. Les gènes d'un prof de philo en ont d'abord fait un homme. Un sur 6
milliards, donc attention de bien choisir ses exemples. En général, un humain se
débrouillera pour survivre selon la société et l'époque où il vit. Ses gènes l'ont fait pour
qu'il survive et qu'il se reproduise. Tout le reste est variable et il est déraisonnable de
laisser croire que le choix d'un métier moderne puisse être déterminé par des gènes qui
sont apparus bien avant l'existence de la philosophie et des ses profs.
7 - Si on veut donner une direction correcte à la société, pour que le pool génétique
s’épanouisse, il faut accepter les lois de survie de notre pool génétique, donc s’assurer que
notre culture, notre morale et nos pensées aillent dans le sens d’une conservation du pool
génétique. La biologie devient donc la science mère; les biologistes doivent dicter la
direction à donner à la culture et à nos croyances afin d’améliorer le pool génétique. Cela
pourrait se concrétiser par l’élimination des handicapés, des vieux jugés inutiles… Il faut
purifier la race, car c’est la nécessité commandée par notre pool génétique puisque si on
continue à polluer l’espèce humaine en aidant les chômeurs, les assistés sociaux ou les
étudiants qui font la grève, alors un jour on sera totalement contaminé par ces gènes
effrayants et il n’y aura plus d’avenir pour notre pool génétique.
Voilà des propos plutôt farfelus. Pourquoi est-ce qu'on ferait une chose pareille ?
Ruelland dit : « Si on veut donner une direction correcte à la société... »
Je crois que c'est en effet le désir de la majorité des humains. « ... pour que le pool
génétique s'épanouisse, il faut accepter les lois de survie de notre pool génétique... »
Mais ici, un instant !!! Quel rapport y a-t-il entre la direction correcte de la société et la
survie de notre pool génétique ? Et depuis quand se préoccupe-t-on de notre pool
génétique ? Jusqu'à très récemment on ne savait même pas que ça existait. La survie de
l'humanité, oui, voilà un sujet plus universel et une préoccupation très ancienne. On a
toujours parlé de la survie de l'humain (on dit aussi Homme) et la survie de l'humain a
rapport avec des idées humanistes comme l'entraide, la démocratie, la justice et l'amitié
entre tous les humains. Rien à voir avec la survie de notre pool génétique. Drôle d'idée.
Ça fait plus de 200 ans qu'on écrit des constitutions, des traités et des chartes et je n'ai
jamais vu la mention de « pool génétique ». Encore moins de « lois de survie de notre
pool génétique ».
Dans le reste du paragraphe monsieur Ruelland dérape de plus en plus. Il ne veut plus
simplement respecter les lois de la survie du pool génétique mais prétend qu'on doit
l'améliorer (!!). Pour cela il imagine qu'on doive éliminer des handicapés et des vieux.
Est-il sérieux ?
Il dit qu'il faut purifier la race, du moins laisse-t-il entendre que ce serait là le but secret
des sociobiologistes. Ou même des biologistes tout court puisqu'il spécule sur une
biologie devenue science mère. C'est complètement absurde. Dire que Jean-François ne
trouve rien à redire à ces thèses extravagante... Ça va Jean-François ?
8 - Tôt ou tard, les sciences politiques, le droit, l’économie, la philosophie, la psychiatrie
et l’anthropologie seront des branches de la sociobiologie.
Sincèrement, je ne crois pas que ça arrive. Mais même si ça arrivait, ça ferait quoi !? Où
est le gros problème là-dedans ? C'est de la gestion interne des universités après tout. A-t-
on l'habitude de s'inquiéter pour ces questions ? Le chargé de cours Ruelland est-il inquiet
pour son poste à l'université de Montréal ?

- Pierre Cloutier