Lambert a écrit :Je ne dis pas que les frontières actuelles exactes sont les mêmes qu'au Moyen-Age mais le plus gros du pays est ancien.
Là encore, ça dépend de ce que vous appelez le pays et jusqu'où vous le faites remonter. On est typiquement dans un cas où la pensée cartographique moderne n'aide pas, parce qu'on a tendance à représenter le royaume de France médiéval comme d'un seul tenant et donc à laisser penser qu'il y a une sorte de noyau dur de France primitive qui remonterait au traité de verdun et qui aurait connu une inexorable poussée expansionniste, avec quelques reculs, vers la France actuelle.
Le fait est que c'est largement une vision biaisée par nos représentations actuelles de ce qu'est un pays, structurées par l'Etat nation. Du coup, quand on voit une carte représentant le royaume des francs en l'an 843, notre imaginaire national nous laisse penser que la partie coloriée est la France, alors que c'est plus une collection de duchés et de comtés largement autonomes qui feraient passer l'UE pour un Etat en comparaison (c'est pas pour rien que certains historiens parlent d'anarchie féodale).
Lorsque Huges Capet devient roi des franc par exemple, la France c'est grosso-modo l'Ile de France et une partie de l'Orléanais. Le reste est une collection de vassaux sur lequel le roi n'a qu'un pouvoir très limité, souvent plus puissant que lui et qui ne se sentent pas particulièrement français (puisque ça n'existe pas encore) et pas tous francs (notamment dans le sud, où les identités aquitaines, gasconnes, languedocienne, toulousaines... sont fortes).
On ne s'en rend pas compte aujourd'hui parce que le XIXème siècle a été un siècle de promotion du nationalisme et de destruction des identités régionales, mais jusqu'à tardivement, de gros morceau de ce qu'on considère aujourd'hui comme la France ne se considéraient pas vraiment françaises, elles se considéraient comme sous la tutelle de la monarchie française, mais insistaient sur leurs statuts particuliers hérités des divers traités, héritages et autres acquisitions augmentant le domaine royal au cours du temps. D'ailleurs on hérite encore de cette distinction aujourd'hui dans la géographie économique de la France moderne, puisque le centralisme parisien s'arrête grosso-modo aux marges de ce qui était par le passé les zones où l'identité française se heurtait à l'identité locale de façon plus violente. C'est ce que les géographes appelle en géographie économique la France autonome, par opposition au grand bassin parisien (en gros, ça correspond à la Bretagne historique, à l'Aquitaine, à la Gascogne, au languedoc, à la Région de Lyon étiré à une zone Rhone-alpine allant de l'Est de la Bourgogne à la Suisse, à la Provence, à l'Alsace et au Nord pas de Calais).
L'Histoire est trompeuse parce que ces territoires de négociation entre la couronne et le local n'ont jamais été des royaumes comme en Espagne, si bien que le roi de France pouvait se revendiquer juste "roi de France", ce qui donne l'impression d'une unicité du territoire. En réalité, même sous la monarchie absolue, le dialogue est permanent et ces régions ont d'ailleurs leur parlement, malgré les diverses tentatives du parlement de Paris pour s'imposer comme quasiment seul parlement. (C'est une part de ce qui fait l'excellente formule de Jean-Christian Petitfils, qui parle dans un de ses bouquins de monarchie absolue soumise à négociation permanente...on est loin de l'image d'épinal de Louis XIV, roi incontesté d'une France unifiée et à ses ordres).
Après, qu'on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas. La France est un pays plus ancien que d'autre, mais comme souvent un Histoire, la réalité est plus compliquée que les simplifications et les slogans qu'on aime rapporter et il est important de regarder cette complexité en face au delà des idées toute faite comme celle qu'évoquait f.didier sur la France chrétienne, parce que ce type de slogan tient plus de la propagande pour légitimer un point de vue tout ce qu'il y a de plus moderne, que d'une description de la réalité historique.
Attention à ce qu'on estime légitime parce que l'Histoire nous donnerait raison, souvent cette légitimité est construite sur une vision partiale ou parfois même falsifiée de l'Histoire. Le passé n'est jamais assez simple pour qu'on le résume en quelques mots.
This is our faith and this is what distinguishes us from those who do not share our faith.
(John Flemming, Évêque irlandais, 3ème dan de tautologie, ceinture noire de truisme, champion des lapalissades anti-avortement.)